La cité du futur, de Robert Charles Wilson

Posted on 12 octobre 2017
Quand on aime la SF, il est difficile de passer à côté des romans de Robert Charles Wilson (bon, j’avoue, pour le moment, je n’ai toujours pas lu ses romans les plus célèbres, « Spin » et « Les chronolites »…). J’ai d’ailleurs lu ses trois derniers romans indépendants, « Julian », « Les derniers jours du paradis » et « Les affinités » (en plus du très bon « Mysterium » et de son recueil de nouvelles « Les Perséides », non chroniqué sur ce blog et qui m’avait moins convaincu). Signe que c’est pour moi un auteur qui compte, et je ne suis pas le seul à le penser.

 

Quatrième de couverture :

Pour cinq ans seulement, jusqu’en 1877, la cité de Futurity dresse ses immenses tours jumelles au-dessus des grandes plaines de l’Illinois. Depuis Futurity, des hommes du futur viennent visiter le XIXe siècle. Et, contre une fortune en métaux précieux, les autochtones peuvent dormir dans la tour n° 1, véritable vitrine technologique d’un incompréhensible XXIe siècle.

C’est dans cette cité, construite à partir d’un futur parallèle, que travaille, comme agent de sécurité, Jesse Cullum, un autochtone. Parce qu’il a sauvé le président Ulysse Grant d’une tentative d’assassinat, Jesse se voit proposer une promotion : assisté d’une femme du XXIesiècle, il va devoir mener l’enquête.

Mais que va-t-il réellement découvrir? Un complot pour tuer le président… ou les inavouables secrets de Futurity ?

Après avoir imaginé le futur des réseaux sociaux dans « Les Affinités », Robert Charles Wilson revient avec ce roman de voyage dans le temps a priori plus classique, où les surprises s’enchaînent à un rythme vertigineux.

 

Western et tourisme temporel

Le voyage dans le temps, voilà un thème mille fois utilisé dans la science-fiction. Robert Charles Wilson lui-même s’y était déjà attelé dans « A travers temps » par exemple. Il remet le couvert ici, mais il ne faut pas s’attendre à des aventures échevelées à base de paradoxe temporel, Wilson fait du Wilson et s’intéresse donc avant tout à ses personnages. D’ailleurs, le problème du paradoxe temporel est assez vite mis à la poubelle, j’y reviendrai.

« La cité du futur » nous place dans la ville du même nom (nommée « Futurity » pour être précis), construite par des citoyens du XXIème siècle dans le Far West de 1876 grâce à la technologie dite du Miroir (qui fonctionne très bien merci, mais ne cherchez pas à savoir comment, ce n’est pas le sujet). Tout le cœur du roman est là : la confrontation entre des touristes temporels, venus du futur et curieux de voir comment vivaient les hommes deux siècles auparavant, et ces personnes du XIXème siècle, qui n’ont rien demandé à personne mais qui se retrouvent face à des technologies qu’ils ne comprennent pas et des personnes qu’ils… ne comprennent pas non plus ! Toute ressemblance avec un constat qui peut être fait de nos jours sur le tourisme de masse n’est bien sûr absolument pas fortuit. Des autochtones transformés par une influence extérieure (qu’elle vienne des touristes eux-mêmes ou bien de l’entreprise à l’origine de la création de Futurity) qui n’a que faire de l’impact qu’elle laisse sur les populations locales, des touristes curieux mais surtout plein de mépris envers ces autochtones finalement bien arriérés (d’après leurs critères), et une société du XIXème siècle qui se retrouve obligée d’évoluer à une vitesse qu’elle ne peut pas gérer alors que ces touristes temporels finiront tous par retourner dans leur petit confort du futur sans se soucier des conséquences de leur voyage, ça en fait des thèmes pertinents traités avec justesse, mais peut-être de manière un peu trop détournée.

L’auteur s’intéresse tout particulièrement à Jesse Cullum, un homme du XIXème siècle, embauché en tant que vigile à Futurity, et à Elizabeth DePaul, une femme du XXIème siècle et agent de sécurité dans cette même ville. Deux personnages bien différents donc, qui seront obligés de coopérer (et donc de se comprendre alors que deux siècles les séparent. Mettez vous à la place de Jesse Cullum : les femmes jurent comme des charretiers et votent (!!), les Noirs travaillent et peuvent même devenir Président des Etats-Unis (!!!!), les couples homosexuels peuvent se marier (!!!!!!), etc… Mais du point de vue de DePaul, ce n’est guère plus reluisant…) dans une enquête à propos d’armes du futur mises à disposition de citoyens du Far West, conduisant à une tentative d’assassinat du Président des Etats-Unis d’alors, Ulysse Grant, assassinat évité de justesse grâce à la vigilance de Jesse Cullum.

Du Wilson pur jus donc. Une nouvelle fois des personnes ordinaires confrontées à des situations extraordinaires. Et c’est à nouveau ce qui fait sa force et sa faiblesse. Sa force en se plaçant « à bas niveau », celui des petites mains qui rendent Futurity et sa cohabitation avec les gens de 1876 possibles. Ça sonne juste, ça sonne vrai, Wilson a toujours eu un don pour donner de la consistance à ses personnages et c’est à nouveau le cas ici. Sa faiblesse car on a à nouveau (comme dans « Les affinités », qui reste par ailleurs un très bon roman) l’impression qu’il laisse un peu de côté un sujet en or qui fait baver tout amateur de SF.

Pourtant, la lecture est un régal, ça coule tout seul, les pages se tournent les unes après les autres, les personnages sont joliment développés et on arrive rapidement à la fin en ayant passé un bon moment. Certes, l’auteur a tout fait pour que l’accès à son roman soit aisé : ainsi il élimine d’un coup de baguette magique les aspects potentiellement « difficiles » tels les paradoxes temporels qui n’existent pas puisque le passé est en fait issu d’un univers parallèle. Impossible donc de tuer son arrière-grand-père. Problème réglé. Réglé certes, mais c’est encore un truc qui faisait baver les amateurs de SF. Tant pis.

Un bon roman donc, qui se lit en deux temps trois mouvements mais qui laisse l’impression persistante que la « Grande Histoire » s’est retrouvée éclipsée par la « petite », celle des personnages. L’impression d’être passé à côté d’un truc de grande ampleur. Le même symptôme que « Les affinités ». Un bon moment quoi qu’il en soit, mais qui aurait peut-être pu être encore plus fort en prenant un peu de hauteur.

 

Lire aussi les avis de Cédric, Gromovar, Yogo, Apophis, Lune, Efelle, Cornwall, Le chien critique.
 
Critique rédigée dans le cadre du challenge « Lunes d’Encre » de A.C. de Haenne.

 

  
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