La Terre bleue de nos souvenirs, de Alastair Reynolds

Posted on 17 août 2015
J’attendais avec une grande impatience la parution de ce roman d’un grand nom de la SF moderne, Alastair Reynolds (que je n’ai pourtant lu qu’à une seule occasion avec « Diamond dogs, Turquoise days »), romancier-astrophysicien britannique chantre d’une hard-SF scientifiquement crédible tout en allant très loin dans la fiction (son cycle des « Inhibiteurs » est une vaste saga galactique). Alors évidemment, aussitôt paru, (presque) aussitôt lu.

 

Quatrième de couverture :

LA TERRE, XXIIe SIÈCLE. Le Mécanisme sait tout. Où vous êtes. À quoi vous pensez, ce que vous ressentez. Le crime n’existe pas. Vous êtes en sécurité. Mais dans une telle utopie, garder un secret peut s’avérer très dangereux.

Ayant profité de l’essor économique de l’Afrique jusqu’à prendre part à l’exploration spatiale, la famille Akinya est à présent à la tête d’un vaste empire industriel. Mais Geoffrey et Sunday Akinya ne veulent rien avoir affaire avec cet héritage. Geoffrey mène des recherches sur l’intelligence des éléphants à l’ombre du Kilimandjaro, et sa sœur poursuit une carrière artistique, hors de portée du Mécanisme, sur la face cachée de la Lune. Mais la mort de leur grand-mère va les projeter dans une course désespérée contre leur propre famille et d’autres puissances à l’affût d’un terrible secret… Une révélation qui pourrait bien faire voler cet univers idyllique en éclats.

 

L’Afrique, berceau de l’humanité, et de la conquête spatiale

La Terre bleue de nos souvenirs - Reynolds - couvertureCe qui frappe à la lecture de ce beau pavé de presque 600 pages bien remplies (la typographie me semble plus petite que pour « La guerre de Caliban » par exemple, et donc le roman plus long malgré un nombre de pages légèrement moindre), c’est qu’Alastair Reynolds nous sert un roman qui reprend tout un tas d’idées déjà plus ou moins utilisées ailleurs mais mélangées ici avec talent.

Oui, on a déjà vu une société surveillée comme ici avec le Mécanisme (qui n’est absolument pas mis en avant ni contrairement à ce que pourrait laisser penser la quatrième de couverture, ne cherchez pas Orwell dans ce roman), oui on a déjà vu des implants neuraux comme ici avec les « augs » permettant d’être en permanence connecté au réseau, oui on a déjà vu la possibilité de télécharger sa conscience dans des « golems », oui on a déjà vu les manipulations génétiques permettant de s’adapter à un autre environnement, oui on a déjà vu des « recréations » virtuelles d’êtres disparus. Oui on a déjà vu tout ça, mais pas forcément en même temps, et pas forcément de cette manière. Car Alastair Reynolds a pris le parti d’écrire un roman optimiste. L’humanité a freiné l’évolution des IA avant la catastrophe, est parvenue à développer les énergies renouvelables de manière à couvrir les principaux besoins en énergie avant que le changement climatique ne devienne irréversible, le « contrôle » de la population via le Mécanisme (qui influe sur les implants neuraux obligatoires) ne sert qu’à limiter la violence et les guerres sont ainsi de l’histoire ancienne, etc…

Ce melting-pot de plein d’idées est vraiment intéressant et assez stimulant même s’il faut bien avouer que le fondement de ce monde manque singulièrement de détails (l’Afrique, la Chine et l’Inde semblent avoir pris les devants économiquement, mais à aucun moment on parlera des grandes puissances que nous connaissons. Que sont donc devenus les USA et l’Europe ? Mystère…).

L’intrigue du roman, située en 2162 et basée sur une sorte de jeu de pistes permettant de reconstituer les morceaux d’une énigme laissés semble-t-il à dessein après sa mort par Eunice Akynia, pionnière de la conquête spatiale et légende de son époque, est également réussie, même si là encore on peut trouver à y redire tant les sautes de rythme, notamment sur le premier tiers peuvent agacer. Tout se met en place lentement, très lentement, pour accélérer progressivement, sans toutefois devenir une course folle. De même, les indices disséminés tout au long du roman (mais c’est l’intrigue qui veut ça) fait qu’il est parfois compliqué d’avoir une vue générale du passé, notamment en ce qui concerne la conquête spatiale justement. Mais une fois bien en place, et les personnages pris dans le mystère, l’histoire devient captivante, d’autant qu’elle emmène le lecteur dans une grande balade à travers le système solaire, réservant son lot d’émerveillement ou d’effroi, en fonction des événements. La Lune et Mars sont de la partie, mais pas seulement…

Geoffrey et Sunday sont des personnages forts, ce qui n’est pas si courant en hard-SF (qui n’est pas hard du tout d’ailleurs). Ici on suit leur destinée et leur conflit avec leurs cousins Hector et Lucas (pour qui la grandeur de leur nom de famille doit rester immaculée) avec intérêt, surtout qu’elle risque bien d’emporter avec elle l’humanité toute entière. Louvoyant entre politique, diplomatie et prises de risques, les deux jeunes gens ne manqueront pas de se frotter à quelques dangers et découvrir quelques mystères bien gardés. Tous les ingrédients d’un thriller sont en fait ici réunis, mêlés à un contexte SF vraiment réjouissant.

Alors oui « La Terre bleue de nos souvenirs » est un bon roman (avec une superbe couverture), qui fait passer un bon moment pour qui a envie de rêver un peu à ce que pourrait être notre futur, ou pour qui continue de rêver à une conquête spatiale qui va de l’avant. Mais il n’est pas sans défaut, comme quelques passages à vide, et un contexte économico-politique qui manque vraiment d’explications. Et il est surtout le premier tome d’une trilogie, et constitue de ce fait une gigantesque introduction à quelque chose qui pourrait bien être largement plus intéressant. Mais tout à un début, et s’il faut en passer par là pour obtenir quelque chose de vraiment grand, je vote pour. En attendant, j’ai quand même aimé ce que j’ai lu, même si j’aurais souhaité en avoir plus.

 

Lire aussi les avis de Lune, Fantastinet.

Critique rédigée dans le cadre du challenge « Summer Star Wars, épisode III » de Lhisbei.

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