Quelques nouvelles… (4)

Posted on 8 février 2018
Et on ne m’arrête plus ! Souhaitons que je continue sur ce rythme… Chose qui reste peu probable parce qu’à un moment ou un autre, je vais être à sec de nouvelles individuelles (ceci dit j’ai encore de quoi faire !)… En attendant, savourons cet instant 100% Bélial’ (je crois qu’il est bon de saluer une nouvelle fois ici cet éditeur qui met régulièrement à la disposition des lecteurs des nouvelles gratuites pendant un certain temps, et comme on va le voir, ce ne sont pas des nouvelles au rabais, loin de là !).

 

« L’Apocalypse selon Eusèbe », de Yves et Ada Rémy

Le couple Rémy, déjà lu et apprécié avec « Le prophète et le vizir », nous propose ici un récit, paru à l’origine dans le numéro 305 de la revue « Fiction » de novembre 1979 (puis à nouveau offerte par le Bélial’ en juillet 2015), dans lequel un manuscrit du XIIè siècle est découvert dans une abbaye en ruines. Rédigé par un moine répondant au nom d’Eusèbe, il semble raconter nombre de guerres et de massacres s’étant produits bien après son écriture… Ce ne peut être qu’un faux ! A moins que…

On retrouve ici la superbe écriture du couple Rémy, qui sait se faire érudite, « d’époque » (pour les parties écrites par Eusèbe), toujours juste, toujours belle. Un vrai régal de lecture ! Elle sait aussi se faire quelque peu exubérante dès qu’elle donne la parole à ce bavard Ministre de la Culture. Et ce texte est l’occasion de critiquer aussi bien l’Eglise que l’Etat. Dénonciation des guerres, de la stupidité de l’être humain devant des menaces avérées, le texte, même s’il enfonce parfois des portes ouvertes, le fait avec brio et sous une forme absolument renversante. J’adore. Il faudrait vraiment que je lise « Les soldats de la mer » (qui est d’ailleurs sur ma PAL)…

 

« Le canot », de Richard Paul Russo

Paru dans le Bifrost numéro 30 puis offerte gratuitement durant le mois d’août 2013, « Le canot » est un court texte d’un auteur déjà croisé avec son fort bon roman « La nef des fous ». Le récit nous place ici dans une capsule d’évacuation qui a été éjectée de son vaisseau d’origine suite à un saut dans le subespace qui s’est mal passé. Cinq personnes s’y retrouvent coincées, dérivant dans je cite « un non-secteur du non-univers »… Tout un programme ! Isolement, univers noir (aucune étoile n’est visible dans le subespace), relations tendues dans un contexte de stress intense, Russo a écrit là une sorte de récit de naufragés en mer (le titre original de la nouvelle, « The open boat », fait d’ailleurs ouvertement référence à la nouvelle du même nom écrite par Stephen Crane en 1897, et qui commence par la même phrase mais inversée. Un des personnages du texte de Russo en parle aussi, dans une sorte de mise en abyme par delà le temps et l’espace), sauf qu’ici la mer est un univers noir au sein duquel il ne faut guère attendre de secours…

Sans espoir donc, ce huis-clos se révèle particulièrement noir et oppressant, jusqu’à l’inéluctable folie. Glaçant et totalement réussi !

 

« Une brève histoire du Tunnel Transpacifique », de Ken Liu

Le déjà grand Ken Liu est de retour ! Enfin façon de parler puisque cette nouvelle est parue dans le Bifrost numéro 83 de juillet 2016. Elle a ensuite été offerte gracieusement durant le mois de février 2017 suite à l’obtention du Prix des lecteurs de Bifrost 2016 dans la catégorie « nouvelle étrangère ».

Ken Liu a écrit là une uchronie dans laquelle le monde s’est sorti de la grand crise de 1929 en lançant des grands travaux, le plus important d’entre eux étant le vaste chantier du Tunnel Transatlantique reliant le Japon et les USA sous l’impulsion de l’empereur Hiro-Hito côté japonais et Herbert Hoover côté américain. En « side-effect » de cette colossale construction, la deuxième guerre mondiale a été évitée, le parti nazi a été étouffé dans l’oeuf. Une uchronie utopique ? Pas vraiment puisque si la guerre n’a pas lieu, les travers de l’humanité existent toujours : racisme, violence, exploitation. Ce Tunnel Transpacifique, superbe réalisation et synonyme de coopération et d’avancée technologique, a aussi ses côtés sombres et sa construction s’est parfois écrite en lettres de sang…

Ken Liu met en scène un ancien ouvrier Taïwanais du Tunnel, qui se remémore son passé alors qu’il se lie avec une Américaine arrivée un peu par hasard dans Ville-Médiane, une des stations sous-marines du Tunnel. C’est l’occasion de se souvenir, et de raconter son histoire, forcément liée à celle du Tunnel. Et comme souvent avec Ken Liu, avec peu de mots beaucoup de sujets sont abordés. Entre autres celui de l’éternel bégaiement de l’Histoire : évitez des drames (la guerre sino-japonaise et ses horreurs décrites dans « L’homme qui mit fin à l’Histoire »), d’autres se produiront tout de même. On ne le dira jamais assez : Ken Liu est grand, lisez Ken Liu !

  
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