Lignes de vie, de Graham Joyce

Posted on 14 mai 2015
Parfois, une lecture commune est CARRÉMENT tentante. Et puis tout ne se passe pas comme prévu et on passe un peu à travers. C’est ce qui s’est passé pour ce roman qui était l’objet de la lecture commune du mois d’avril sur le forum du Planète-SF et à laquelle je devais participer. Manque de bol, ça n’a pas été possible. Ce qui ne m’a tout de même pas empêché de lire le roman. Et j’ai plutôt bien fait.

 

Quatrième de couverture :

À Coventry, après la Seconde Guerre mondiale et le bombardement ravageur de novembre 1940, chacun essaye de retrouver une vie normale, notamment Martha Vine, matriarche aussi charismatique qu’elle est tendre et attentionnée avec ses sept filles. Mais c’est compter sans Cassie, la plus fragile et instable d’entre elles : ayant mis au monde un bébé, un garçon, Frank, elle ne peut se résoudre à l’abandonner. Il va donc falloir, pour la famille Vine, apprendre à vivre avec ce jeune enfant et ses talents particuliers.

 

Histoire(s) de famille

Lignes de vie - JoyceUne intrigue étoffée n’est pas une condition sine qua non pour faire un roman réussi, « Lignes de vie » en est la preuve éclatante. Car il ne fait que retracer une histoire familiale, étalée sur plusieurs années. C’est le seul et unique fil directeur. Mais ce roman est un régal.

L’histoire de cette famille composée d’une mère, Martha Vine, et de ses sept filles peut difficilement laisser de marbre. Tout en finesse (et on saluera bien sûr l’impeccable traduction de Mélanie Fazi qui a su retransmettre à la perfection la sensibilité de Graham Joyce), l’auteur parvient en effet à mettre en scène des personnages particulièrement attachants. Elle est là la grande force du roman. De Martha, cette mère pas commode au premier abord et un brin manipulatrice mais avec toujours à l’esprit le bonheur de sa tribu, à Cassie, jeune fille a priori assez instable voire même dotée de certains pouvoirs (tout l’aspect fantastique du roman se situe ici, et il est d’ailleurs tout à fait possible d’imaginer que ce fantastique n’est rien de plus que le résultat de l’excentricité de certains personnages), pouvoirs qu’elle semble avoir transmis à son fils Franck, en passant par Ina et Evelyn qui s’adonnent au spiritisme ou Beatie qui rêve de transformer la société et s’installe dans une communauté aux moeurs assez libre (et donc forcément scandaleuses pour l’époque), ces personnages ont tous leur propre caractère, très humain et tout à fait crédible.

A travers ce roman, c’est toute la société anglaise d’après guerre qui nous est présentée, une société soumise à de profond changements : il faut reconstruire le pays, les femmes demandent à avoir leur part dans les décisions importantes, elles qui ont tant donné pour l’effort de guerre, la société est sur le point de se transformer sous l’impulsion de certains courants sociaux d’avant-garde, la guerre a bien sûr laissé de grand traumatismes, etc… En donnant tour à tour un rôle de premier plan à chacune des soeurs et leurs conjoints, avec leurs joies et leurs déconvenues, leurs difficultés, ainsi qu’à Martha et son petit fils Franck qui, du fait de la relative étrange instabilité de sa mère Cassie, va se voir « placer » chez chacune d’elle (et aura la chance de vivre mille choses différentes), Graham Joyce nous offre une jolie douceur littéraire, avec en plus comme une sorte de vision cathartique du fameux et terrible bombardement de Coventry qui tranche assez radicalement avec le reste du récit, ce qui lui donne une tonalité encore plus particulière.

Gardant toujours une approche très minimaliste du fantastique, ce roman n’est évidemment pas à conseiller aux férus d’action et de rebondissements à chaque page. Mais dans le genre fantastique léger, c’est un vrai petit bonbon en forme de livre et c’est à regret que le lecteur quittera cette famille si attachante après une très jolie conclusion, finalement très logique. Plein d’humanité, d’humour également, « Ligne de vie » est un vrai bonheur de lecture.

 

Lire aussi les avis de Lhisbei, VertLune, LelfTortoise, Ptitetrolle, La tête dans les livres, Melisande, Papillon, Nelcie, Epikt, Nick, Culture SF.

 

  
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