Le roman de Jeanne, de Lidia Yuknavitch

Posted on 29 août 2019
Séance de rattrapage avec ce roman de Lidia Yuknavitch, nominé dans la short-list du Prix Planète-SF des blogueurs 2019. Un roman que j’avais en ligne de mire mais que je n’avais pas pris le temps de lire. Puisqu’il est nominé, impossible de repousser sa lecture plus longtemps.

 

Quatrième de couverture :

Anéantie par les excès de l’humanité et des guerres interminables, la Terre n’est plus que cendres et désolation. Seuls les plus riches survivent, forcés de s’adapter à des conditions apocalyptiques. Leurs corps se sont transformés, albinos, stériles, les survivants se voient désormais contraints de mourir le jour de leurs cinquante ans. Tous vivent dans la peur, sous le joug du sanguinaire Jean de Men.

Christine Pizan a quarante-neuf ans. La date fatidique approche. Rebelle, artiste, elle adule le souvenir d’une héroïne, Jeanne, prétendument morte sur le bûcher. Jeanne serait la dernière à avoir osé s’opposer au tyran. En bravant les interdits et en racontant l’histoire de Jeanne, Christine parviendra-t-elle à faire sonner l’heure de la rébellion?

 

Un roman ? Pas sûr…

Quel curieux roman que ce « Roman de Jeanne » ! Avec sans doute autant de défauts que de qualités… Futur indéterminé. Le Terre est devenue un enfer. Polluée, ravagée par d’innombrables guerres destructrices, elle n’est plus qu’une planète inhospitalière peuplée par quelques malheureux qui n’ont pas eu la chance (ou les moyens…) d’aller se réfugier sur CIEL, une station spatiale, dernier refuge d’une humanité qui dépérit. Et son dépérissement n’a rien d’illusoire puisqu’il est visible physiquement : les hommes et les femmes habitant CIEL sont albinos, glabres et stériles. Et toute trace de dimorphisme sexuel a fini par disparaître. Le temps de l’espèce est donc compté. Mais elle tente malgré tout de prolonger sa survie par des moyens qui ne font qu’illusion : la durée de vie des habitants de CIEL est pas exemple limitée à 50 ans pour que le recyclage de leur corps permette de récupérer suffisamment de matières premières. Christine Pizan approche de cet anniversaire fatidique. Elle se gryphe sur le corps (un mix entre tatouage et scarification), comme un dernier acte de rébellion, l’histoire de Jeanne, une rebelle au dirigeant de l’humanité Jean de Men, que ce dernier a fait brûler sur le bûcher. L’anticonformisme de Christine va l’amener à bouleverser sa propre vie et avec elle celle de toute l’humanité.

On le devine, les thématiques du roman sont dans l’air du temps et ne manquent pas de frapper les esprits, d’autant qu’elles ne sont pas assénées avec douceur. L’écriture de Lidia Yuknavitch est en effet frappante, elle ne prend pas de gants, elle appuie là où ça fait mal, et couplé au fait que via ses personnages asexués elle insiste sur l’importance de la sexualité comme étant l’identification de tout être humain, ce qui lui donne le statut d’être humain, cela nous donne un roman aux thèmes tout à fait d’actualité (écologie, liberté sexuelle, féminisme…).

On suit les pensées de Christine, son cheminement intellectuel, ce qui la pousse à agir. C’est à la fois assez grisant car assez virevoltant, mais aussi un peu monotone puisque que durant un bon quart du roman, on n’a que deux personnages à se mettre sous la dent. Les amateurs de variété de protagonistes en seront pour leurs frais… Le roman prend ensuite un tournant différent en nous décrivant l’histoire de Jeanne (racontée sur le corps de Christine donc, mais pas que…). On a donc Christine Pizan (basée sur la vraie Christine de Pizan, autrice au XIVème du « Ditié de Jeanne d’Arc ») dont le corps raconte l’histoire de Jeanne (évident avatar de la célèbre Jeanne d’Arc) et qui s’oppose à Jean de Men (basé sur le vrai Jean de Meung, poète misogyne des XIII-XIVème siècles dont l’une des oeuvres est une franche satire des femmes, et que Christine de Pizan critiquera avec virulence). Tout cela est une sorte de réécriture future de l’histoire, aux thèmes forts et aux personnages qui font parfois plus figure d’allégorie que de véritables personnages de roman. C’est un peu le problème du récit, on sent bien que tout ce que dit Lidia Yuknavitch dans son texte est signifiant, important, mais peut-être a-t-elle trop oublié d’en faire un vrai roman, d’autant que les évènements qu’elle décrie nécessitent une suspension d’incrédulité en béton armé pour parvenir à être avalés…

Oui « Le roman de Jeanne » est un récit de science-fiction de par son contexte, mais il s’y produit des choses qui amènent forcément le lecteur à relativiser son genre d’appartenance. Ce n’est pas forcément un problème, mais tout de même la cohérence d’un récit qui semble au départ être relativement (je dis bien relativement…) réaliste est régulièrement malmenée. Sans doute faut-il plutôt y voir une allégorie complète, une sorte de conte philosophique noir revisitant une certaine histoire de l’humanité, pointant ses défauts et les conséquences de ses actes, et mettant la rationalité de son récit de côté.

Récit puissant mettant en parallèle le corps humain et l’écosystème de notre planète, « Le roman de Jeanne », malgré l’importance de ses thématiques, n’a malheureusement pas su m’emporter. Trop baroque, trop inclassable peut-être, à peine avais-je réussi à m’immerger dans son univers et son propos que Lidia Yuknavitch a fini par me perdre avec des évènements surréalistes qui m’ont tout simplement sorti du récit. Dommage, mais même si ça n’enlève en rien à l’importance de son discours, le texte ne fera pas partie de mes grandes découvertes…

 

Lire aussi les avis de Tigger Lilly, Cédric, Gromovar, Lune, Nicolas

Critique écrite dans le cadre des challenges « Summer Star Wars – Solo » de Lhisbei et « Summer Short Stories of SFFF, saison 5 » de Lutin82.

  

 

  
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