Quelques nouvelles… (5)

Posted on 4 mai 2018
Revoici quelques nouvelles. Avec un numéro spécial Daryl Gregory puisque je souhaitais lire les nouvelles de l’auteur qui TRAÎNAIENT sur ma PAL avant d’enchaîner sur son tout nouveau roman dont on j’ai entendu beaucoup de bien. Et donc voici trois nouvelles glanées au fil des offres de gratuité des éditions du Bélial’, auxquelles il faut également ajouter un récit de l’auteur chinois qui monte (en tout cas chez nous puisqu’il est déjà au sommet en CHine) Liu Cixin, toujours au Bélial’.

 

« Avec ses yeux », de Liu Cixin

Liu Cixin, l’auteur du roman qui a fait du bruit (prix Hugo) « Le problème à trois corps » (et dont je dois lire la suite, « La forêt sombre », qui est sur ma PAL), écrit aussi des nouvelles, dont voici un exemple. « Avec ses yeux », lauréat du Prix des lecteurs 2017 de la revue Bifrost, est un récit qui se base sur une technologie qui permet à une personne de voir à travers les yeux d’une autre si celle-ci porte des lunettes spéciales. A l’heure ou l’humanité a colonisé l’espace, c’est un petit plaisir que s’offrent ceux qui ont la nostalgie de la Terre. Ainsi, le narrateur du récit, durant une période de vacances, permet à une astronaute de voir quelques paysages terriens. Mais cette astronaute n’est peut-être pas celle qu’elle prétend être car le décalage temporel qui devrait exister dans une conversation entre deux personnes éloignées n’est pas présent ici…

« Avec ses yeux » est incontestablement un beau texte, soigné, travaillé et efficace et qui atteint son but : toucher le lecteur. Pour autant, sa construction, avec un effet « à rebours », ne fait pas monter l’émotion dans le coeur du lecteur comme elle aurait pu (ou dû) le faire. Ceci dit, cette construction a aussi l’avantage de d’entretenir le suspense. Ménager la chèvre et le chou était ici mission impossible. Mais l’avantage est qu’elle fait réfléchir le lecteur (à l’instar du narrateur) sur ce qu’il a lu avant de comprendre le pourquoi du comment. Une jolie réussite, qui mettra mal à l’aise les claustrophobes. ^^

 

« Deuxième personne du singulier », de Daryl Gregory

Excellent récit sur l’identité, la conscience de soi, « Deuxième personne du singulier » nous place dans la tête d’une jeune fille qui a fait une overdose de drogue Z (ou Zombie), drogue qui a plus ou moins pour effet d’effacer l’identité de la victime. Thérèse, alors qu’elle sort de l’hôpital dans lequel sont venus la chercher ses parents, est ainsi comme prisonnière dans un corps étranger, à moins qu’elle ne soit une étrangère dans son propre corps, question de point de vue… Le fait est qu’elle a oublié la personne qu’elle était avant son overdose (sans toutefois perdre la mémoire) et qu’elle a bien du mal à se réintégrer dans un schéma social et familial qui ne lui correspond plus, alors que ses parents lui font suivre une thérapie qui semble avoir porté ses fruits auprès d’autres patients qui ont retrouvé leur identité « d’avant ».

Petit modèle de construction narrative, le récit nous fait découvrir petit à petit qui est Thérèse, ce qui lui est arrivé, et la vie que son entourage aimerait lui faire retrouver. Sans en rajouter, Daryl Gregory nous livre ici un joli texte sur l’identité, la conscience, l’acceptation de l’autre et le fonctionnement du cerveau avec une métaphore britannique particulièrement éclairante (le Parlement, la Reine et le Messager). Critiquant au passage au vitriol la religion et les cases dans lesquelles on voudrait faire entrer chaque personne, « Deuxième personne du singulier », malgré une fin un peu trop rapide et surtout trop « facile », est une belle preuve du talent de l’auteur de « Nous allons tous très bien, merci ».

Signalons que cette nouvelle, lauréate du Prix des lecteurs de la revue « Asimov » en 2006, est toujours disponible gratuitement sur le site du Bélial’ ou bien via la revue numérique « Angle mort ».

 

« Dead horse point », de Daryl Gregory

Une femme, Venya, reçoit un appel de son ancienne colocataire d’université, Julia, qu’elle n’a pas revue depuis une vingtaine d’années. Elle lui demande de la retrouver « avant qu’il ne soit trop tard »… Qu’est-il en train d’arriver à Julia, qui était déjà à l’époque victime de quelques « absences » durant lesquelles elle se retrouvait plongée dans de complexes théories scientifiques ? Venya part donc rejoindre son ancienne amie, devenue une scientifique reconnue mais dont les absences sont de plus en plus longues et qui doit se reposer sur son frère, Kyle, pour gérer son quotidien.

Encore une réussite pour Daryl Gregory qui semble les enfiler comme des perles. « Dead horse point », en plus d’être un Parc Naturel offrant un point de vue exceptionnel sur le fleuve Colorado, est un texte à nouveau touchant sur une femme qui se renferme de plus en plus sur elle-même mais qui reste consciente de ce qui l’entoure. Un récit sur l’amitié, la famille. L’entraide aussi, et en sous-texte le handicap. Excellent du début à la fin puisque contrairement au texte précédent, Daryl Gregory a parfaitement négocié l’issue de sa nouvelle (qui n’appartient d’ailleurs pas vraiment au genre SF…). Superbe.

 

« Une autre chanson du futur », de Daryl Gregory

Là en revanche, c’est un fail. Je n’ai pas du tout été sensible à cet hommage à peine voilé à une star du rock décédé il y a peu (la couverture de cette nouvelle est suffisamment éclairante pour que je n’en dise pas plus !). Le récit est parsemé de références (dont j’ai sans doute raté la moitié d’entre elles), mais reste totalement flou sur le contexte. Cette impression de ne pas connaître les « règles du jeu » m’a particulièrement gêné (même si l’effet est sans doute voulu puisque le Monsieur Jones du récit, vieux, amnésique et qui se réveille dans un hospice, est tout autant perdu que moi…).

Ce texte relève plus du jeu, du clin d’oeil appuyé, que du véritable récit profond et réflexif. Pourquoi pas, après tout Daryl Gregory a aussi le droit de produire des textes plus légers pour s’amuser. Sauf qu’ici je n’ai pas été pris au jeu. Maybe next time !

  
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