Mordre le bouclier, de Justine Niogret

Après la découverte de la jolie plume de Justine Niogret avec Chien du Heaume, lecture ô combien recommandable, voici venir la suite, qui suit une nouvelle fois les traces du même personnage. Retour dans un univers fait de froideur, de violence, et d’introspection.

 

Quatrième de couverture :

Castel de Broe. Six mois ont passé depuis la mort de Noalle et Chien du heaume, anéantie par la perte de ses doigts, s’abîme dans la contemplation de sa griffe de fer, cadeau de Regehir le forgeron. Bréhyr entend lui redonner vie et l’entraîne sur les routes à la recherche du dernier homme qu’elle doit tuer: Herôon. Parti en Terre sainte, celui-ci reviendra par le Tor, une tour mythique où le monde des vivants s’ouvre à celui des morts. Les deux guerrières remontent alors le sillage de sang, de larmes et de pourriture des croisades, arpentant côte à côte la voie de la folie et de la vengeance. Dans ce calvaire, Chien rencontrera Saint Roses, chevalier à la beauté d’icône, au savoir de maestre et dont la foi s’est érodée au pied des hautes murailles de Jérusalem. Une faible lueur qui annonce peut-être un espoir de rédemption.

 

L’aventure intérieure

Oubliez donc encore une fois la fantasy épique. Pas de bataille rangées, de duels épiques, d’armure rutilantes ou de sauveur du monde. Justine Niogret nous convie une nouvelle fois  dans un récit moyenâgeux dur, âpre et violent, dans lequel l’aspect « fantasy » est très mince.

Chien du Heaume, à la suite des évènements du la fin du premier tome, est prise dans une spirale dépressive. Elle se sent inutile. Elle est devenue incapable, suite à la perte de plusieurs doigts, de faire ce qu’elle faisait de mieux : se battre. Regehyr va donc lui forger une griffe à la place du pouce, et Bréhyr l’emmener avec elle dans une quête de vengeance, pour lui redonner une raison de vivre.

Commence alors une quête initiatique. Elle cherche toujours son nom, et les réponses qu’elle trouvera en chemin seront bien loin de lui offrir la paix intérieure et l’apaisement qu’elle demandait. Le voyage des deux guerrières les amènera à faire la rencontre de deux êtres eux aussi en pleine quête spirituelle. On l’aura compris, à l’instar de son premier livre, Justine Niogret a écrit un roman dans lequel les personnages prennent le pas sur l’intrigue. Roman plus ou moins divisé en deux parties, la première étant le voyage vers le Tor (avec quelques morceaux sublimes comme le passage en ville), et la deuxième l’attente au Tor en compagnie de Saint Rose et la Petite, lors de laquelle les réflexions et questionnements intérieurs battent leur plein dans ce lieu sauvage dans lequel on en peut rien faire d’autre qu’attendre, coincé entre une salle à peine chauffée par un maigre feu de cheminée et un cimetière aux pierres tombales oubliées depuis bien longtemps…

Questionnements sur la foi, l’identité, la vengeance, le roman ne manque pas de thèmes de réflexion. On est même dans une très forte introspection, tandis que les personnages attendent leur destinée, ensemble dans le Tor, sort de mini Castel de Broe. L’ambiance est somptueuse, nimbée de mystère, sans doute aidée par le fait qu’il n’y a dans le roman aucun ancrage géographique ou chronologique (hormis la mention d’une Croisade). Le final est absolument superbe, tragique, et illuminé d’une symbolique très forte. Sans doute le meilleur passage du roman.

Donc voilà, que cela soit dit, Justine Niogret fait plus que confirmer les grands espoirs placés en elle avec son premier roman. Elle s’affirme tout simplement comme l’une des plus belles plumes francophones, capable de ciseler des ambiances remarquables, sans oublier de soigner la psychologie de ses personnages de manière très approfondie. Quand on est capable de faire cela tout en faisant passer le « scénario » au second plan (mais après tout, les personnages sont l’histoire), et au final réussir un excellent roman, c’est qu’indéniablement elle fait partie des grands.

Jean Philippe Jaworski ne s’y est pas trompé en faisant des pieds et des mains auprès de l’éditeur pour signer la postface (qui amène un éclairage très intéressant sur le roman). Un gage de grande qualité.

Lecture commune avec Efelle, Lhisbei, Shaya, Endea, Xapur.

 

  
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