Prometheus, de Ridley Scott

Posted on 21 juin 2012

Ah ce fameux « Prometheus », attendu de longue date, auréolé d’un buzz bien orchestré à coup de marketing viral, retour à la science-fiction de Ridley Scott, et surtout retour à la saga qui l’a rendu célèbre, « Alien », même si le réalisateur se défend de n’avoir fait qu’une « simple » préquelle à ce chef d’oeuvre de l’année 1979 (déjà !). Sortie en France le 30 mai, soit il y a déjà trois semaines, il a depuis été vilipendé par les adeptes de la franchise aux xénomorphes, accusé d’avoir trahi son esprit. Il lui a également été reproché un contenu idéologique litigieux. Je ne vais pas ici en faire une critique détaillée, d’autres le font beaucoup mieux que moi (et croyez moi, les articles pullulent sur le web), juste reprendre deux ou trois choses qui m’ont marqué, et mon ressenti général.

(Bien évidemment, cet article est rempli de SPOILERS, vous êtes prévenus)

D’ailleurs, pour ce qui est de mon ressenti, le voici, de but en blanc : j’ai bien aimé « Prometheus ». Voilà, vous pouvez maintenant me conspuer. Bon, je l’ai dit et le redit, je suis quelqu’un de plutôt bon public. Ceci explique peut être cela. Ceci étant maintenant dit, venons-en au fait : « Prometheus » a en effet un contenu idéologique discutable. On est clairement dans le créationnisme pur et simple : les humains ont été créés par les « Ingénieurs », ces créatures à la peau d’albâtre dont on aperçoit un exemplaire dans son exosquelette dans le premier « Alien » (le fameux « Space Jockey »). Exit le darwinisme, évacué au terme d’un épique duel oral de… deux phrases (!!) avec un scientifique faisant objection à cette assertion. Doit-on le reprocher au film ? Ça, c’est un positionnement dont je laisse l’appréciation à chacun. Personnellement non. J’ai pris cette « révélation » comme un élément de SF dans un scénario de SF d’un film de SF. La SF doit-elle être scientifiquement juste ? Oui, un peu mais pas toujours. Sinon, ce n’est plus seulement de la science-fiction. C’est de la science. Ah, on me dit dans l’oreillette que la SF doit se baser sur des éléments scientifiques plausibles pour ensuite spéculer sur des faits non établis scientifiquement. Et donc revenir sur le darwinisme et le remplacer par le créationnisme n’est pas acceptable. Mais pour moi, faire de la SF en revenant sur un élément scientifique établi et dire « et si… ? », ça ne me gène pas.

Alors bien sûr, la confrontation darwinisme/créationnisme touche la science aussi bien que la religion, c’est un domaine explosif, d’autant qu’il est facile d’accuser sinon Ridley Scott, au mois la production du film de surfer sur un courant en vogue en ce moment aux USA… Oui mais… Le créationnisme, à la base, n’est-ce pas croire à la lettre aux origines de l’humanité tel que décrit dans la Bible ? Quand on sait que Ridley Scott voulait au départ que Jésus soit en fait un extra-terrestre, un de ces « Ingénieurs », pas sûr que cela aurait vraiment plu au tenant de ce courant de croyance aux Etats-Unis… Bref, certes « Prometheus » avance une thèse créationniste, mais c’est pour le scénario, alors pourquoi pas. Et puis après tout, ne peut-on pas passer outre ces thèses, et apprécier le film malgré tout ? Dans mon cas, je n’étais pas d’accord avec toutes les idées avancées par Georges Panchard dans son dyptique Forteresse/Heptagone, j’ai pourtant trouvé ces deux romans juste excellents. Je ne suis pas non plus sûr que tous les amateurs du romancier Dan Simmons partagent ses idées politiques…

 

 

