Chroniques d’un rêve enclavé, de Ayerdhal

Posted on 1 février 2016
Ayerdhal nous a quittés, bien trop tôt, il y a peu. Nous ne pouvions pas , au sein du Planète-SF, ne pas lui rendre hommage. C’est ainsi qu’il a été décidé de lire un des romans de ce grand monsieur de la littérature francophone SFFF en lecture commune du mois de décembre, le choix s’étant porté sur « Chroniques d’un rêve enclavé », un récit de fantasy pour le moins engagé, à l’image de l’auteur.

 

Quatrième de couverture :

« On ne bâtit rien sur le désespoir, fors la haine, mais avec la colère et l’usure des souffrances qui se répètent, avec la faim et la peur du lendemain, avec nos seuls coudes serrés pour nous tenir chaud, et nos larmes en échos, et nos rires enfuis, un jour, avec juste ça, entre hommes et femmes, nous n’aurons plus besoin que d’un rêve pour nous éveiller. »

Dans cette cité médiévale où règnent recruteurs, faiseurs de dîme et de gabelle, les poètes meurent, les rêveurs aussi. Les rêves, eux, ne demandent qu’à voyager. Parleur, le vagabond visionnaire, parviendra-t-il à leur faire franchir les murs de la Colline ?

 

Belle et rebelle, la Colline s’éveille

Chroniques d'un rêve enclavé - Ayerdhal - couvertureAyerdhal était un auteur engagé, ce n’est une révélation pour personne. Et il est logique que ces engagements, voire ces colères, se retrouvent (au moins en partie) dans ses romans, à l’image du superbe « Demain, une oasis ». Ici, c’est la même chose, à ceci près que « Chroniques d’un rêve enclavé » (initialement paru sous le titre « Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé ») est un roman de fantasy, genre que l’auteur a peu côtoyé, lui qui était plutôt friand de science-fiction.

Une oeuvre à part donc, mais quelle oeuvre ! Quel cri du coeur ! « Chroniques d’un rêve enclavé » nous narre donc le choix et les conséquences de ce choix opéré par une partie des habitants de la ville de Macil. Les « Collinards » (du nom de leur quartier de la « Colline »), pour survivre à un hiver particulièrement rigoureux ainsi qu’à la pression des dirigeants de la ville, décident, sur une idée d’un homme charismatique et un peu avant-gardiste nommé Parleur, de refermer le quartier sur lui-même, de vivre en autarcie. On va donc vivre les premiers germes aboutissant à ce plan un peu fou, puis sa mise en application, puis toutes les conséquences qui en découlent.

Et il est bien difficile de rester de marbre devant ce récit engagé, et ce pour plusieurs raisons. D’une part, sur un plan purement formel, Ayerdhal écrit bien, très bien même. D’autre part, il donne à ses personnages un style un peu théâtral (avec aussi pas mal d’argot), beaucoup de leurs répliques pourraient tout à fait être déclamées à voix haute dans un théâtre. Bien sûr, ce niveau de langue paraît un peu incongru pour des habitants d’un quartier plus que modeste (la plupart sont illettrés), mais c’est un choix qui renforce l’impact des dialogues, et c’est très réussi. Du coup, avec un style théâtral et une belle écriture, on pourrait trouver de belles citations toutes les trois lignes. Car ce roman est une véritable usine à citations (celle de la quatrième de couverture en donne une idée) !

Ensuite, les personnages, nombreux mais toujours bien décrits, bien définis. Ils sont vivants, ils se battent sous nos yeux (mais pas avec des armes), et il est bien difficile de ne pas s’y attacher. Bien sûr, il y a un côté très manichéen dans tout cela (bien qu’un personnage en particulier se situe plus dans les tons de gris), mais ça ne m’a pas dérangé. Et enfin le roman, découpé en chapitres nommés « veillées » (qui s’intéressent aux Collinards) et entrecoupé de courriers très courts échangés entre les puissants de la région qui tirent les ficelles en cachette ajoute un niveau d’intrigue supplémentaire. Il y a plein d’idées dans ce roman, c’est une véritable utopie que nous conte Ayerdhal, une utopie initiée par un homme qui marche sur les traces d’un prédécesseur assassiné (montrant également les mécanismes d’une révolution qui prend du temps pour s’enclencher), un rêve qui unit les Collinards autour d’un idéal commun. Bien sûr, il manque des détails, bien sûr on se demande comment tout cela peut réellement marcher, ne serait-ce que sur le plan logistique, mais peu importe ! Ce cri du coeur est beau, prenant, rageant, triste, joyeux, plein d’espoir et infiniment déprimant. Oui j’ai été embarqué dans cette aventure, je suis devenu un Collinard le temps de ma lecture.

Une nouvelle fois, Ayerdhal m’a pris dans son récit, pour me secouer un bon coup. Ouvrir un de ses romans, ça semble être l’assurance d’être chamboulé, dans le bon sens du terme. De quoi regretter de ne pas avoir plus lu l’auteur avant qu’il ne nous quitte. Cela restera un regret, mais je sais aussi qu’il me reste encore de belles découvertes à faire.

 

Lire aussi l’avis de Julien, ValSandrine, Chiff’, Anaïs, Baroona, Xapur, Doris, Elessar, AC de Haenne.

Chronique rédigée dans le cadre des challenges « Francofou 3 » de Doris et « SFFF et diversité » de Lhisbei (item 13 :une oeuvre de SFFF écrite par une personne issue ou militant pour la communauté LGBTQIA).

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