Desolation Road, de Ian McDonald

Premier roman de Ian McDonald, « Desolation Road » a été écrit en 1988. Il a remporté le prix Locus du meilleur premier roman. Premier trophée d’une liste qui ne cesse de s’allonger, tant Ian McDonald est maintenant bien installé dans celle des auteurs de SF « qui comptent ». Oui mais alors, ce premier roman ?

 

Quatrième de couverture :

Dans le pire désert de Mars, il y a un coin plus perdu que les autres. Le docteur Alimantado, qui l’atteignit par accident, le baptisa Desolation Road. Il sera rejoint par une série de personnages baroques, comiques, excentriques, dont le lot commun est d’être marginaux, à la dérive, à côté de la plaque, oubliés du destin et en quelque sorte dépourvus d’avenir. On rencontre à Desolation Road des personnalités aussi singulières que Persis Tatterdemalion, pilote d’élite clouée au sol qui devient la tenancière du premier bar ; Rajandra Das, vagabond du rail, que les machines aiment tant qu’il les répare d’une caresse ; la grand-mère Babouchka, qui rêve d’un dernier enfant, conçu et élevé dans un bocal ; Paternoster Jericho, des Familles Exaltées, haut dignitaire du crime organisé qui fuit ses assassins ; Ed, Louie et Umberto Gallacelli, triplés qui se ressemblent tant qu’ils aiment et épousent la même femme. Et d’autres, et d’autres, et d’autres, descendants, nouveaux Martiens, sainte, pèlerins, militaires, terroristes, réunis sous la houlette du fondateur involontaire de Desolation Road, le docteur Alimantado, chronodynamicien génial, qui disparaitra dans les couloirs innombrables du temps pour sauver sa ville.

 

On the road again

Difficile de résumer « Desolation Road » tant ce roman est foisonnant ! Issu de l’imagination débridée de son auteur, un rien barré par moments, il narre l’histoire d’une communauté perdue dans le désert de Mars en cours de terraformation, fondée par un scientifique décalé, le docteur Alimantado, et vouée à un destin unique, fait de joies, de peines, de découvertes, de guerres, à travers une galerie de personnages incroyables, parfois improbables, mais toujours jouissifs, qui nous transportent rien qu’à l’évocation de leurs noms (Persis Tatterdemalion, Alimantado, Rajandra Das…) qui parfois n’a pas été choisi par l’auteur au hasard (Staline, Tenebrae, Mandella…). Les références sont nombreuses (Tatterdemalion encore, Alimantado également, Deutéronome, etc… Je vous laisse faire vos propres recherches). Entre le clochard qui a un don pour réparer les machines, la vieille femme voulant enfanter à nouveau, les triplés qui aiment la même femme, ou bien cette petite fille laide capable de faire « exploser » la beauté qu’elle a emmagasinée autour d’elle, difficile de faire la fine bouche, l’amateur de personnages hauts en couleur sera servi !

Ian McDonald nous sert une écriture qui sait se faire douce quand il le faut (lors de certains évènements très poétiques), mais aussi plus nerveuse (lors d’autres plus violents, voire cruels), pour écrire ce qui ressemble fort à une critique sociale (visant le féodalisme industriel, métaphore du capitalisme échevelé, sacrifiant l’humain sur l’autel de la rentabilité), religieuse ou politique, utilisant certains éléments ou concepts très typés SF (lasers pour réchauffer des régions entières, boucliers magnétiques pour bloquer les radiations solaires, ou bien d’énormes miroirs faisant briller des soleils artificiels aussi bien que voyage dans le temps et autre dérèglements de l’espace-temps) mais aussi d’autres plus « magiques ».

Le développement de la ville de Desolation Road fait inévitablement penser à la conquête de l’ouest d’abord (à travers l’omniprésence des trains, seuls moyens de transport rapides sur la planète, ou bien à travers la ville elle-même, née de presque rien et perdue en plein désert), avant de rappeler la révolution industrielle,et ses travailleurs trimant sur des postes répétitifs et difficiles, exploités par des corporations sans scrupules. Les tensions s’exacerbent au fil du temps jusqu’à l’inévitable. Finalement, c’est l’Histoire des hommes qui nous est contée, qui se trouve revisitée en quelques années, accélérée par la terraformation et la colonisation forcenée de la planète, agrémentée de « petites » histoires qui se fondent dans la grande, le tout restant très cohérent.

La richesse de ce roman se dévoile également à travers ces petits plus amenés par l’auteur, comme ces néologismes (noms des planètes, des mois de l’année), ou bien les titres ronflants de certains personnages (comment rester insensible devant Jean-Michel Gastineau le Maître Mutant des Scintillants Sarcasmes et Réparties Rapides, ou bien Adam Black et son Extravagant Théâtre Éducatif Intelligent ?…). Tout cela contribue à entretenir ce sentiment d’émerveillement, comme un petit enfant restant les yeux écarquillés devant un phénomène fascinant.

« Desolation Road » se révèle donc être un ouvrage très riche, très dense mais très diversifié, qui part dans tous les sens, débridé, déjanté, mais aussi sérieux, critique. Une lecture certes parfois un peu exigeante, au rythme soutenu, pas toujours facile à suivre (nombreux personnages sur plusieurs générations), pas sans défaut non plus (le destin de certains personnages reste parfois un peu obscur), mais une lecture comme on en voit peu, débordante d’excentricité, et très originale. Le « sense of wonder » coule dans les veines de ce roman.

Lisez-le.

  
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