L’Oeil du Monde, La Roue du Temps tome 1, de Robert Jordan

Posted on 11 juillet 2016
L’histoire éditoriale de la fameuse et looooongue saga de Robert Jordan est chaotique : pas moins de trois éditeurs avec trois traductions différentes… Depuis la reprise en main par les éditions Bragelonne, on peut enfin s’attendre à une traduction maîtrisée, et surtout voir enfin l’arrivée de la fin de la saga (écrite par Brandon Sanderson après le décès de Robert Jordan en 2007) en français. Le tout se fera lentement (un tome par an seulement, le huitième étant paru il y a quelques semaines alors que la saga en compte quatorze au total…), mais vu la taille des romans, j’ai largement de quoi faire en attendant la parution du dernier tome en… 2022 ! Commençons donc par le commencement.

 

Quatrième de couverture :

C’est la Nuit de l’Hiver dans la contrée de Deux-Rivières et, en ce soir de fête, l’excitation des villageois est à son comble. C’est alors qu’arrivent trois étrangers comme le jeune Rand et ses amis d’enfance Mat et Perrin n’en avaient jamais vu : une dame noble et fascinante nommée Moiraine, son robuste compagnon et un trouvère.
De quoi leur faire oublier ce cavalier sombre et sinistre aperçu dans les bois, dont la cape ne bougeait pas en plein vent…
Mais, quand une horde de monstres sanguinaires déferle et met le village à feu et à sang, la mystérieuse Moiraine devine qu’ils recherchaient quelqu’un : pour les trois amis l’heure est venue de partir. Car la Roue du Temps interdit aux jeunes gens de flâner trop longtemps sur les routes du destin…

 

La Roue du Seigneur des Anneaux du Temps

L'oeil du monde - Jordan - couvertureAprès cette brève esquisse de la tumultueuse publication de la saga de « La Roue du Temps » en France (qui mériterait un article à elle toute seule…), venons-en donc au fait : « La Roue du Temps » (on parle quand même d’une saga emblématique du genre fantasy !) c’est bien ou pas ? Ben c’est pas mal mais c’est pas non plus transcendant. En fait, si on a « Le Seigneur des Anneaux » en tête, on a déjà une bonne vision de ce qui nous attend dans ce premier tome car on a parfois l’impression d’un copié-collé un peu trop voyant. Jugez plutôt : une prophétie, une quête, un groupe de jeunes paysans se retrouvant pourchassés par les serviteurs d’un seigneur du Mal non incarné (à la manière d’un Sauron qui n’apparaît jamais directement), ce groupe se retrouvant mené par un personnage magicien qui en sait beaucoup (Moiraine/Gandalf, même combat), puis séparé en plusieurs petits groupes, etc… Oui la structure de ce roman est très similaire à celle de son illustre ancêtre, mais pas seulement car on peut aussi retrouver des similitudes dans certaines péripéties, telle le passage de la rivière Taren qui fait furieusement penser à celui du bac de Chateaubouc par les hobbits…

Mais comme référence, il y a pire, et si la surprise n’est pas vraiment au rendez-vous, Robert Jordan maîtrise suffisamment son récit en sachant parfaitement où il souhaite aller pour que le roman se laisse lire assez facilement… sans éviter certaines longueurs malheureusement, notamment vers le milieu du récit ou le schéma village – auberge – nuit – attaque – fuite devient un peu trop redondant… Alors soyons clair : ce n’est pas l’intrigue de ce roman qui le rend intéressant mais plutôt tout ce qu’il y a autour. Le monde de « La Roue du Temps » est vaste, son histoire est longue et complexe et l’auteur utilise ces éléments à bon escient, en ne donnant que quelques éléments sacrément intrigants au lecteur pour que ce dernier soit appâté et ait hâte d’en savoir plus. Bien évidemment, il reste encore des tonnes de choses à découvrir mais il y a ici suffisamment d’éléments auxquels se raccrocher pour celui ou celle qui aime les univers complexes.

Un autre point intéressant, c’est le manichéisme pas si manichéen que ça. Bien sûr il y a un Grand Mal qu’il faut combattre, mais certaines factions pourraient bien avoir leur propre agenda, ou tout au moins un point de vue radical sur certains points. Sans doute des éléments que Robert Jordan ne manquera pas d’utiliser dans les volumes suivants. En revanche, et c’est dommage quand on écrit de la fantasy dite « épique », l’auteur semble avoir un peu de mal à « emballer » son récit et faire faire frissonner le lecteur. N’est pas Gemmell qui veut… Mais là encore, précisons qu’il ne s’agit que du premier tome, et que pour les batailles rangées à haute dose d’héroïsme, il va falloir patienter. Et d’ailleurs, tout espoir n’est pas perdu, il suffit de lire le prologue assez renversant pour s’apercevoir que Jordan a sans doute gardé de grands moments pour plus tard. Pour autant, même si les choses s’accélèrent sur la fin, on ne peut pas dire non plus que ce soit véritablement palpitant…

En conclusion, soyons honnête, c’est quand même un peu mou du genou. C’est sans doute un roman que j’aurais apprécié différemment si je l’avais lu à quinze ans. C’est long et lent, avec pas mal de défauts qui auraient pu être évités (nombreuses redites, des moments trop copie-carbone du « Seigneur des Anneaux »…) mais ça je le savais avant de commencer ma lecture. Alors certes, ce n’est que le premier tome, Robert Jordan prend la temps d’installer son univers, ses personnages, mais utiliser 900 pages pour ça avant d’enclencher (ou pas…) la surmultipliée dans les (nombreux ! Quatorze au total tout de même, de presque mille pages à chaque fois !!) volumes suivants, ça me gêne un peu aux entournures. Mais il reste toujours ce petit quelque chose, ce sentiment de n’avoir qu’à peine mis les pieds dans un monde immense, à l’histoire, la géopolitique, la géographie complexes. Et ça, pour un amateur de worldbuilding travaillé, ça n’a pas de prix.

Alors oui, c’est long, c’est lent, mais je retournerai sans doute dans le monde de « La Roue du Temps ».

 

Lire aussi les avis de Goupil, Thomas Riquet, Superluciole, Glorfindel.

 

Critique écrite dans le cadre du challenge « Pavé de l’été 2016 » de Brize.

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