Gueule de Truie, de Justine Niogret

Posted on 4 mars 2013

Justine Niogret fait partie de ces rares auteurs pour lesquels je pourrais acheter les ouvrages les yeux fermés. J’avais en effet été tellement sous le charme de ses deux premiers romans, « Chien du heaume » et « Mordre le bouclier », portés par une écriture magistrale, et mettant en place des ambiances glaciales mais somptueuses, que je ne pouvais que me précipiter sur son nouvel ouvrage paru aux éditions Critic. J’en ai d’ailleurs profité pour le dédicacer quelques jours après sa sortie à la librairie du même nom à Rennes.

 

Quatrième de couverture :

L’Apocalypse a eu lieu.

Pour les Pères de l’Église, elle a été causée par Dieu lui-même. Comme la Terre est morte, ils n’ont plus qu’un seul but : détruire le peu qui reste, afin de tourner une bonne fois pour toutes la page de l’humanité.

À leur service, Gueule de Truie, inquisiteur. Dès le plus jeune âge, on lui a enseigné toutes les façons de prendre la vie. Caché derrière le masque qui lui vaut son nom, il trouve les poches de résistance et les extermine les unes après les autres.

Un jour, pourtant, il croise la route d’une fille qui porte une boîte étrange, pleine de… pleine de quoi, d’abord ? Et pourquoi parle-t-elle si peu ? Où va-t-elle, et pourquoi prend-elle le risque de parcourir ce monde ravagé ? En lui faisant subir la question, Gueule de Truie finit par se demander si elle n’est pas liée à son propre destin, et si son rôle à lui, sa véritable mission, n’est pas de l’aider à atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé, et peut-être même d’apprendre à vivre.

 

Tout est bon dans le cochon ?

Après son diptyque médiéval, changement d’ambiance avec ce roman. On est ici dans le post-apocalyptique le plus pur : le « Flache » a pour ainsi dire détruit la Terre, et l’humanité n’est plus constitué que de quelques poches de survivants. Parmi ceux-ci, les inquisiteurs (dont fait partie Gueule de Truie) chargés par les Pères de l’Eglise persuadés que la fin du monde est l’oeuvre de Dieu lui-même, d’en finir avec les derniers survivants. Ah c’est sûr, ça ne respire pas la joie et l’allégresse… Et le reste du roman est à l’avenant : tout est sombre, déprimé, sauvage, violent. Voilà c’est dit : on n’est pas là pour rigoler.

Et une fois encore, l’écriture de Justine Niogret fait des miracles. Dans un style à la fois proche et éloigné de « Chien du heaume », proche car toujours poétique dans sa capacité à installer des ambiances pesantes et sombres, et éloigné car beaucoup plus aride et rêche que le style beaucoup plus riche de son premier roman, c’est en effet cette écriture qui porte le roman. On est à travers elle plongé dans le tête de Gueule de Truie, dont les certitudes vacillent lors de sa rencontre avec une fille (dont le nom nous restera inconnu). « Gueule de Truie » est un roman très introspectif, c’est du Justine Niogret pur jus à ce niveau là. Les questionnements sont nombreux : la foi, l’identité, le but d’une vie, l’amour. Les dialogues sont peu nombreux, faits de phrases courtes, montrant bien que la culture au sens large n’est plus qu’un lointain souvenir.

Et l’histoire dans tout ça ? Hé bien, à l’instar de ses deux romans précédents, l’auteur la fait passer au second plan. L’histoire du roman, c’est tout le cheminement de pensée de Gueule de Truie, ce sont ses doutes, ses interrogations, ses espoirs, ses désillusions. Mais là où cela avait parfaitement fonctionné avec « Chien du heaume » et « Mordre le bouclier », je reste un peu plus mesuré ici. Sans doute une question de feeling, j’ai plus été happé par l’univers médiéval glacial des deux romans pré-cités que par ce désert post-apo déprimant. Il faut dire aussi que Gueule de Truie n’est pas vraiment des plus sympathiques… Élevé pour tuer, il ne connait que la violence, et ses accès de colère sont redoutables, y compris avec la fille qui le suit (à moins que ce ne soit lui qui la suive…). Là encore Justine Niogret a parfaitement rendu cela sur papier : on a parfois la gorge serrée par tant de violence  physique comme psychologique.

Enfin, la symbolique du roman n’est pas en reste. L’auteur donne en effet un sens mystique au cheminement de Gueule de Truie, à travers l’apparition d’un homme à tête de cerf albinos (le cerf blanc, symbole d’un guide envoyé par Dieu lui-même), ou bien à la vision d’un géant nommé Surtr (reprenant le géant nordique Surt, qui par son feu dévastateur incendiera le monde lors du Ragnarok). Cela rappellera bien des souvenirs à ceux qui ont aimé la Salamandre des récits précédents de l’auteur…

Alors au final, j’avoue être resté un peu sur ma faim. Rien à dire côté écriture, on reste dans les hautes sphères. En revanche, côté récit, j’avoue que j’en attendais un peu plus. Ceci dit, j’ai malgré tout été porté par le style de Justine Niogret, qui est parvenue à m’emmener au bout d’un voyage éprouvant, dur, mais finalement gratifiant.

Lire aussi chez Arieste, Babeth, Cornwall, Lune.

  
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