Seigneur de lumière, de Roger Zelazny

Posted on 11 octobre 2012

Mes lectures de Roger Zelazny s’enchaînent avec toujours beaucoup de plaisir, et ont forcément fini par me mener à ce qui est considéré comme le grand chef d’oeuvre de l’auteur : « Seigneur de lumière ». Lu au sein du volumineux volume de la collection Lunes d’encre (doté d’une remarquable couverture signée Manchu) regroupant également les romans « Royaumes d’ombre et de lumière » et « L’oeil de chat » (deux romans que je lirai un peu plus tard), et toujours grandement empreint de mythologie comme dans tant d’autres récits de l’écrivain américain, on peut presque dire que ce roman était fait pour ma plaire…

 

Quatrième de couverture :

Mondialement connu pour sa saga d’Ambre, Roger Zelazny ne s’est pas contenté de réinventer la mythologie celtique, comme le prouvent brillamment les trois romans au sommaire de ce volume, tous proposés dans des traductions révisées.

Dans « Seigneur de lumière » (prix Hugo 1968), sans doute son roman le plus ambitieux, Zelazny revisite le panthéon hindou et replace la quête mystique de Siddhartha sur une planète extraterrestre dirigée par une caste d’immortels.

Dans « Royaumes d’ombre et de lumière », il décrit loin dans le futur la lutte d’Osiris et Anubis, la vengeance d’Horus et les visions d’apocalypse d’Isis.

Dans « L’Oeil de Chat », un de ses romans les plus sous-estimés, il lance un pisteur navajo à la poursuite de la plus dangereuse des créatures intelligentes – Chat – un extraterrestre télépathe capable de changer de forme à volonté.

Roger Zelazny (1937-1995) a reçu six prix Hugo et trois Nebula pour ses romans et nouvelles. Sa disparition a privé la science-fiction d’un de ses plus grands stylistes.

 

L’éveil de Bouddha

« Seigneur de lumière » m’aura permis d’apprendre un tas de choses sur la mythologie hindoue. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises ici, mais j’adore les mythologies. En revanche je connais mal l’hindouisme. Ce roman m’aura permis de m’y intéresser de plus près, car bien qu’il soit compréhensible sans avoir à ingurgiter une masse d’articles sur ce thème, il me semble qu’un minimum de connaissances (merci Wikipédia !) permet d’en tirer un niveau de lecture supplémentaire. Roger Zelazny a en effet écrit avec ce roman ce qui peut s’apparenter à une relecture de la mythologie hindoue et de l’émergence du bouddhisme, le tout à la sauce SF.

L’action se déroule dans un futur lointain. Les hommes ont colonisé une autre planète, sur laquelle ils ont étendu leur domination, utilisant une technologie très évoluée leur permettant de changer de corps pour survivre pour l’éternité. Au fil du temps, pour asservir la population et la maintenir dans une ère technologique très rudimentaire, ils se sont réappropriés la mythologie hindoue en se faisant passer pour des dieux aux formidables pouvoirs : la Trimūrti (sorte de trinité hindoue, composée des dieux les plus importants : Brahmâ, Vishnou et Shiva) est ainsi personnifiée, ainsi qu’une multitude d’autres dieux tels que Kâlî, YamaMāra, Agni, Ratri, etc… Mais un de ces premiers hommes colonisateurs, Sam, se lèvera contre cette théocratie.

Le roman commence par l’éveil de Sam/Bouddha (qui porte de multiples autres noms au fil du récit : Siddharta, TathāgataMaitreya, etc… Tous ces noms ayant une réelle signification dans l’hindouisme), ramené du Nirvana par Yama et Ratri pour accomplir son dessein : mettre fin au règne des dieux. S’en suit ensuite une série de flashbacks, reprenant le début de la « révolution » de celui qui deviendra Bouddha, ou plutôt qui reprendra une vieille religion terrienne pour tenter de mettre fin à la domination de ces Premiers qui se sont eux aussi réappropriés une ancienne religion. Le début du roman est volontairement assez obscur, le lecteur se trouvant déboussolé devant une avalanche de noms hindous, sans trop cerner le contexte global ni les personnages. Ce sont les flashbacks successifs qui permettront d’en savoir plus sur ces dieux, sur le cheminement de Bouddha, et donnant de la matière au contexte dans lequel se déroule l’histoire.

Mais comme toujours chez Zelazny, l’important ce sont les personnages. Qu’ils sont fascinants ces hommes devenus dieux, mimant au plus près la mythologie hindoue, et au comportement finalement très humain. Sam et Yama sortent du lot, avec leur farouche volonté, mais aussi leurs failles, Sam avec cette figure de sage, personnifiant à merveille le Bouddha que nous connaissons, et Yama le terrible dieu de la mort, qui ne mourra que lorsqu’il l’aura lui même décidé. Zelazny s’est vraisemblablement beaucoup documenté sur l’hindouisme, et cela se ressent : ce récit, finalement très respectueux des « originaux », pourrait très bien passer pour un partie de cette mythologie.

Le style de l’auteur, bien qu’empreint de mysticisme, fait toujours son effet, et il passe ainsi allègrement de discussions abusant parfois un peu trop d’emphase à de divins duels tout ce qu’il y a de plus épiques ! Voir ces dieux armés de leurs attributs divins s’affronter à coups d’armes et de pouvoirs redoutables a quelque chose de vraiment jouissif ! Et certains passages sont mémorables, comme le combat de Sugata (là encore un nom qui ne doit rien au hasard…) contre Yama. La construction en vastes chapitres d’une cinquantaine de pages chacun, sortes de nouvelles faisant avancer le récit, n’altère aucunement le rythme des péripéties. Le tout est très dynamique, et une fois pris dans cette tourmente mythologique, il est bien difficile de ne pas y revenir pour quelques pages de plus !

Zelazny réussit là une grande oeuvre, sans doute pas des plus simples à appréhender mais fascinante car ultra-référencée, mêlant l’épique et le mystique, la SF et la mythologie, sans utiliser dans son texte de vaisseaux ni de technologies futuristes. Un regret : que ce superbe roman se termine aussi vite. J’y serais bien resté 100 ou 200 pages de plus. Et c’est pourtant un lecteur qui aime la concision qui vous le dit !

 

Une lecture commune avec Guillaume.

Lire aussi les avis de Nébal, Viinz, Cachou et Efelle.

  
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