Watership Down, de Richard Adams

Posted on 10 octobre 2016
Il est des romans célèbres dans le monde entier mais qui n’ont eu que peu d’échos dans notre pays. « Watership Down » de Richard Adams est de ceux-là. Il a pourtant bénéficié de plusieurs éditions, mais cela n’a jamais pris, alors que par ailleurs 50 millions d’exemplaires se sont vendus de par le monde. L’éditeur passionné Monsieur Toussaint Louverture fait un pari et tente une ressortie avec une traduction entièrement révisée.

 

Quatrième de couverture :

Y en a pas, mais je vous mets ici ce qu’on peut trouver sur le site de l’éditeur :

C’est dans les fourrés de collines verdoyantes et idylliques que se terrent parfois les plus terrifiantes menaces. C’est là aussi que va se dérouler cette vibrante odyssée de courage, de loyauté et de survie.

Menés par le valeureux Hazel et le surprenant Fyveer, une poignée de braves choisit de fuir l’inéluctable destruction de leur foyer. Prémonitions, malices et légendes vont guider ces héros face aux mille ennemis qui les guettent, et leur permettront peut-être de franchir les épreuves qui les séparent de leur terre promise, Watership Down. Mais l’aventure s’arrêtera-t-elle vraiment là ?

Aimé et partagé par des millions de lecteurs à travers le monde, l’envoûtant roman de Richard Adams fait partie de ces récits mythiques et hors du temps, une épopée sombre et violente, néanmoins parcourue d’espoir et de poésie. Vous sentirez le sang versé. Vous tremblerez face aux dangers. Vous craindrez la mort. Et, par dessus tout, vous ressentirez l’irrépressible désir de savoir ce qui va se passer.

 

Une odyssée lagomorphe

Watership down - Adams - couvertureOui, « Watership Down » est un classique. Ses 50 millions d’exemplaires vendus depuis 1972 plaident pour lui (il fait partie des 25 livres les plus vendus au monde tout de même !), de même que plusieurs adaptations (en film en 1978, en série TV entre 1999 et 2001, et même en théâtre. Netflix doit également sortir une nouvelle adaptation très prochainement). Ultra connu et classique parmi les classiques dans le monde anglophone, le roman n’a pourtant jamais eu un tel succès chez nous. Et c’est peu de le dire : demandez autour de vous qui connaît « Watership Down », et je suis prêt à parier que le nombre de réponses positives frôlera le zéro. Les mystères de cette fameuse « exception française » sans doute… Toujours est-il que Monsieur Toussaint Louverture, considérant cet état de fait comme une injustice, tente le pari de ressortir ce chef d’oeuvre méconnu en révisant la traduction et en lui offrant un fort bel écrin (la couverture, gaufrée, est signée Melanie Amaral), avec en prime un bel effort de communication débordant d’enthousiasme (à coup de brochure et autre page spéciale, cette dernière restant tout de même à lire après le roman). Il faut croire que ça a marché puisque le roman est arrivé jusqu’à moi (je l’ai même précommandé, moi qui ne cède jamais à ce genre de chose, c’est vous dire si l’éditeur est convaincant !).

Mais de quoi ça cause, « Watership Down » ? De lapins, tout simplement. De lapins qui, sous les cris d’alarme de l’un des leurs, Fyveer, décident de quitter précipitamment leur garenne pour aller fonder la leur, à Watership Down justement. Dis comme ça, ça ne semble pas follement excitant. Et on aura beau se dire que cet exode n’aura rien de simple, et que de multiples obstacles se dresseront sur leur route, ça ne fera pas forcément frémir d’impatience non plus. Et pourtant… « Watership Down » contient tout ce qu’il faut pour captiver son lecteur : du courage, du sacrifice, de l’amitié, de la collaboration, de l’aventure, des difficultés, etc… Des thèmes universels donc, au sein d’un roman qui pourrait presque s’émanciper de son ancrage dans l’univers des lapins pour s’adapter à tous types de récit.

