Le Livre d’Or d’Ursula Le Guin

Posted on 5 mai 2014

Ce n’est plus un secret, j’apprécie énormément cette collection des « Livres d’Or ». Parallèlement à ça, cela fait un bon moment que je souhaitais approcher l’oeuvre d’Ursula Le Guin, une auteure majeure des genres de l’imaginaire qui manque cruellement à ma culture personnelle. Donc forcément, le conjonction de ces deux éléments m’a conduit à m’intéresser à ce recueil.

 

Quatrième de couverture :

Titulaire du prix Hugo en 1969 avec « La Main gauche de la nuit », Ursula Le Guin — née en 1929 — a réhabilité magistralement l’utopie à une époque où la science-fiction semblait hantée par la proximité du cataclysme écologique ou du cauchemar totalitaire. S’inspirant d’une conception relativiste du devenir humain, son oeuvre — qui est loin d’être achevée — met à profit les ressources d’une culture ethnologique exceptionnelle. Ses romans (« Le Monde de Rocannon », « La Cité des illusions », « Planète d’exil », « Terremer », notamment), comme les nouvelles présentées dans ce volume, édifient des univers chatoyants où des personnages étrangement sereins s’essaient à tenir compte des autres, à respecter leur identité, à vivre ensemble tout simplement. Beaucoup d’études critiques ont mis en valeur l’importance novatrice de cette oeuvre visionnaire.

 

Ça y est, j’ai Le (bé)Guin !

Livre d'Or-Le GuinAvant de commencer, dois-je dire un mot au sujet de cette splendide couverture ? Non, je crois que ce ne sera pas nécessaire… Certes, elle a mérite de représenter une scène d’une des nouvelles du recueil, mais tout de même, ça pique un peu les yeux, pour ne pas dire plus… Bref, revenons à des considérations plus intéressantes, car après tout, on ne juge pas un livre sur sa couverture. Quoique pour pouvoir le juger, il faut passer outre cette horreur. Bon, j’avais dit que je n’en parlerai pas, c’est raté !^^

Comme d’habitude avec cette collection, la lecture débute par la « traditionnelle » préface. Toujours de qualité, et signée Gérard Klein, elle a peut-être une légère tendance à s’appesantir sur « Le cycle de l’Ekumen », mais celui-ci constituant une partie majeure de l’oeuvre de l’auteure, il était difficile de ne pas y revenir en profondeur (même si la chronologie du cycle ne me paraît pas si importante que cela). Il faut dire aussi que sur les onze nouvelles présentées, cinq relèvent directement du cycle. Pour le reste, elle explore les thèmes importants de l’oeuvre d’Ursula Le Guin, et sur ce point c’est tout à fait intéressant.

Et donc, les récits. On commence avec « Le collier de Semlé » qui, si j’ai bien suivi, a ensuite été transformé en prologue du premier roman du « cycle de l’Ekumen », « Le monde de Rocannon ». Et on voit tout de suite comment Le Guin écrit de la SF : elle place clairement ses intrigues dans un contexte SF, mais sans tout l’attirail technologique qui ne l’intéresse guère. Mieux, elle brouille les pistes, et SF et fantasy finissent pas se confondre. C’est finement écrit et les personnages sont au centre du récit. Une très jolie introduction.

« Avril à Paris » est la première nouvelle « professionnelle » de l’auteure. A nouveau mélange de science et de magie, avec une grosse touche de voyage dans le temps. Sympathique.

Arrive ensuite « La règle des noms ». Je me souviens avoir lu une partie de « Terremer » il y a très longtemps. Aucun détail ne me revient en mémoire, mais il me semble que les noms des personnages y tenaient une grande importance. Ce récit est d’ailleurs officiellement rattaché au cycle de « Terremer ». Récit de fantasy restant ceci dit extrêmement classique, mais plutôt agréable, et même amusant par moment, même si on sent venir la conclusion à des kilomètres.

