La chasse sauvage du colonel Rels, de Armand Cabasson

Posted on 13 juin 2014
Gagné il y a quelque mois sur le blog de ce cher Xapur, il était plus que temps que je me penche sur ce recueil d’Armand Cabasson, mélange de fantasy, de fantastique et de récits historiques.

 

Quatrième de couverture :

Lorsque la fantasy se perd dans les méandres de l’Histoire…

… on peut voir le roi Peste mener ses troupes dans un Londres ravagé par la maladie. Partir à la rencontre de Giacomo Mandeli, peintre de génie contraint de travailler pour l’Inquisition. Suivre les Vikings de Knut affrontant les armées anglo-saxonnes, ou, alors que la guerre de Sécession fait rage, vivre la dernière chasse sanglante du colonel Rels.

Russie, Japon, Irlande, Espagne, États-Unis… Armand Cabasson nous entraîne dans un périple à travers l’Histoire, les légendes et les guerres, pour nous offrir des moments de fantasy forts, puissants, servis par une poésie sauvage.

 

Fantasy, histoire et batailles rangées

La chasse sauvage du colonel Rels - CabassonNeuf nouvelles sont au programme de ce recueil d’un écrivain que je ne connaissais pas auparavant, Armand Cabasson, psychiatre de profession. Un auteur qui s’intéresse à l’Histoire, au fantastique, et qui n’hésite pas à mélanger le tout. S’intéressant à beaucoup de choses, se documentant beaucoup (je n’invente rien, tout est dans l’interview livré à la fin du livre), l’écrivain livre ici un recueil plein de potentiel, mais qui ne parvient pas toujours à convaincre totalement.

« 1348 » se déroule dans une ville de Londres ravagée par une épidémie de peste. Le roi Peste, personnification de la maladie cherche à conquérir la ville. Le roi Edouard III, retranché dans la Tour de Londres, lui envoie un messager pour tenter de mettre fin au conflit. Un récit surprenant, âpre, très descriptif, très virevoltant aussi, à l’image de la ville complètement submergée par des hordes de citoyens désespérés. La fin, en revanche, est plutôt expéditive.

« La chasse sauvage du colonel Rels » reprend le style d’écriture de la nouvelle précédente, très descriptive. Bien écrit, c’est incontestable, mais j’y ai trouvé un manque de fond : la nouvelle se résume à une simple charge éclair de cavalerie durant la guerre de Sécession. Et une chute qui amène le seul élément de fantastique du texte. Qui reste tout de même dynamique et plutôt réussi dans son genre.

« L’héritage » m’a en revanche moins convaincu. Toujours pleine de descriptions (parfois même un peu trop, ça donne certes de l’épaisseur au décor, mais elles n’apportent rien au récit en tant que tel), je n’ai pas vraiment été pris dans ce récit fantastique, se déroulant au Japon, de ce père qui essaie de transmettre à son fils, par delà la mort, quelques uns des préceptes qu’il a suivis. La fin est marquante, mais la toute dernière phrase reste de trop selon moi.

« Le Roi Dieu-Loup » met en scène des Vikings, engagé dans un combat contre les anglo-saxons. Scènes de batailles, beaucoup d’actions, et une certaine atmosphère apportée par ces guerriers particuliers, notamment les berserkers, répartis selon leur animal-totem. Malgré tout un peu longuet (bataille, bataille, bataille…) et une fin qui m’a laissé sur ma faim…

« Giacomo Mandeli » redresse nettement le niveau avec cet artiste chargé par l’Inquisition espagnole de peindre le portrait du Diable. Témoignages, compte-rendus de procès, etc… Mandeli se plonge dans cette étrange tâche, jusqu’à… Je n’en dis pas plus, mais la conclusion est ici très réussie, surprenante et cruelle, et le personnage de Mandeli intéressant dans sa quête et son honnêteté envers lui-même et envers les autres.

« Les chuchotements de la Lune » apporte un peu de poésie, tout au moins au début du récit, au Japon à nouveau. Très bien écrite, avec cette ambiance calme, reposée, d’attente. Attente avant… Une bataille bien sûr ! Armand Cabasson a l’air d’aimer cela ! Mais pour le lecteur, ça commence à faire beaucoup… La fin apporte heureusement une nouvelle touche de poésie bienvenue.

« Saint Basile le Victorieux » fait escale en Russie. Un prince russe, à la recherche d’un symbole pour asseoir son pouvoir, va découvrir qu’une relique peut apporter aussi bien la puissance que la ruine. Encore une fois bien écrite, à la manière de « chroniques » (l’introduction et la conclusion, se déroulant au présent, entourent un récit des années passées), c’est une autre belle découverte de ce recueil.

« Le minotaure de Fort Bull » retrace la lutte acharnée d’un groupe de sudistes retranchés dans une forteresse, lors de la guerre de Sécession, période que l’auteur semble apprécier. Et donc, c’est un siège, un récit de bataille. Oui, encore. Le symbolisme est très fort, mais trop de batailles tuent les batailles…

« Les mange-sommeil » tend plus vers la fantasy celtique. Se déroulant en Irlande, ce texte rappelle un peu « Morwenna », avec cette jeune fille qui a perdu son frère qui va rencontrer un lutin qui a perdu sa soeur. Le récit le plus touchant du recueil, sans batailles (enfin !), sur la résilience, le deuil, la perte familiale. Sur les croyances également, ou les choses qu’on imagine pour atténuer la douleur. Une vraie réussite.

Alors que dire ? « La chasse sauvage du colonel Rels » reste pour moi un recueil mi-figue mi-raisin. Il y a de belles choses (trois beaux récits notamment : « Giacomo Mandeli », « Saint Basile le Victorieux » et « Les mange-sommeil »), des personnages travaillés, et un aspect fantasy/fantastique qui sait se faire discret pour surprendre quand il apparaît, mais aussi des choses qui ne m’ont pas vraiment emballé. Trop de batailles, des récits qui manquent de personnalité, malgré une écriture très soignée, des conclusions parfois trop brutales. Bref, pas pleinement convaincu, mais il y a du potentiel. Armand Cabasson est un auteur à suivre, car c’est incontestablement une belle plume.

Lire aussi les avis de Xapur, Simon Courtois, Cédric Jeanneret, Cécile Duquenne, Lullaby, Boudicca.

  
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