La Paille dans l’oeil de Dieu, de Larry Niven et Jerry Pournelle

Posted on 1 août 2013

Voilà un roman qui m’intéresse depuis très longtemps. Pour des choses sans doute assez futiles (sa jolie couverture par exemple), mais aussi d’autres plus importantes (comme son thème de départ du premier contact extraterrestre). Le fait qu’il ait plutôt bonne presse n’est pas non plus pour rien dans l’intérêt que je lui porte. Verdict…

 

Quatrième de couverture :

Au fin fond de l’espace, dans plus d’un millénaire…
Près de quatre siècles de barbarie ont suivi l’effondrement du Premier Empire de l’Homme. Avec l’avènement du nouvel Empire et la fin des terribles Guerres de Sécession, la paix semble revenue dans l’univers humain et ses deux cents mondes habités, sous la férule indéfectible de la Marine Impériale. Mais quelque chose s’approche. Un objet inconnu qui ressemble à une gigantesque voile solaire, un vaisseau résolument inhumain. La mission du croiseur impérial Mac-Arthur est dès lors d’une simplicité redoutable : établir le premier contact. Oui, mais avec quoi ?

 

La parabole de la paille et de la poutre

la paille dans l'oeil de dieu - Niven-PournelleLe roman explore une problématique qui n’a rien de neuf dans la SF : le premier contact avec une race extraterrestre. Pour l’originalité on repassera, mais le roman a pour lui de développer cette thématique dans le détail, et sous de multiples angles.

Posons le contexte : l’espèce humaine s’est développée, après bien des péripéties (conquête, effondrement, etc…) sur plus de deux cent mondes. Finalement, un objet pointe le bout de son nez, venant du « Sac à Charbon », une nébuleuse dans laquelle seules deux étoiles sont visibles : une géante rouge nommée l’Oeil de Murcheson, ou l’Oeil de Dieu, et un petite étoile jaune, nommée « la Paille », car elle semble « noyée » dans la géante rouge, d’où le titre du roman (mais cette expression bien connue n’est pas là pour cette seule raison). Rapidement, il s’avère que cet objet n’est pas artificiel…

Sire Blaine, un militaire et richissime aristocrate, capitaine du vaisseau Mac-Arthur par intérim le temps d’étouffer une rébellion sur la planète Néo-Chicago, se verra désigné, car étant le plus proche, pour intercepter cet objet extraterrestre, avec entre autres passagers Horace Hussein Bury, un riche commerçant soupçonné d’avoir aidé la rébellion, et Sandra Bright Fowler, un aristocrate fille de sénateur et jeune anthropologue tout juste sortie d’un camp de prisonniers.

Ce qui aurait pu devenir un énième roman sur le premier contact extraterrestre démontre vite que son propos va bien au delà. En effet, outre les classiques problèmes de communication (langage), ou biologiques (atmosphère, etc…), cautions hard-science du roman (entre autres, car l’aspect hard-science, même s’il n’est pas prédominant, reste important), le récit se tourne rapidement, une fois le premier contact effectué et la mise en route des premières discussions/découvertes/négociations, vers quelque chose de beaucoup plus profond, en s’axant sur des problématiques politiques, diplomatiques, commerciales, scientifiques, militaires, etc… L’ampleur du sujet est impressionnante ! Et les auteurs sont clairement à la hauteur, ne dissimulant rien ou presque, s’astreignant à étudier le « problème » posé par les Pailleux (le nom donné aux extraterrestres) sous de multiples aspects.

Et même si parfois certains personnages frôlent la caricature (notamment certains scientifiques qui semblent un peu trop portés sur la science, sans conscience des autres enjeux), il faut reconnaître que Niven et Pournelle ont réussi à écrire un récit équilibré dans lequel les militaires ne sont pas comme trop souvent des idiots décérébrés (même le « pur » militaire, l’amiral Kutuzov, qui peut sembler de prime abord jusqu’au-boutiste, démontrera l’utilité de son raisonnement), dans lequel l’aspect commercial et financier n’est pas mis de côté, dans lequel le côté scientifique garde toute son importance, le tout au profit d’un récit s’axant autour d’un changement majeur dans la société humaine bien sûr, mais aussi pailleuse. Car là encore, même si le roman garde principalement le point de vue humain, certains chapitres passent du côté Pailleux. Et c’est là qu’on découvre que rien ne sera simple, car eux aussi cherchent à obtenir le meilleur de ce premier contact pour leur société. Si on ajoute à cela les petits secrets cachés par les uns et les autres (humains comme Pailleux), le titre du roman commence à prendre tout son sens…

J’ai mis beaucoup de temps pour arriver au bout du roman, non par désintérêt, bien au contraire, mais plutôt freiné par sa densité. En effet, c’est du lourd ! Les thématiques sont très nombreuses, les pistes lancées par les auteurs sont légions (le résumé ci-dessus n’effleure qu’une toute partie du roman), et demandent une attention constante pour qu’aucun détail n’échappe au lecteur. Résolument non-manichéen, démontrant avec brio que la vérité absolue n’appartient à personne, que préparer l’avenir c’est aussi se préparer au pire voire aux solutions extrêmes, même si cela semble invraisemblable et ignoble, et que la paix et la survie doivent parfois être faites de concessions, c’est un étonnant roman au titre particulièrement évocateur et bien trouvé qui, bien que datant de 1974 (dans un genre, le space-opera, qui évolue très vite et peut vite se démoder), n’a rien perdu de sa force et de sa modernité. Sans doute pas un chef d’oeuvre, mais un récit redoutablement fin et intelligent.

 

Lire aussi les avis de Gromovar, EfelleNébal et Anudar.

Chronique écrite dans le cadre du challenge « Summer Star Wars, épisode 1 » de Lhisbei.

Summer Star Wars épisode 1

  
FacebooktwitterpinterestmailFacebooktwitterpinterestmail