Tétraméron, de José Carlos Somoza

Posted on 19 mars 2015
Certains romans arrivent par hasard. C’est le cas de celui-ci, que je n’attendais pas et pour lequel le seul nom de l’auteur, très apprécié pourtant par certains, n’aurait pas forcément suffi à éveiller mon attention. Mais le hasard fait-il bien les choses ?

 

Quatrième de couverture :

En excursion scolaire dans un mystérieux ermitage aux abords de Madrid, une collégienne découvre Tétraméron, une société occulte qui se réunit une fois l’an pour raconter des histoires énigmatiques toutes plus terrifiantes – ou édifiantes – les unes que les autres. Après avoir écouté les contes cruels des quatre membres, elle devra relater le sien, rite initiatique obligé pour entrer dans ce cercle obscur et très privé ; et quitter pour toujours les rives de l’enfance.

Les histoires, hantées par la présence du péché, de la tentation, de la luxure et du Mal s’ouvrent les unes sur les autres telle une succession d’effrayantes matriochkas avant la révélation finale. Au fil de ces fables intrinsèquement liées, José Carlos Somoza nous plonge dans un univers gothique et sombre, empreint d’une angoissante débauche, à l’image du Décaméron de Boccace.

 

Rite occulte et contes obscurs

Tétraméron - SomozaSoledad est une jeune fille solitaire, et qui a le sentiment qu’elle n’intéresse personne, qu’elle est comme invisible aux yeux de autres. Lors d’une sortie scolaire, elle abandonne son groupe pour franchir une porte dérobée dans un vieil ermitage. Elle y découvre quatre personnes, qui semblent curieusement l’attendre. Puis elles commencent à raconter d’étranges histoires à tour de rôle.

Étrange est un qualificatif qui risque de revenir souvent dans cette chronique. Car le roman est étrange, baigné dans une atmosphère étrange, avec des personnages étranges, qui forment une étrange confrérie au but étrange. Poussés à l’extrême, certains éléments peuvent même en paraître incompréhensibles… Qu’a bien pu vouloir dire l’auteur ? Le rite du passage à l’âge adulte est évident au fil de la lecture, Soledad se mettant à nu (au propre comme au figuré) en donnant son ressenti sur les histoires dites par ces étranges narrateurs, mais les morales de celles-ci sont parfois obscures, et le lien entre elles semble bien ténu en dehors du fil rouge représenté par Soledad elle-même. Dès lors, bien que la lecture ne soit nullement désagréable, bien au contraire puisque Somoza possède incontestablement une belle plume, j’en suis venu à prendre ce roman comme un recueil de nouvelles, nouvelles qui, prises indépendamment, sont d’ailleurs parfois tout à fait intéressantes (hormis la première qui me semble ratée).

Métaphore sur l’art, l’argent, le bien et le mal indissociés, etc… Les thématiques dont vastes. Pour autant, je ne peux m’empêcher d’y trouver un goût de trop peu. Des récits pas assez remuants, pas assez prenants, comme si l’auteur n’était pas allé au bout de ses idées. C’est bien dommage car il y avait vraiment quelque chose à faire avec cette atmosphère bizarrement malsaine mais sous cet enrobage d’une complexité inutile (chaque histoire est comme une boîte qu’ouvre le lecteur jusqu’à une conclusion qu’on voit venir de loin, élément à mon avis inutile car détaché du contexte du récit), l’auteur manque sa cible.

Pour autant, même si le fond me laisse un peu dubitatif, la forme m’a séduit. Je l’ai dit plus haut, l’auteur écrit bien. Ce n’est pas le premier venu, ça n’étonnera donc pas ceux qui le connaissent déjà, mais il fallait que ce soit dit. Résultat : il est fort possible que je m’intéresse de nouveau à José Carlos Somoza, avec d’autres romans plus aboutis et salués par la critique.

 

Lire aussi les avis de Sandrine, Anudar, Claude, Lelf, Gromovar, Lune.

 

 

  
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