En revanche, là où le film se plante, et montre que le scénario semble être passé entre différentes et avoir manqué quelques séances de relecture (ou bien le film a été salement coupé au montage puisqu’il semble lui manquer entre 20 et 30 bonnes minutes…), c’est qu’il croule sous les incohérences toutes plus énormes les unes que les autres. Des exemples ? Une mission cruciale, pour laquelle ont été recrutés d’éminents scientifiques, et qui n’apprennent le but de cette mission qu’au terme d’un voyage en cryogénisation que deux ans ???? Deux scientifiques, effrayés par ce qu’ils vont trouvés derrière une porte, qui préfèrent rebrousser chemin, se perdent en route (malgré tous les systèmes de communication et de cartographie…), et finalement préfèrent attendre le lendemain en allant… dans la salle située derrière cette fameuse porte ???? Non mais au secours quoi !! Et les exemples sont légion. Le site d’Odieux Connard en révèle un paquet, avec le ton qu’on lui connait. C’est jubilatoire tellement c’est énorme.

Quant au raccord avec la mythologie « Alien », s’il ne se fait réellement que lors de la toute dernière scène, les indices sont nombreux tout au long du film. Dès lors, il est beaucoup intéressant de regarder « Prometheus » en ayant le premier « Alien » en tête, même s’il constitue un film tout à fait regardable indépendamment. Là ou j’ai eu un problème, c’est que j’ai eu le sentiment de m’être fait piégé. Je pensais avoir toutes les réponses au terme du film. C’est sans compter sur l’appât du gain de la 20th Century Fox qui a bien senti qu’il y avait matière à une nouvelle franchise, rattachée à « Alien » pour attirer du monde, mais partant dans une autre direction pour se laisser une certaine liberté créatrice. Du coup, gros problème : pas de réponses à de nombreuses question importantes, et même centrales du film. Qui sont ces « Ingénieurs » ? Si ce sont eux qui ont créé l’humanité, d’où viennent-ils, eux (cette interrogation étant abordée, dans une des rares scènes de réflexion du film, entre l’androïde David et le scientifique Holloway) ? Et surtout, pourquoi ont-ils voulu détruire l’humanité, et donc effacer leur création, il y a 2000 ans ? Tient donc, 2000 ans… Que s’est-il passé il y a 2000 ans ? Encore une incartade religieuse dans le scénario ? Quand on sait qu’il a été remanié par Damon Lindelof, scénariste de la série Lost, ça n’étonnera personne… Quand on remet cette date en perspective avec les propos de Ridley Scott dont je fais état plus haut à propos de Jésus, on comprend un peu mieux ce qu’il en est. La vision d’un alien en position christique sur une gravure est un autre indice… Et ça me gène déjà plus que la thèse créationniste. Au nom de quoi la religion chrétienne doit-elle diriger le sort de l’humanité entière ? Au nom de quoi doit-elle jugée supérieure à toutes les autres? Il y a là un jugement de valeur qui me dérange un peu. Je précise que c’est un athée qui vous parle, au cas où.

Pour en terminer avec cet article déjà trop long, comme je l’ai dit au début, j’ai bien aimé ce film. Avant tout parce qu’il se penche sur la mythologie « Alien ». Pris seul, c’est un simple blockbuster de plus. Remis dans un contexte plus global, il est déjà plus intéressant, pour les (malheureusement trop peu nombreuses) réponses qu’il apporte. Reste à voir ce que donnera la suite. J’ai également apprécié ce film sur le plan technique, là il n’y a rien à redire, c’est superbe. La scène d’introduction et ces paysages sublimes donnent le ton. Le reste est à l’avenant : une 3D réussie (c’est rare !), un design, une esthétique et une direction artistique en béton armé (merci H.R. Giger !), c’est une incontestable grande réussite.

Il y a donc certes un arrière goût douteux dans ce film, dont je fais abstraction (mais je comprends tout à fait que cela puisse en bloquer d’autres), j’ai également le sentiment de m’être un peu fait avoir sur le contenu trop léger, il est bourré d’invraisemblances (et c’est peu de le dire !!), et pourtant j’ai aimé. Et j’irai voir la suite.

 

Chronique écrite dans le cadre du challenge « Summer Star Wars, épisode VI » de Lhisbei.

  
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