La voie des rois, de Brandon Sanderson

Posted on 13 janvier 2017
Le voilà enfin, le « magnus opus » de Brandon Sanderson, une oeuvre sur laquelle il travaille depuis de nombreuses années et qui, malgré son rythme d’écriture élevé, le tiendra encore occupé pendant sans doute une vingtaine d’années. Oui oui, vous avez bien lu ! Il faut dire que l’auteur est parti sur 10 tomes, et pas ce qu’on peut appeler des petits volumes puisque le premier fait environ 1400 pages en version française (ce qui explique son découpage en deux volumes plus restreints), alors que le deuxième s’annonce encore plus volumineux (et le troisième plus épais que le deuxième…). Bref, une oeuvre titanesque, située au centre de cet univers plus ou moins cohérent que l’auteur construit au fil des ses romans, le fameux (ou pas…) « cosmere ».

 

Quatrième de couverture (provenant du premier volume de l’édition française) :

Roshar, monde de pierres et de tempêtes. Des siècles ont passé depuis la chute des Chevaliers Radieux, mais leurs avatars, des épées et des armures mystiques qui transforment des hommes ordinaires en guerriers invincibles, sont toujours là. Pour elles, les hommes s’entre-déchirent. Dans le paysage dévasté des Plaines Brisées, Kaladin, enrôlé de force, lutte dans une guerre insensée qui dure depuis dix ans, où plusieurs armées combattent séparément un unique ennemi. Dalinar Kholin, chef de l’une de ces armées, est fasciné par un texte ancien appelé La Voie des Rois. Hanté par des visions des temps anciens, il commence à douter de sa santé mentale. De l’autre côté de l’océan, la jeune et ambivalente Shallan apprend la magie, et découvre certains secrets des Chevaliers Radieux…

 

Un (futur) truc énorme…

la-voie-des-rois-tome-1-sanderson-couvertureAvant d’attaquer la critique proprement dite, je reviens un instant sur l’édition française. « La voie des rois » (« The way of kings » en VO) est donc le premier volume de la série « Les archives de Roshar » (« The Stormlight archives » en VO). Mais c’est un gros volume. Trop gros pour sortir en un seul morceau. Le voici donc découpé en deux pour sa sortie française. Je laisse chacun juger de la pertinence de ce choix (approuvé par Sanderson et qui a même préconisé à quel endroit faire la coupure, et il faut avouer que cette coupure est judicieusement placée), toujours est-il que nous avons donc deux tomes de 750 pages pour le premier et 650 pages pour le second, pour un joli total de 1400 pages. Ça nous fait un beau bébé que j’ai choisi de critiquer en une seule fois pour respecter la tomaison originale.

De manière inversement proportionnelle à la taille du roman, je vais tenter de faire bref, car si je m’étale je pourrais en écrire des pages tant il y aurait de choses à dire sur le contexte du récit, qu’on sent pensé dans ses moindres détails par Brandon Sanderson (en même temps, vu qu’il y a travaillé plus de 10 ans, il a eu le temps de le peaufiner…^^). « La voie des rois » se déroule donc dans le monde imaginaire de Roshar, continent rocheux balayé d’est en ouest par de fréquentes et titanesques tempêtes qui ravagent tout sur leur passage. Les hommes, la faune et le flore se sont bien sûr adaptés à ces conditions difficiles, c’est d’ailleurs un premier bon point pour l’auteur qui développe un étonnant écosystème à la fois exotique et fascinant.

Roman polyphonique, « La voie des rois » place en tête d’affiche trois personnages principaux : Dalinar Kholin, un Haut-Prince général d’une armée luttant contre un ennemi coupable d’avoir assassiné le roi d’Alethkar (la plus puissante nation du continent) et frère de Dalinar, Kaladin, un ancien soldat trahi devenu esclave à la solde d’une autre armée luttant contre ce même ennemi, et Shallan, une jeune femme qui a mis au point un dangereux stratagème pour éviter la ruine de sa famille. On suit donc ces trois personnages et au fil de leur histoire on découvre petit à petit l’Histoire de ce monde, sa (ses) religion(s), son passé mythique (voire mythologique), et bien sûr, fantasy oblige, sa magie. Mais que ce soit l’un ou l’autre de ces éléments, n’imaginez pas tout savoir à l’issue de ce roman, beaucoup de choses restant dans l’ombre (en même temps, l’auteur a prévu dix tomes…).

La partie mythologique par exemple, mise en scène dans un prologue très intriguant, ne se dévoilera ensuite que par petites touches au fil des conversations ou des découvertes des personnages. La magie ensuite, qui tout d’abord absolument ébouriffante dans un remarquable premier chapitre (et qui semble partager quelques points communs au moins dans ses effets avec celle de la trilogie « Fils des Brumes »), se fait ensuite mystérieuse et plus complexe qu’il n’y paraît, notamment car elle semble avoir plusieurs manifestations bien différentes.

la-voie-des-rois-tome-2-sanderson-couvertureMais alors, tant de mystères au bout de 1400 pages ? Oui, il faut bien avouer que des longueurs, il y en a. Beaucoup diront certains. Et pourtant, à aucun moment je ne me suis ennuyé, même si plus d’une fois l’action avance peu, même si la situation des personnages paraît bien trop statique par moment. Si on ajoute à ça que deux des trois personnages se situent quasiment au même endroit tout au long du roman (et que donc on est loin de l’aspect « guide touristique » qui apparaît trop souvent en fantasy), on imagine bien que ça ne bouge pas beaucoup. Certes. Mais quand Brandon Sanderson décide de dévoiler un peu son jeu et de mettre un peu l’action au premier plan, croyez-moi ça dépote (aaaaah, la bataille de la Tour ! J’en vibre encore !) ! Et ce n’est qu’un début, car les personnages se découvrent à peine, et j’ose à peine imaginer ce que tout cela pourra donner quand ils dévoileront leur plein potentiel.

Car on sent que Brandon Sanderson a décidé de verser dans la fantasy épique, en donnant tout son sens à ce dernier mot, quand bien même il prend un peu trop son temps. Oui, on touche du doigt ce que tout joueur de jeu vidéo d’action-RPG type « Diablo » a ressenti quand il cherche du « loot » : objets légendaires, check, personnages surpuissants, check, montée de niveau, check. Le potentiel pour la suite est assez grandiose, même si la mécanique sandersonienne ne surprend plus vraiment. Qui a lu « Fils des Brumes » sentira à l’avance les éléments propres à renverser les convictions des personnages : certains peuples (tous humains, pas de nains, d’elfes ou autres créatures humanoïdes) ont sans doute encore bien des secrets, la magie ne s’est pas encore pleinement révélée, certains personnages ne sont sans doute pas ce qu’on pense d’eux, et l’Histoire officielle n’est sans doute pas ce que l’on en dit.

Mais peu importe. Sanderson a lancé un truc énorme, ou du moins qui a tout pour le devenir. Certes pas sans défaut (certains personnages plus intéressants que d’autres, la taille du roman peut effrayer et les longueurs de ce volume d’introduction en laisseront peut-être quelques uns sur le bord du chemin, ce que je ne peux que comprendre, 1400 pages pour une introduction c’est sans doute légèrement too much), on sent tout de même toute la générosité d’un auteur qui livre une oeuvre réfléchie dans ses moindres détails, une oeuvre qui se veut marquante. Elle ne l’est pas encore mais je prends date et je suis sûr que dans quelques années on en parlera comme d’une référence de la littérature de fantasy. En attendant, j’attends le tome 2 (enfin 3 et 4 pour l’édition française) avec une grande impatience !

 

  
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