Semiosis, de Sue Burke

Posted on 6 février 2020
Le besoin de lire de la SF d’évasion, c’est à dire non pas nécessairement un truc pour se vider la tête mais plutôt quelque chose qui parle d’un ailleurs inconnu, de planètes lointaines, etc… m’a fait me tourner vers « Semiosis » de Sue Burke. Un petit groupe de Terriens a fui la Terre pour reconstruire un monde meilleur, un monde sur lequel ils vont découvrir des choses étonnantes, notamment du côté des formes de vie…

 

Quatrième de couverture :

Ils sont cinquante – des femmes, des hommes de tous horizons. Ils ont définitivement quitté la Terre pour, au terme d’un voyage interstellaire de cent soixante ans, s’établir sur une planète extrasolaire, qu’ils ont baptisée Pax. Ils ont laissé derrière eux les guerres, la pollution, l’argent, pour se rapprocher de « la nature ». Tout recommencer. Retrouver un équilibre définitivement perdu sur Terre. Construire une Utopie. Mais avant même de fonder leur colonie, des drames mettent à mal leur idéal. Avarie sur une capsule d’hibernation, accident d’une des navettes au moment de l’atterrissage. Du matériel irremplaçable est détruit. Les morts s’accumulent. La nature est par essence hostile et dangereuse ; celle de Pax, mystérieuse, ne fait pas exception à la règle. Pour survivre, les colons de Pax vont devoir affronter ce qu’ils ne comprennent pas et comprendre ce qu’ils affrontent.

 

Faire mieux, ailleurs…

Pour fuir la Terre devenue un lieu de violences (de toutes sortes) et de tourments, un petit groupe décide de prendre le large et de partir pour un long voyage en hibernation de plus d’un siècle en direction de la lointaine planète baptisée Pax. Leur ambition : repartir sur des bases saines et créer une meilleure société. Mais rien ne sera aisé puisqu’à peine arrivés, une série d’accidents coûtera la vie à plusieurs voyageurs, privant les survivants de matériel important.

 

Burke-Tchaikovsky, même combat ?

Ainsi donc, à peine plus d’une trentaine de voyageurs débarquèrent sur Pax. Et c’est l’histoire et le développement de cette installation humaine que nous décrit « Semiosis », sur plusieurs générations, avec plusieurs narrateurs, et avec bien évidemment la rencontre avec des formes de vie inattendues. Le lecteur connaisseur de SF fera sans doute assez rapidement le rapprochement avec « Dans la toile du temps » de Adrian Tchaikovsky, mais mettons tout de suite les choses au point :  les deux romans ont finalement peu de choses en commun. Tchaikovsky et Burke ont en effet décidé de s’intéresser au même thème mais aux deux extrémités du spectre, Tchaikovsky sur un temps très long et géographiquement très vaste, Burke sur un temps assez court (107 ans pour être précis) et géographiquement très restreint (le camp humain, grosse modo, et un peu les alentours).

Deux manières d’aborder le sujet, deux façons de faire qui ont chacune leur intérêt. Sue Burke a décidé de rester « plus humaine » sur l’échelle du temps, permettant au lecteur de voir défiler les personnages et leurs descendants au fil des chapitres (et des années), alors que sur ce point Tchaikovsky avait « triché » en utilisant la cryogénisation pour garder les mêmes personnages humains tout au long de son récit, et un nom conservé au fil des générations d’araignées. Le procédé d’identification du lecteur n’est donc pas tout à fait le même dans les deux cas. Mais trêve de comparaison, puisque les qualités propres de « Semiosis » ne se mesurent pas à l’aune du roman d’Adrian Tchaikovsky.

 

Once upon a time in the west

« Semiosis » a en effet largement de quoi satisfaire le lecteur : une planète inconnue, des formes de vie étonnantes, voilà qui ne peut qu’intriguer le lecteur de science-fiction. Et bien sûr, ce nouveau départ pour ce groupe d’hommes et de femmes qui arrivent sur Pax avec les meilleures intentions. Intentions qui finiront forcément pas se fracasser sur le mur de la réalité. Mais peut-être pas totalement… Sue Burke nous refait donc un peu ici la découverte du Nouveau Monde et l’installation des premiers colons. Si ce n’est que les colons de Pax ont une vraie ligne de conduite, basée sur le respect. Respect de soi-même, respect des autres, y compris de ceux qu’ils ne connaissent pas. Comme d’éventuelles formes de vie intelligentes, radicalement différentes de celles auxquelles nous sommes habitués sur Terre. Le message écologique est donc évident, et le nom de la planète est un indice fort sur le socle de cette nouvelle société.

 

Le bambou, un végétal qui nous veut du bien

« Semiosis » est donc aussi un roman sur l’altérité, l’acceptation d’un autre, très différent. Et si je n’en dis pas plus sur cet (ou ces…) autre(s), c’est pour préserver le suspense, même s’il y aurait beaucoup à en dire. Mais tout de même (parce que c’est plus fort que moi…), l’intelligence végétale, ce n’est pas si courant, même si on pourrait parfois regretter un mode de pensée un peu trop comparable au nôtre (alors que métaboliquement/physiologiquement/biologiquement c’est excellemment bien pensé). Mais après tout, qui suis-je pour juger une espèce que je ne connais pas, née sur une planète beaucoup plus ancienne que la Terre et dont les formes de vie ont forcément évolué différemment et plus longuement ? Qui sait comment se comporteront les bambous terrestres dans un milliard d’années ?… 😉

 

Fin, moyens, etc…

Récit d’une nouvelle micro-société perpétuellement en lutte pour la survie au sein d’un écosystème étonnant, « Semiosis » aborde également, sur un plan plus politique, la façon de gérer cette communauté, aux buts nobles mais aux moyens qui peuvent l’être beaucoup moins. A ce titre, le deuxième chapitre est assez édifiant et ne manquera pas de rappeler le magistral « Kirinyaga » du regretté Mike Resnick.

 

La perfection n’est pas de ce monde

Le roman joue donc sur des thématiques dans l’air du temps, et le fait de manière efficace. Le seul vrai bémol tient sans doute aux personnages. Avec des narrateurs différents à chaque chapitre, il est un peu difficile de s’attacher, l’implication émotionnelle en prend donc un coup. Avec en plus une petit baisse de rythme au début du dernier tiers, pourtant temporellement plus restreint, c’est cette fois l’attention qui faiblit. Mais l’intérêt revient vite quand Sue Burke se décide à lancer un sprint final potentiellement dévastateur.

 

107 ans d’utopie

Sans doute imparfait, « Semiosis » a pourtant bien des arguments pour lui. Politique, social, écologique, abordant l’utopie et l’altérité, il traite de thèmes forts et même si son cadre « restreint » pourrait jouer en sa défaveur, ce serait sans doute oublier un peu vite que micro-société ne veut pas forcément dire micro-roman. Gabriel García Márquez et son « Cent ans de solitude » en sont la preuve la plus éclatante.

 

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