Antiqu’idées, anthologie 2016 du festival ImaJn’ère

Posted on 21 juillet 2016
C’est la deuxième anthologie du festival ImaJn’ère que j’ai l’occasion de lire après un « STAR OUEST » qui avait des atouts mais manquait tout de même de textes marquants. Cette nouvelle édition a pour thème l’Antiquité, un thème certainement plus en adéquation avec les genres qui nous intéressent. Voyons de quoi il retourne.

 

Quatrième de couverture :

Après « Histoires d’Aulx », « U-chroniques », « Riposte Apo », « Total Chaos », « Rétro-fictions » et « Star Ouest », l’association imaJn’ère vous propose une nouvelle anthologie thématique !

Réalisée à l’occasion du sixième salon ImaJn’ère, le salon de la Science-Fiction et du Policier d’Angers où de plus en de plus d’auteurs de l’imaginaire francophone se réunissent chaque année, l’anthologie Antiqu’idées explore tous les aspects bien connus de l’Antiquité, par le biais de la science-fiction, de la fantasy, du fantastique et d’une pointe de polar.

Que pouvons-nous trouver comme idées neuves en refouillant l’Antiquité ? Revisiter un passé déjà connu, imaginer un futur plus rose ou tout simplement plonger dans l’Histoire antique pour le plaisir des yeux et des sens, voilà le programme d’Antiqu’idées. Quinze auteurs ont imaginé des histoires originales mettant en scène des éléments ou des personnages antiques, pour bousculer nos connaissances et rappeler que l’Histoire peut être vue autrement, voire même revécue.

De la Guerre de Troie à la Cimmérie, en passant par l’Égypte, Carthage et les confins bien connus de notre héritage gréco-latin, ces quinze nouvelles s’attachent à nous conter gaiement notre besoin de combat épique, de voyage au lointain et de quête de nos racines.

 

L’Antiquité, éternelle source d’inspiration

Antiqu'idées - ImaJn'ère 2016 - couvertureIl est vrai que l’Antiquité est un thème porteur, notamment en fantasy, à partir duquel il est « facile » de broder une histoire reprenant (ou non) des mythes antique connus. Pourtant, les auteurs de la présente anthologie ne se sont pas limités à une fantasy facile puisqu’on trouve également au sommaire de la SF et du fantastique, même s’il faut bien avouer que la fantasy occupe la plus grande place, ce qui n’a bien sûr rien d’illogique.

Et en comme le festival prend de plus en plus d’ampleur au fil des années, l’anthologie fait de même en accueillant quelques plumes célèbres, telles ici Lionel Davoust, Brice Tarvel, Fabien Clavel ou Estelle Faye. C’est d’ailleurs cette dernière qui lance les hostilités, enfin façon de parler puisque son récit, « La Maison des Vignes » est d’une superbe justesse et d’une belle sensibilité, reprenant le mythe de Dionysos, sous un jour à la fois inquiétant et intrigant.

Le recueil propose également les récits des lauréats de l’appel à texte de cette édition, et Eva Simonin avec une guerre de Troie en réalité virtuelle qui déconne (« Rivages »), Myrtille Bastard et son uchronie fantasyesque dans laquelle l’Empire Romain n’est pas tombé (« Chez Lucius, Dieux, Lares et Génies »), et surtout Olivier Boile et son uchronie dans l’uchronie (« Le rêve du pont Milvius », où l’Empereur Constantin a été défait à la bataille du pont Milvius, l’islam domine le monde, mais un écrivain moderne se demande ce qui se serait passé si Constantin avait embrassé alors la religion chrétienne), bien écrite et utilisant vraiment à bon escient ce vertige science-fictif que j’aime tant, qui fait forcément penser à Philip K. Dick et son « Maître du Haut Château », ne déméritent absolument pas, loin s’en faut.

Signalons également un humour assez présent dans cette anthologie, parfois par petites touches (« Quid Novi Medice » de Jean-Hugues Villacampa, sur les raisons de la chute de Vercingétorix devant Jules César malgré des forces bien supérieures en nombre), parfois de manière plus franche (la variation de Justin Hurle sur les dix plaies d’Egypte avec « Ponce, Pilate, ponce ! » et son ton qu’on sent inspiré par « Kaamelott »), mais toujours à bon escient.

On a également quelques récits plus ouvertement SF, tels « Âheli ou la mémoire enfouie » de Isa3elle Arnoult (un peu plus anecdotique selon moi), « Carthage ! » de Arnaud Cuidet, récit dont le fond n’est pas très épais mais qui ne manque d’action épique (et qui m’a, dans une certaine mesure, fait penser aux combats divins de « Seigneur de lumière » de Roger Zelazny), ou bien le sympathique « Discorde » de Patrice Verry qui joue avec la légende du jugement de Pâris. Le fantastique est aussi au programme avec « Boadicée » de Pierre-Marie Soncarieu qui s’intéresse aux visions d’un devin sur la destinée d’une future reine bretonne (entendez par là la Bretagne anglaise. D’ailleurs ce récit ne serait-il pas l’occasion d’un hommage à la nouvelle épouse du président de l’association ImaJn’ère ? 😉 ) ou avec « Une histoire Tauride » de Romuald Herbreteau qui part d’un postulat intéressant (la centrale de Tchernobyl crée des distorsions de la réalité, « fondant » le monde de Conan (oui, celui de Robert Howard) avec le nôtre, mais a le défaut de trop vouloir en faire (Lovecraft, et pas mal d’autres références).

Tout cela est somme toute très gréco-romain (mâtiné d’un soupçon d’Egypte et d’Angleterre pré-chrétienne), mais Jérôme Verschueren nous dépayse un peu en nous emmenant avec « L’Immortel et l’Assassin » dans une Asie fantasmée, qui fait curieusement penser à une célèbre saga cinématographique dans laquelle les sabres sont lumineux… Très amusant.

Et finalement, j’en reviens aux plumes « bien installées » dans le petit monde de la SFFF, à commencer par Brice Tarvel et son « Tombeau de Calypso » qui joue avec un épisode de la fameuse Odyssée d’Ulysse. Un récit sympathique mais qui manque un peu de surprise. Fabien Clavel nous livre avec « Deux fois vainqueur traverser l’Achéron » (superbe titre au passage) un poème en prose mêlant mythe d’Orphée et apocalypse zombie, un vrai régal de lecture, qui s’exprimerait sans doute encore mieux en étant déclamé de façon théâtrale. Enfin, Lionel Davoust clôt ce recueil avec « Faisabilité et intérêt zootechniques de la métamorphose de masse », un jeu à base de rapport scientifique sur les moyens de régler le problème de la famine mondiale et la surpopulation. Quel est le rapport avec l’Antiquité ? Le mythe de Circé. Je n’en dis pas plus, ce texte est un régal d’humour et d’ironie. Une belle façon de refermer ce recueil nettement plus consistant que son prédécesseur.

Peu de déceptions, beaucoup de satisfactions, c’est donc une vraie belle réussite pour ce recueil qui n’a rien à envier à d’autres qualifiés de plus professionnels. Agrémentés en plus de quelques jolies illustrations (signées Candice Roger, Hélise Laroche et TBoy, ce dernier se chargeant de la couverture), voilà une anthologie qui a tout ce qu’il faut pour satisfaire un large lectorat !

 

Lire aussi les avis de Apophis, L’ours inculte.

 

Critique rédigée dans le cadre des challenges « SFFF et diversité » de Lhisbei (item 19 : lire un recueil de nouvelles SFFF), et « S4F3s2 » de Xapur.

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