L’enfant de poussière, Le cycle de Syffe tome 1, de Patrick K. Dewdney

Posted on 7 août 2018
Nouveau venu dans la paysage des littératures de l’imaginaire, Patrick K. Dewdney (qui a déjà à son actif quatre autres romans et un recueil de poésie), auteur anglais qui écrit en français, signe avec fracas son arrivée avec son roman « L’enfant de poussière ». Coup d’essai, coup de maître ?

 

Quatrième de couverture :

La mort du roi et l’éclatement politique qui s’ensuit plongent les primeautés de Brune dans le chaos. Orphelin des rues qui ignore tout de ses origines, Syffe grandit à Corne-Brune, une ville isolée sur la frontière sauvage. Là, il survit librement de rapines et de corvées, jusqu’au jour où il est contraint d’entrer au service du seigneur local. Tour à tour serviteur, espion, apprenti d’un maître-chirurgien, son existence bascule lorsqu’il se voit accusé d’un meurtre. En fuite, il épouse le destin rude d’un enfant-soldat.

 

Apprentissage à la dure

« L’enfant de poussière » nous narre la vie de Syffe, orphelin de huit ans recueilli, avec trois autres enfants : Merle, Brindille et Cardou, par la veuve Tarron. Une enfance difficile par moments car pauvre et démunie, mais pourtant égayée par les petites choses qui font de la vie d’enfants un émerveillement quasi-constant. Une vie partagée entre rires et survie en somme. Une vie d’enfant pauvre dans un monde de fantasy qui tient plus du moyen-âge de notre monde à nous que d’un monde de high fantasy peuplé d’êtres extraordinaires. Car la magie du monde inventé par Patrick Dewdney se fait discrète, très discrète même. A peine une ou deux choses étranges, entendues ici ou là ou vues à travers les yeux d’un enfant et qui, peut-être, tiennent du fantasme enfantin, ou des histoires que les adultes racontent pour effrayer les bambins qui ne veulent pas aller se coucher, à moins qu’elles ne soient l’écho d’un lointain passé  qui s’est éteint tout seul, tristement, dans son coin…

Le roman se raconte à travers les yeux et les souvenirs de Syffe car si le narrateur est bien Syffe lui-même, ce sont ses propres souvenirs qu’il nous raconte, bien des années après les faits. Une certaine distanciation temporelle qui fait penser à des « chroniques » ou bien à une autobiographie, mais qui s’estompe tant le lecteur s’attache à ce petit bonhomme forcé de grandir vite dans un monde qui ne lui épargne rien, même si le regard qu’un homme porte sur sa jeunesse ne manque pas d’apporter régulièrement quelques réflexions sur l’importance des choix que l’on fait et des décisions que l’on prend.

Apprentissage à la dure donc au sein de la ville de Corne-Brune, alors que le roi d’un pays autrefois morcelé vient de mourir et que les troubles réapparaissent… Des troubles et quelques rencontres hasardeuses qui vont forcer le jeune héros à faire des choix… parfois hasardeux eux aussi mais comment peut-il en être autrement pour un petit garçon pas vraiment au fait de la géopolitique locale ? Alors oui, Syffe va faire de mauvais choix qui vont le déchirer à plus d’un titre, lui faire faire des rencontres importantes, parfois bonnes, parfois mauvaises, parfois les deux, des rencontres qui vont le façonner, l’influencer, le faire grandir bon gré mal gré, entre amour, confiance, trahison, éducation.

Syffe, confronté aux affres d’un pays qui n’a jamais pleinement accepté certains « envahisseurs » du passé, notamment les syffes (oui le garçon porte le nom de sa peuplade nomade d’origine, un signe qui ne trompe pas sur le degré d’intégration de ce peuple de voyageurs à qui on a réservé un terrain en dehors de la ville pour la partie de l’année qu’il passe à Corne-Brune…) va donc, au fil de son évolution, s’attacher à certains personnages, comme des pères de substitution, qui lui apporteront savoir, manière de penser différente, capacité à se défendre (et à tuer… ce qui n’a rien d’anodin, on est loin des héros qui tuent à tour de bras sans se poser de questions…).

Le roman prend son temps, l’histoire de Syffe avance à un rythme relativement lent, le monde qui l’entoure ne se découvre que par bribes au fil des informations qui se dévoilent au garçon, soit directement, soit par des « on dit », mais jamais l’ennui ne s’installe, l’évolution de Syffe étant particulièrement bien décrite (et écrite de fort belle manière par un auteur à l’aise aussi bien dans l’intimité des pensées de son héros que dans la boue des champs de bataille, une écriture simple et fluide qui n’est pas pour rien dans la qualité du roman), passant par différentes étapes (respect, confiance, admiration, haine, repli sur soi, etc…) tout à fait crédibles. Le garçon grandit petit à petit, quelles que soient les épreuves (souvent) et les petits bonheurs (plus rarement…) qu’il traverse. Violence, frustration, séparation, injustice forgent le caractère tout autant qu’amour, tendresse et amitié.

Et ainsi, au bout de quelques années de la vie de Syffe et de 600 pages d’un roman sur le passage à l’âge adulte, la guerre, le racisme, la religion, s’installe l’impression tenace de faire partie de ce monde que l’on n’aura pourtant fait qu’effleurer mais que l’on sent malgré tout d’une grande richesse. Et c’est à regret que l’on quitte le jeune garçon devenu jeune homme (provisoirement puisque cette série semble partie pour sept tomes…) alors que sa vie prend à nouveau un tournant important. Un de plus dans une vie qui semble déjà bien remplie, en bien comme en mal.

Patrick Dewdney frappe donc un grand coup, en débarquant de nulle part avec une série qui s’avère pourtant déjà être parmi les plus importantes de la fantasy francophone récente… à condition que la suite ne nous déçoive pas. La réponse arrive bientôt puisque le deuxième tome est prévu pour mi-septembre.

 

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