Cloud Atlas, de Andy & Lana Wachowski et Tom Tikwer

Posted on 25 mars 2013

Le voici enfin ce « Cloud Atlas », ou comment réussir le pari d’adapter à l’écran un roman inadaptable… Car le roman duquel provient le film, « Cartographie des nuages » de David Mitchell, est en effet d’une belle complexité, sur le fond comme sur la forme (Gromovar en parle très bien). Et pourtant, les Wachoswki (accompagnés de Tom Tikwer, déjà réalisateur de l’excellent « Cours, Lola, cours ») prouvent avec ce film qu’ils n’ont rien perdu de leur verve cinématographique, que certains pensaient un peu usurpée après les boursouflés épisodes 2 et 3 de la trilogie « Matrix ».

Cloud Atlas 1« Cloud Atlas » se permet ainsi de mettre à l’écran six histoires différentes, se passant à différentes époques (dans le passé, le présent et le futur, le tout étalé sur cinq siècles), toutes ces histoires étant plus ou moins liées entre elles. C’est là son vrai tour de force : à aucun moment le spectateur n’est perdu, le montage est suffisamment bien fait pour qu’on ne perde pas le fil de l’intrigue. Intrigue qui n’en est pas vraiment une d’ailleurs, puisqu’il ne s’agit pas de suivre une simple histoire. Il s’agit plutôt de réflexion sur la portée de nos actes, l’esprit de rébellion contre le système, le dépassement de soi (et des conventions), la réincarnation, la survie de l’âme, entre autres questions existentielles qui ont toujours taraudé l’humanité.

Cloud Atlas 16Les différentes histoires sont toutes réussies, ce qui n’était pas forcément gagné d’avance tant leur style est différent : on va de l’aventure maritime en 1849 à la futuriste rébellion d’un clone en 2144 en passant par un thriller politico-journalistique en 1973, une comédie à l’humour so british en 2012 ou bien une romance quasi-épistolaire en 1936. Belle performance qui prouve que les réalisateurs sont à l’aise dans tous les styles (j’avoue que je ne les attendais pas dans l’humour anglais, même s’ils sont grandement aidés par la prestation de Jim Broadbent). Jamais un récit ne prend le pas sur un autre, au gré de multiples passages des uns vers les autres (les séquences sont souvent courtes), pour finir par former un tout cohérent. Je ne me suis pas ennuyé une minute durant les 2h40 du film.

Cloud Atlas 22Saluons également le boulot des acteurs qui incarnent plusieurs personnages au fil des siècles, dans des rôles parfois surprenants (à ce propos, ne quittez pas la salle trop précipitamment, vous serez sans doute surpris). J’ai apprécié un Hugh Grant très à l’aise, un formidable Jim Broadbent dans des rôles parfois diamétralement opposés. Le casting est vraiment de qualité : en plus de ceux déjà cités, il faut y ajouter, entre autres, Tom Hanks, Halle Berry, Hugo Weaving, Jim SturgessDoona Bae ou bien encore Susan Sarandon. Ils sont parfois dissimulés sous des tonnes de maquillage pas forcément toujours au top, mais en revanche il n’y a pas grand chose à redire sur la photographie du film, subtilement différente à chaque époque mais toujours superbe. Visuellement, le film offre ainsi quelques beaux moments, que cela soit lié aux effets spéciaux comme le vision de Néo-Séoul lors des séquences futuristes (mais pouvait-il en être autrement des réalisateurs de « Matrix » ?) ou bien plus simplement à une superbe mise en scène. La musique n’est pas en reste, alternant morceaux relativement classiques avec de belles pièces plus symphoniques (notamment le sextuor Cloud Atlas bien sûr, qui revient à plusieurs reprises).

Cloud Atlas 7Une belle réussite donc, pour un film dont je ne m’explique toujours pas l’échec commercial. Enfin si, je sais pourquoi. On est loin du blockbuster ici, même s’il en a tous les atours. C’est un film finalement assez rare, par son ambition, sa narration, la densité de son propos, au fond relativement complexe (mais toujours accessible) qui a pu en effrayer plus d’un. Une expérience filmique, éloignée du tout-venant de l’industrie cinématographique. Un film fort, et plus que tout : très généreux. J’y ai senti que les réalisateurs ont voulu à travers lui montrer tout leur amour du cinéma. Ainsi, il mérite bien plus qu’un simple succès critique. Car avec « Cloud Atlas », les Wachowski prouvent qu’ils font plus que jamais partie de la cour des grands. Il serait bon que cela se sache.

Quant à moi, il m’aura plus que jamais donné envie de lire cette fameuse « Cartographie des nuages » de David Mitchell.

Cloud Atlas 21

  

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