« Le roi de Nivôse » est à nouveau rattachée au « cycle de l’Ekumen », bien que non-cohérente avec celui-ci, et donc plutôt annexe. Avec un parti-pris étonnant (les habitants de la planète Gethen sont androgynes et Ursula Le Guin a choisi d’utiliser systématiquement les pronoms féminins pour le récit), l’auteure nous plonge dans un complot, en y ajoutant une touche très SF (mais toujours sans insister sur la technologie) : les voyages spatiaux et les décalages temporels qu’ils induisent. Pour autant, la fantasy n’est parfois pas bien loin… Encore bien écrit, et touchant sur la fin.

« Neuf vies » (toujours dans « l’Ekumen ») est plus ouvertement SF. Se situant sur une planète minière, on y suit la vie de deux mineurs qui vont se faire aider par un groupe de clones (d’où le titre). Je n’en dis pas plus pour ne pas déflorer l’intrigue. Pas inoubliable, cette nouvelle garde tout de même le bon goût de Le Guin de mettre les personnages au cœur du récit. Là encore touchant par moment.

« Plus vaste qu’un empire » (dans « l’Ekumen » encore) met en scène le premier contact avec une forme de vie radicalement non-humaine. Thème pas follement original, et j’avoue que ce récit m’a un peu laissé de marbre, même si là encore les questionnements sur l’humain, la communication, etc, sont bien présents. Petite déception sur ce coup, même si ça se lit sans ennui d’aucune sorte.

« Etoiles des profondeurs » est un récit plus ou moins fantasy (ou SF si on considère qu’il se situe sur une autre planète) encore une fois agréable à lire, mais là non plus pas très convainquant. L’histoire d’un scientifique persécuté par l’aveuglement des religieux s’inspire bien évidemment de Galilée. Le début est intéressant, mais j’avoue que cette étonnante confrérie de mineurs et ce voyage au coeur de l’obscurité ne m’a pas vraiment convaincu. Aucun ennui là non plus ceci dit.

« Champ de vision » est une nouvelle à chute. Deux scientifiques reviennent d’une expédition sur Mars avec chacun un mal bien personnel : l’un semble totalement renfermé sur lui-même, ne répondant à aucun stimuli, l’autre souffre d’hypersensibilité visuelle, l’obligeant à constamment garder les yeux fermés. La conclusion n’a pas l’impact escompté, mais l’ensemble s’avère tout de même réussi.

« Le chêne et la mort » est une nouvelle très étonnante. Le narrateur est en effet… un chêne ! Et j’avoue que j’ai beaucoup aimé ce récit surprenant qui nous offre une autre perspective sur le monde qui nous entoure, le temps qui passe, etc… Là encore je n’en dis pas plus mais je trouve ça rudement bien pensé. Court mais très réussi.

« A la veille de la révolution » revient au « cycle de l’Ekumen » et s’attarde sur Odo, vieillissante leader d’un mouvement de contestation politique. Les lecteurs du roman « Les dépossédés » seront ici en terrain connu, puisque Odo est celle qui a fondé la société décrite dans celui-ci. N’ayant pas lu ce roman, je n’ai peut-être pas saisi toute la portée de cette nouvelle, pour autant ce récit touchant d’une femme âgée, quelque peu dépassée par son statut et le mouvement qu’elle a contribué à lancer est très touchant. La nostalgie qu’elle ressent imprègne le récit, l’atmosphère est très bien rendue. Excellent.

Et enfin, « Ceux qui partent d’Omelas » clôt ce recueil sur un récit qui met en balance le bonheur de la majorité face au malheur d’un seul. Court mais très dérangeant. Donc forcément réussi.

En conclusion, je dois dire ne pas avoir trouvé de grand chef d’oeuvre dans ce recueil qui s’avère tout de même très sympathique. Il s’agit donc d’une introduction en douceur à Ursula Le Guin, qui nous dévoile une partie de son style, et surtout ses thèmes de prédilection, toujours centrés sur l’humanisme et les personnages. Et je projette déjà de me lancer dans ce fameux « cycle de l’Ekumen »

 

Lire aussi l’avis de Nébal.

 

Chronique écrite dans le cadre du challenge « SFFF au féminin » de Tigger Lilly, et comptant a posteriori pour le challenge « Morwenna’s list » de Cornwall.

SFFF_au_feminin   Morwenna Jo Walton challenge

 

 

  
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