Mais ce serait sans compter sur le talent de Richard Adams qui agrémente son texte d’un vocabulaire spécifique aux lapins (sfar, raka, vilou, kataklop, etc…) et surtout y insère différents récits mythiques sur leur héros mythologique, Shraavilshâ. Une manière de construire un univers spécifique, de lui donner une vraie substance (et de rappeler, de manière subtile, certains de nos mythes anciens) en plus d’y faire vivre des personnages qui ont de vraies personnalités. L’auteur a d’ailleurs eu la finesse de les anthropomorphiser légèrement (ce qui permet de les faire parler) sans trop en faire (pas de vêtements, pas de conversations avec les hommes, etc…) et tout en les dotant d’un vrai comportement de lapins (il s’est inspiré de l’ouvrage « La vie secrète des lapins » du naturaliste Ronald Lockley qui étudie le comportement, les relations sociales, etc… des lapins. Ainsi ils grignotent dans le pré, font leurs besoins, s’effraient pour un rien, etc…). Un vrai travail soigné, pour un résultat plus que positif.

Une histoire de lapins donc (que l’on situera aux franges de la fantasy, grâce notamment à Fyveer qui semble doté du don de divination, seul élément magique permettant de clairement classer le roman dans le sous-genre de la fantasy animalière). Mais « Watership Down » peut-il être pour autant considéré comme un livre pour enfant ? L’auteur s’en défend, jurant qu’il a avant tout écrit une bonne histoire plutôt qu’une histoire pour enfant. Sur ce point, on ne peut guère prétendre le contraire. Et puis sa taille (presque 550 pages en grand format), le style recherché de l’auteur, des exergues en début de chaque chapitre tirés d’oeuvres classiques (Eschyle, Xénophon, Shakespeare, Yeats, Flaubert, Dostoïevski…), les circonvolutions mythologiques (des contes au sein du conte) et des événements pas vraiment enfantins voire cruels (oui, il y a de la violence dans la nature, chose que l’adaptation en film montrait de manière frontale) font qu’il serait erroné de le placer au rayon enfants. Pour les ados, pourquoi pas, mais pas avant.

Et donc, côté récit, Richard Adams nous livre une véritable épopée pleine de héros, de combats, de joies et de désillusions, d’espoirs et de déconvenues. Oui, Homère n’est pas loin dans cette odyssée vers une nouvelle terre promise (allégorie du peuple juif ?) (mais on pourrait aussi citer, de manière plus juste sans doute, « L’Enéide » de Virgile. Ou bien, dans un genre différent, « The walking dead », sans les zombies. Même le Gouverneur est présent…), et rien n’est facile car l’auteur n’hésite pas à « maltraiter » ses héros. Blessures il y a, parfois plus, ce qui ne nuit pas au suspense, bien au contraire tant on ne sait pas ce qu’il peut arriver à ces lapinous auxquels il est bien difficile de résister : le chef Hazel, le petit devin Fyveer, le courageux Bigwig (quel personnage !), le conteur-né Dandelion, etc… Odyssée donc, et même épopée épique comme rarement ! A ce titre la dernière partie du roman est un modèle du genre, les pages se tournent toutes seules, impossibles de décrocher devant ce qui se passe sous nos yeux !

Une fois arrivé au terme du récit, c’est avec un petit pincement au coeur que j’ai dû me résoudre à quitter ces personnages avec qui j’aurais bien fait un brin de chemin supplémentaire. Mais qui sait ? Peut-être Monsieur Toussaint Louverture aura la bonne idée de traduire « Tales of Watership Down », un recueil de nouvelles que Richard Adams a écrit et publié en 1996 (soit 24 ans après « Watership Down »), dévoilant de nouvelles histoires de Shraavilshâ et permettant de retrouver certains de ces lapins qui m’auront marqué durablement. Si c’est le cas, j’achète !

 

Lire aussi les avis de Nyctalopes, Prof Platypus, Jenni, Culture-SF, Claudialucia, Grominou, Keisha, Anne.

Critique écrite dans le cadre du challenge « SFFF et diversité » de Lhisbei (item 5 : lire un livre SFFF dont vous n’avez pas encore vu l’adaptation en film).

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