Le Maître des Ombres, de Roger Zelazny

Posted on 30 mars 2012

Deuxième lecture du sieur Zelazny, après un premier essai sympathique mais en demi-teinte. Cette fois on quitte la SF pour partir sur un récit mi-fantasy mi-contemporain ! Sacré mélange !

 

Quatrième de couverture :

 » Je suis le Maître des Ombres ! Seigneur du Bastion de l’Ombre ! je suis Jack le voleur qui marche en silence et dans l’ombre ! J’ai été décapité à Iglès et j’ai resurgi des Fosses à Immondices de Glyve. J’ai bu le sang d’un vampire et dévoré une roche. Je suis celui qui a rompu le Traité. Celui qui a inscrit un faux nom sur le livre d’Ells. Je suis le prisonnier du joyau. J’ai dupé le Seigneur du Fort-Colère et je retournerai me venger de lui. Je suis l’ennemi de mes ennemis.  »

Une Terre figée où existent une Face Diurne, celle de la technologie, une Frange Crépusculaire et une Face Nocturne, celle de l’Art Occulte. C’est dans ce décor de science-fantasy que le père des Neuf Pinces d’Ambre fait évoluer Jack, une créature prête à tout pour se venger de celui qui lui a volé la femme qu’il aimait, la belle Evène. Michael Moorcock a créé Elric et l’a tué, Roger Zelazny a créé Jack et l’a fait revenir d’entre les morts.

 

Côté clair vs côté obscur

S’il y a bien une chose qui peut qualifier ce roman, c’est déroutant. Quelle imagination chez Zelazny ! Il nous présente une Terre qui ne tourne pas (ou plus) sur elle-même. Ainsi une face est constamment éclairée, sur laquelle la civilisation s’est développée telle que nous la connaissons, tandis que l’autre est constamment dans l’ombre. C’est la partie terrestre dominée par la magie, et habité par des êtres ayant plusieurs vies. La limite entre ces deux faces, la Frange Crépusculaire, est le domaine de Jack, qui tire sa force des ombres. Voleur de son état, il est habité d’incroyables pouvoirs dès lors qu’une partie de son corps se retrouve dans l’ombre.

Sauf qu’au début du roman, Jack est capturé, puis exécuté. Disposant de plusieurs vies, il est ressuscité à la Fosse aux Immondices. S’en suit alors une histoire de vengeance, qui le mènera sur la face éclairée, à la recherche d’une grande source de pouvoir, puis jusqu’aux entrailles de la Terre, pour finalement atteindre la pouvoir absolu, puis la chute ultime. A moins que…

Ce court roman va droit au but. Zelazny ne s’embarrasse pas d’explications superflues : rien n’explique l’arrêt de la rotation de la Terre, le monde de la face nocturne n’est pas vraiment détaillé, ses habitants aux nombreuses vies n’ont finalement guère de profondeur. C’est son principal défaut : l’imagination de Zelazny est très fertile, mais il est resté avare en explications, alors qu’il y avait tant à dire ! Même le personnage de Jack, aussi détaillé soit-il, manque un peu de substance : son passé ne nous est pas dévoilé, alors qu’il semble connu de tous… D’un autre côté, cela donne un caractère mystérieux au cadre du récit, certains passages relevant quasiment de l’onirique. Mais on aurait aimé en savoir plus…

On retrouve encore une fois les thèmes chers à l’auteur : la divinité, l’immortalité. Jack, tout comme les habitants de la face nocturne, est en effet presque immortel. Presque puisque tant qu’il lui reste des vies, il ressuscitera à chaque fois. Bien évidemment, nul ne sait de combien de vies il dispose. Enfin il atteindra le statut divin, mais à quel prix, et pour quelles conséquences…

Finalement, malgré ses défauts, cet ouvrage se lit d’une traite. Les réserves évoquées plus haut sont en fait assez peu de choses face au dynamisme du récit. Les évènements s’enchainent rapidement, sans laisser souffler le lecteur, jusqu’à une apothéose finale qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Signalons également l’écriture de Zelazny qui fait merveille, toujours aussi évocatrice. On n’est certes pas encore dans le chef d’œuvre, mais ça se lit très bien. Bref, après « Le maître des rêves » « bien mais pas top » (copyright « Les Nuls »), on commence à entrer dans du bon ! Vivement la suite !

 

D’autres chroniques chez Miss Spooky Muffin, Ptitetrolle, Palabres Eclectiques, Mondes Imaginaires.

  
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