Les créateurs, de Thomas Geha

Posted on 15 janvier 2013

J’ai, à chaque lecture d’un roman de Thomas Geha, pris beaucoup de plaisir. C’est de la littérature populaire, pleine d’action, décomplexée, pas prise de tête, un vrai bon moment de détente. Mais ce serait une erreur de cataloguer trop vite l’auteur. Car c’est un complet changement de registre que nous propose ce recueil. Autopsie…

 

Quatrième de couverture :

Il était une fois rien du tout. Il était une fois six histoires où des hommes et des femmes se retrouvent confrontés à des situations improbables, quoiqu’étrangement familières. Et si vous pouviez faire revivre un être disparu ? Et si votre rêve le plus fou pouvait se réaliser ? Et si votre vie était factice ? Et si l’amour n’était qu’un éternel recommencement ? Et si… Voulons-nous vraiment connaître le jardin secret des personnes que l’on aime ? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour le découvrir ?

Toutes les vies animées au cœur de ces pages participent à la création d’univers originaux ou alternatifs, proches du nôtre ou éloignés, réalistes ou fantasmagoriques. Mais tous ces univers, tous ces personnages, introduisent les mêmes questions essentielles : qui sommes-nous et d’où venons-nous ? Qui donc se cache derrière nos existences et nos destins ? Les nouvelles composant ce recueil ne tentent pas de répondre à ces questions, elles les explorent avec toujours la même ambition : découvrir qui nous sommes au travers de notre humanité.

 

La face cachée de Thomas Geha

Oubliez les guerriers rugissants, les vaisseaux spatiaux et autres babioles science-fictionno-fantasyesques (!!), car en effet Thomas Geha se livre ici à coeur ouvert. Sensibilité, émotion, poésie sont ici les maîtres mots. C’est un secteur dans lequel on n’attendait pas forcément l’auteur. La claque n’en est que plus grande.

Le recueil s’ouvre avec la nouvelle « La voix de Monsieur Ambrose ». Dans un Paris du XIXème plus vrai que nature, un acteur de théâtre peine à confirmer tout son talent à cause d’une voix qui ne porte pas assez et ne lui ouvre donc pas les portes des plus grandes salles. Un repas mondain va lui permettre de rencontrer un certain Arthur Machen, et de changer son destin. La lecture des « Créateurs » commence très bien avec cette nouvelle joliment référencée et bien documentée.

Suit « Là-bas », une courte nouvelle avec pour référence le fameux mythe du golem. Voyage à Prague, drame amoureux, mythe revisité (et j’adore ça, vous commencez à le savoir !), tous les ingrédients sont réunis pour une sombre mais belle histoire.

Avec « Copeaux », on touche là au sublime. Une jeune fille orpheline est recueillie par ses grands-parents. En résumant au maximum, l’histoire s’arrête là. Mais c’est tellement plus que ça, plein de souvenirs qui m’ont ému car ils sont étrangement proches des miens, renforçant ainsi l’identification à son maximum. C’est une nouvelle superbe, qui mérite à elle seule l’achat du recueil. Je n’en dis pas plus pour ne pas la déflorer, mais c’est une lecture vraiment magnifique. Beau et triste à la fois, je ne suis pas près de l’oublier.

La nouvelle « Bris » tranche un peu avec le reste du recueil. Plus typée SF, alors que les autres récits sont plutôt axés fantastique, j’ai eu un peu plus de mal à accrocher. Dans un ville sombre et décadente, un homme amnésique cherche des traces de son passé. L’ambiance sombre est bien décrite et oppressante, c’est par moment assez poétique, mais curieusement ça n’a pas pleinement fonctionné sur moi.

Mais on retombe à nouveau dans l’excellence avec « Dans les jardins ». Encore une fois écrite avec beaucoup de sensibilité, cette nouvelle nous conte une belle histoire d’amour, sur fond de Bretagne, de fantastique, de nostalgie. On se laisse porter par la douceur, la langueur du récit. Subtile et poignant, encore une fois. L’autre perle du recueil.

Et enfin, on termine avec « Sumus Vicinae ». Hommage au compositeur Nicholas Lens, ce n’est clairement pas la nouvelle la plus simple à appréhender. Un homme découvre une inscription (« Sumus vicinae », nous sommes les voisines) sous le doigt de pied de sa femme après qu’elle se soit dégonflée lorsqu’il a appuyé dessus durant des ébats coquins (!!). Dans un monde pour le moins étrange, il va tenter de rencontrer ces fameuses voisines, et trouver la clé du mystère. Assez particulière, cette nouvelle se laisse tout de même suivre avec bonheur jusqu’à une fin bien trouvée.

Au final, quelle belle surprise ! Certes, je connaissais déjà le ton global du recueil avant de le lire, puisque nombre de chroniques sont parues à son propos. Mais quel plaisir de lecture ! Quelle finesse d’écriture ! Dans un registre totalement différent de ce que j’ai pu lire de Thomas Geha jusqu’ici, il vient de confirmer de manière éclatante qu’il va vraiment falloir compter sur lui dans les années à venir. Monsieur Geha : merci !

 

Lire aussi chez Lune, Arieste, Blackwolf, Fanny, Fantasio, Rongeuse de livres, Book en stock, un monde de nouvelles, Acta est fabula.

Chronique écrite dans le cadre du challenge « JLNN » de Lune.

  
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