Sept anniversaires, de Ken Liu – Hors-série « Une heure-lumière »

Posted on 15 octobre 2018
Aaaaaah, la collection « Une heure-lumière »… Source de bonheurs réguliers depuis plus de deux ans et demi, elle a eu l’immense mérite de mettre en avant un format de récits important en SF et pourtant trop peu connu/utilisé en France : la novella. Et elle se porte tellement bien que les éditions du Bélial’ ont décidé d’offrir aux lecteurs un hors-série pour l’achat de deux opus de la collection. Bof, un petit récit au rabais vous allez me dire, juste histoire d’appater le chaland… Que nenni ! Car c’est de Ken Liu dont il s’agit, avec un texte assez vertigineux.

 

Quatrième de couverture :

Une heure-lumière, c’est la distance que parcourt un photon dans le vide en 3600 secondes, soit plus d’un milliard de kilomètres… Faire voyager vite et loin le lecteur, voilà l’ambition de cette collection inédite, tant par la forme que par le fond, devenue emblématique des éditions du Bélial’ en moins de trois années d’existence. Une collection ici fêtée avec ce premier hors-série introduit par Olivier Girard, son maître d’oeuvre, au côté duquel on retrouvera aussi Aurélien Police, la source de son identité graphique, Ken Liu, l’un de ses auteurs référents, sans oublier un catalogue et une présentation exhaustive de l’ensemble des titres déjà parus sous ses désormais fameuses couvertures mouchetées.

Une heure-lumière… avec les étoiles pour objectif !

 

Un condensé d’un million d’années

Avant d’attaquer le récit de Ken Liu, signalons, car il ne s’agit pas d’une futilité, qu’au menu de ce hors-série on trouve une introduction d’Olivier Girard, le big boss des éditions du Bélial’, qui revient sur la genèse de la collection « Une heure-lumière », sur les doutes quant à sa viabilité, sur un marché français peut-être pas prêt pour une collection de ce genre, bref sur la longue maturation qui a mené à son éclosion en janvier 2016. Un texte qui montre la passion qui anime Olivier Girard, ainsi que son intérêt (pour ne pas dire son amour) pour les textes courts.

En fin de volume, on trouve également un petit entretien avec Aurélien Police, l’homme derrière chaque couverture et qui a su donner une identité forte et immédiatement reconnaissable à la collection. L’illustrateur n’est sans doute pas pour rien dans son succès. L’entretien revient donc sur son parcours, son approche du travail d’illustrateur, notamment bien sûr plus spécifiquement sur les couvertures de la collection. Et pour clôturer ce hors-série, nous avons également droit à un petit catalogue illustré de chaque titre paru jusqu’ici, avec un résumé, un mot sur l’auteur, et un petit « blurb » issu la plupart du temps des critiques de différents blogueurs. Voilà un petit coup de projecteurs qui fait toujours plaisir. S’en suivent six titres annoncés pour de futures sorties. En bon collectionneur, je prendrai tout bien sûr, mais je suis heureux de voir (re)venir au catalogue Nancy Kress, Christian Léourier, Eric Brown ou bien un texte de Robert Heinlein brièvement cité dans « Morwenna » de Jo Walton (oui, il est sur la fameuses liste… 😉 ).

Et au milieu de tout ça, le texte de Ken Liu donc. On n’est plus vraiment ici dans le format novella puisqu’il ne fait qu’un trentaine de pages, mais ces trente petites pages couvrent un intervalle de temps assez vertigineux… Composé, comme son nom l’indique fort justement, de sept parties intervenant toutes le jour de l’anniversaire de la narratrice, « Sept anniversaires » dresse rien de moins que l’histoire future de l’humanité à travers la vie de Mia. L’histoire future de l’humanité, sur des éons, en suivant un seul personnage ? Oui car Ken Liu reprend à son compte des thèmes régulièrement utilisé en SF comme la numérisation de la conscience, ce qui permet de s’affranchir des limitations du corps humain. Et comme à son habitude, l’auteur parvient, tout en restant très proche de son personnage et en peu de pages (il l’avait déjà démontré tout récemment), à faire naître ce fameux sense of wonder, ce vertige totalement science-fictif issu de la sidération du lecteur devant des événements ou des faits proprement grandioses. On trouve donc dans ce texte, même parfois simplement approché en quelques mots, transhumanisme puis posthumanisme, réalisation à l’échelle planétaire de multiples uchronies, ingénierie planétaire donc, puis carrément stellaire (avec propulseur de Shkadov !), avant d’aller, peut-être, vers une sorte de transcendance digne des civilisations les plus évoluées (que l’échelle de Kardashev a tenté de classifier).

Bref, c’est de la SF de haut vol, le tout en trente pages, le tout avec émotion, et en mêlant à tout ça quelques réflexions plus proches de nous comme l’écologie (et ses pansements sur une jambe de bois…), les moyens mis en oeuvre par les pays développés au détriment des pays en voie de développement, etc… Ça tacle juste ce qu’il faut, là où il faut… Et ça fait de ce texte un grand texte (traduit par Pierre-Paul Durastanti), comme un condensé de Charles Stross mais en plus compréhensible et en plus humain.

Le Bélial’ ne nous aura donc pas floué : le court texte offert ici vaut plus qu’un sombre truc sorti d’un fond de tiroir, non, non, non, c’est de la vraie et belle SF, tout à fait digne de figurer dans un best-of (le prochain recueil de Ken Liu par exemple ?). Aucune raison de ne pas s’offrir deux textes de la collection pour obtenir ce hors-série, c’est d’la bonne ! Manque de chance pour les retardataires, il est déjà en rupture de stock…

 

Lire aussi les avis de Gromovar, Apophis, Dionysos, Feyd-Rautha, Artemus Dada, Yuyine, Célindanaé.

 

  
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