L’étrangère, de Gardner Dozois

Réédition d’un classique de la SF paru initialement en 1978 en VO (mais seulement en 2000 chez nous avant de faire une nouvelle apparition cette année), « L’étrangère » de Gardner Dozois met en scène une histoire d’amour forcément compliquée entre deux espèces qui ne se connaissent que trop peu. Amour impossible ? A voir…

 

Quatrième de couverture :

La première fois que Joseph Farber vit Liraun Jé Genawen, il la trouva pleine de mystères. C’était durant l’Alàntene, « la Pâque du solstice d’hiver, l’Ouverture-des- Portes-de-Dûn » sur la planète Lisle. Pour l’extraterrestre, Farber bravera tous les interdits et tabous, jusqu’à se faire modifier génétiquement pour pouvoir s’unir à elle. Et pourtant, comme toutes les plus grandes histoires d’amour, leur idylle connaîtra une fin tragique…

Nouvelliste et anthologiste inséparable de son complice George R.R. Martin, Gardner Dozois est un auteur rare. L’Étrangère, fable crépusculaire et mélancolique, inscrit ses héros dans la grande tradition des amants maudits.

 

Amour et incompréhension

L'étrangère - Dozois - couvertureAaaah, l’amour ! Ce sentiment qui défie parfois toute raison (merci Blaise Pascal) est au coeur de « L’étrangère » (roman intitulée « Strangers » en VO, ce qui diffère peu du titre français mais qui pourtant me semble plus adapté, j’y reviendrai). Un amour entre Joseph Farber, un humain qui se faisait une joie d’explorer l’espace, chose rendue possible depuis que l’humanité a rencontré une race extraterrestre lui offrant la technologie du voyage spatial, mais qui finit par se rendre compte que les êtres humains comptent pour pas grand chose sur le grand échiquier de la géopolitique galactique, et Liraun, une autochtone de la planète Weinunach (rebaptisée Lisle par les humains, parce que les humains aiment que ce soient eux qui donnent des noms, et c’est bien évidemment une manière de s’approprier, au moins symboliquement, cette planète).

Ces autochtones, les Cians, ont un mode de vie bien différent de celui des humains, et s’ils ont acceptés que ces derniers s’installent au sein d’une enclave qui recrée un petit bout de l’habitat terrestre, il est évident que ces deux cultures ne se comprennent pas. Pire sans doute, ne se connaissent pas. Alors tomber amoureux, imaginez un peu ! Les traditions se voient bousculées, et Joseph Farber, pour que cette union soit mieux acceptée par les Cians, va subir quelques modifications génétiques. Une preuve d’amour irréfutable. Mais si l’incompréhension règne à l’échelle des civilisations, n’en est-il pas de même à l’échelle du couple ?

S’il y a une chose que Gardner Dozois a bien géré avec ce roman, c’est qu’il nous le raconte du point de vue de Joseph Farber. Pas à la première personne cela dit, mais l’effet reste le même : le lecteur découvre Weinunach, les Cians et leur culture avec ses yeux d’humain. L’effet d’incompréhension (ou parfois de fausse compréhension due à des coutumes vues par le prisme humain) n’en est que plus saisissant. D’où un titre français qui sonne juste mais je lui préfère le titre en VO « Strangers » qui n’occulte pas le fait que les problèmes posés pour le couple FarberLiraun vont dans les deux sens. Oui, les Cians sont… disons étranges pour les humains, mais l’inverse est tout aussi vrai.

Le rythme est posé, tranquille (avec moult détails sur la culture ciane, le décor, etc…), et le ton très juste, plein de douceur. Pas de précipitation donc, mais les pages se tournent toutes seules tant on a envie de découvrir comment Farber et Liraun vont se dépêtrer des difficultés inhérentes à leur couple que beaucoup considèrent (dans les deux sociétés) contre-nature.

Au vu du contexte et de la façon de se comporter de certains personnages humains, on ne peut évidemment pas éluder un discours sous-jacent sur le colonialisme et le racisme avec ce sentiment de supériorité développé par les hommes, alors que les faits leur démontrent pourtant qu’ils ne sont pas les rois de l’univers. Des hommes qui restent arc-boutés sur leurs positions, sans chercher à voir plus loin que le bout de leur nez puisque tant que les affaires tournent tout va bien.

Roman (qui n’a rien d’une romance !) sur l’incommunicabilité, l’incompréhension, l’altérité, et démontrant la nécessaire ouverture aux autres cultures, « L’étrangère » vise juste et reste, malgré ses presque quarante ans, tout à fait lisible et intéressant (et d’actualité sur les thèmes développés). C’est sans doute ce qu’on appelle une réédition bienvenue.

 

Lire aussi les avis de Lune, AliasGromovar, Blackwolf, Nebal, Nymeria, Andrée la papivore, le Chien critique.

Critique rédigée dans le cadre des challenges « S4F3s2 » de Xapur et « Summer Star Wars, épisode VII » de Lhisbei.

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