Latium, tome 1, de Romain Lucazeau

Posted on 1 mai 2017
Voilà un roman qui aura beaucoup fait parler de lui ! Entre les immédiates nombreuses critiques (pour la plupart élogieuses), les passages de l’auteur en presse (radio notamment) mais aussi quelques interviews, difficile de passer à côté de ce « latium ». Et avec les références à Leibniz et Corneille, tout autant qu’à Dan Simmons et Iain Banks, on tient là un incontestable vainqueur sur le tableau des citations en quatrième de couverture ! Alors c’est bien beau tout ça, mais quand on ne connait pas Leibniz, qu’on n’a pas lu le théâtre de Corneille, ni la SF de Banks et Simmons (hé oui, il y en a), ça donne quoi ?

 

Quatrième de couverture :

Dans un futur lointain, l’espèce humaine a succombé à l’Hécatombe. Reste, après l’extinction, un peuple d’automates intelligents, métamorphosés en immenses nefs stellaires. Orphelins de leurs créateurs et dieux, esseulés et névrosés, ces princes et princesses de l’espace attendent, repliés dans l’Urbs, une inéluctable invasion extraterrestre, à laquelle leur programmation les empêche de s’opposer.
Plautine est l’une d’eux. Dernière à adhérer à l’espoir mystique du retour de l’Homme, elle dérive depuis des siècles aux confins du Latium, lorsqu’un mystérieux signal l’amène à reprendre sa quête. Elle ignore alors à quel point son destin est lié à la guerre que s’apprête à mener son ancien allié, le proconsul Othon.

Pétri de la philosophie de Leibniz et du théâtre de Corneille, Latium est un space opera aux batailles spatiales flamboyantes et aux intrigues tortueuses. Un spectacle de science-fiction vertigineux, dans la veine d’un Dan Simmons ou d’un Iain M. Banks.

 

À la recherche de l’Homme perdu

Latium tome 1 - Lucazeau - couvertureOn dit souvent que l’abondance de références peut parfois faire de mal que de bien à un roman. Ici, je l’avoue, à mon grand dam, les références citées me sont inconnues. Pas de nom bien sûr, mais je n’ai jamais lu d’oeuvres ni des uns ni des autres (enfin si, de Dan Simmons j’ai lu « Flashback », mais je ne crois que ce soit cette oeuvre qui soit emblématique de l’auteur, quoiqu’elle reflète bien son mode pensée extrême-droite, mais ceci est un autre débat… Et de Corneille, j’ai lu « Le Cid » au collège, que j’avais bien aimé d’ailleurs, ce qui ne fait pas de moi un connaisseur de son théâtre, loin de là). Bref, une nouvelle fois d’illustres références, mais qui ne me parlent pas vraiment, même s’il faut bien reconnaître que tout cela en devient un peu intimidant. Suis-je trop ignare pour ce roman ? Vais-je y comprendre quelque chose ?

Soyons honnête : le roman se veut tout à fait accessible, il n’oublie pas, et c’était ma plus grande crainte, d’être un roman. Non, ce n’est pas un pensum philosophique (quand bien même les pensées et réflexions philosophiques sont présentes, même si je n’ai pas su toutes les déceler), non ce n’est pas une somme de réflexions sans liens, et oui, « Latium » est un roman de SF, un space-opera pur jus.

Et pourtant, il y comme un hic. Car ce roman ne m’a pas emballé, ne m’a pas parlé. Oh, il est bien écrit, très bien même, mais il m’a paru terriblement froid. Est-ce due à l’absence de personnages humains, quand bien même Plautine (une IA) s’en rapproche (à moins qu’elle ne le soit véritablement, où est la limite ? Voilà un des thèmes du roman), de même pour ces hommes-chiens créés par Othon (une autre IA) qui semblent être un hommage à Vernor Vinge (pas cité en quatrième de couverture, il l’aurait pourtant mérité) ? Oui l’être humain est au coeur du roman, il en est peut-être même le personnage sinon principal, du moins essentiel, et pourtant il en est absent (l’humanité ayant semble-t-il disparu de l’univers). Et ces IA désespérées (mais pas complètement, l’espoir de retrouver un être humain un jour aide à tenir celles qui n’ont pas encore sombré dans la folie, et c’est là le moteur de l’intrigue) ne parviennent pas à combler ce manque de chaleur humaine.

Il y a pourtant quelques fulgurances, des chocs narratifs qui font oublier temporairement cette froideur (qui se fait surtout sentir dans la première moitié, la deuxième moitié fait un peu plus avancer l’intrigue et met en place des problématiques intéressantes) comme cette superbe introduction sur le réveil de Plautine suite à la découverte d’un étrange signal, ou bien une belle bataille spatiale (la seule du roman ceci dit), entre autres choses, ou de jolis morceaux de vertige très SF (ces nefs gigantesques, abritant des mondes). De quoi relancer l’intérêt. Sur ce point, l’auteur sait y faire.

Pas d’êtres humains donc, mais des personnages malgré tout étonnants, voire même fascinants. Plautine et ses « aspects » d’elle-même, sortes d’entités décentralisées mais tout aussi conscientes qu’elle-même, ou bien Othon qui n’est plus l’ultime autorité sur son vaisseau, ayant rendu ces « sous-lui-mêmes » indépendants. Toutes ces IA sont « limitées » par le Carcan, qui n’est rien d’autre qu’une version quasi-inchangée des trois lois de la robotique d’Asimov (tient, un autre vénérable auteur qui aurait pu se retrouver en quatrième de couv’).

Clairement, le roman a de l’ambition, clairement il ne manque pas d’éblouir par quelques scènes clés particulièrement bien écrites (empruntant autant aux grandes tragédies qu’aux récits homériques) et caressant le féru de SF dans le sens du poil, mais je n’ai pas réussi à me passionner pour le récit, restant trop extérieur à tout ce qui s’y passe même si, en dehors d’une première moitié parfois un peu mollassonne, il faut bien avouer, paradoxalement, qu’il ne manque pas de caractère ni d’intérêt. Quant à lire le deuxième tome (qui pourrait être plus intéressant au vu des pistes lancées en fin de volume), je le ferai sans doute mais rien ne presse, preuve que la sauce n’a pas totalement pris…

 

Lire aussi les avis de Cédric, Gromovar, Herbefol, Apophis, Lutin82, Anudar, Lhisbei, Samuel, Phil Becker

Critique écrite dans le cadre du challenge « Lunes d’Encre » de A.C. de Haenne.

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