Chroniques martiennes, de Ray Bradbury
Classique parmi les classiques, il était plus que temps que je lise ces fameuses « Chroniques martiennes » de Ray Bradbury. Une lecture commune organisée par Guillaume, notre cher Traqueur Stellaire, était donc le prétexte idéal. J’avoue y être allé toutefois un peu à reculons, car j’ai bêtement un a priori sur le style parfois vieillot des romans datant de plus de soixante ans, sans parler de la véracité scientifique bien souvent mise à mal. Du coup, le choc n’en a été que plus grand…
Quatrième de couverture :« « J’ai toujours voulu voir un Martien, dit Michael. Où ils sont, p’pa ? Tu avais promis. – Les voilà », dit papa. Il hissa Michael sur son épaule et pointa un doigt vers le bas. Les Martiens étaient là. Timothy se mit à frissonner. Les Martiens étaient là – dans le canal – réfléchis dans l’eau. Timothy, Michael, Robert, papa et maman. Les Martiens leur retournèrent leurs regards durant un long, long moment de silence dans les rides de l’eau…»
Quand la science cède le pas à l’onirisme
La première réflexion qui vient à l’esprit à la lecture de ce livre tient à la rigueur scientifique : il faut en effet accepter de laisser de côté une quelconque rigueur scientifique pour simplement se laisser emporter par la poésie et l’onirisme qui se dégagent du roman. Ray Bradbury le dit d’ailleurs lui même dans la préface : pour lui, ce roman n’est pas de la science-fiction. On est plutôt dans une sorte de divagation, de rêve éveillé, de mythe comme il le dit, décrivant la colonisation de Mars par les hommes.
Mais revenons sur l’architecture du roman. « Chroniques martiennes » est constitué de plusieurs chapitres indépendants (à l’époque de leur écriture, il s’agissait même plutôt de courtes nouvelles indépendantes, qui furent regroupés en un ouvrage formant un tout cohérent). Chaque chapitre est lié à une date, le tout étant rangé dans un ordre chronologique, reflétant l’avancée de la colonisation martienne. Ça c’est pour le côté terre à terre.
Pour le reste, j’avoue avoir été emporté par l’imagination déployée par Bradbury, qui se permet d’emprunter à différents styles (humour à travers l’excellente nouvelle « Les hommes de la terre » à la chute tellement cruelle, horreur avec la nouvelle hommage à Edgar Allan Poe « Usher II », réflexion, mélancolie, philosophie, etc…) pour faire avancer son propos. Car cette colonisation ne se fait pas sans heurts. Aussi bien pour les hommes (à travers les échecs des premières tentatives de colonisation) que pour les martiens (qui paieront un lourd tribut à l’invasion humaine), ces êtres télépathes aux yeux couleur d’or. Difficile de ne pas songer à la conquête de l’ouest par les immigrants nord-américains au détriments des tribus indiennes… Bradbury a écrit ici une critique assez acerbe de la nature humaine, sur différents aspects : sociaux, politiques, religieux, militaires, etc… Racisme, société bien-pensante réprimant les « déviants », choc des cultures, difficultés de communication, effet néfaste de la technologie débridée, soif de puissance, les thèmes de réflexion sont nombreux et sonnent toujours aussi juste, plus de soixante ans après leur écriture.
Mais surtout, ce qui fait tout le charme de ce livre, c’est le style de Bradbury, la poésie qui se dégage de ses écrits, sa puissance d’évocation. Difficile de rester insensible à certains récits tels que « …Et la lune qui luit » (à mon avis la plus belle réussite de cet ouvrage), « Rencontre nocturne », « Les ballons de feu », « Morte saison », ou bien « Pique-nique dans un million d’années » qui clot le recueil en beauté. La mélancolie est omniprésente et la science, quand elle n’est pas étroitement mêlée à l’art (quel beau concept !), laisse la place au rêve, à la méditation.
« Chronique martiennes » est donc un recueil qui mérite tout à fait son statut de classique de la science-fiction. Et même de classique tout court, tant le style de l’auteur ne peut le limiter au seul cadre trop étriqué de la SF. Recueil de fables oniriques, mélancoliques, teintées de nostalgie, c’est un ouvrage qui doit absolument figurer dans la bibliothèque de tout amateur de SF, et de tout amateur de littérature tout court, quelque soit son genre de prédilection. Chef d’oeuvre ? Pour une fois, l’expression n’est pas usurpée…
Lecture commune avec Guillaume, Blop, Julien.
Chronique réalisée dans le cadre du challenge « Les chefs d’œuvre de la SFFF » de Snow.
L’aspect méditatif est surprenant et très rafraîchissant, si on se place du côté du lecteur de la SF traditionnelle. Cette absence de frontière entre les genres est un vrai bonheur.
Je constate que nous avons pris tous deux un grand plaisir à (re) découvrir ce classique !
Je crois que tous ceux qui l’ont lu ont pris un grand plaisir, signe des chefs d’oeuvre intemporels et transgenres !
Faudrait vraiment remettre ça avec Fahrenheit 451 !
On en reparle… 😉
Bonjour,
Merci pour ta chronique qui a fait remonter en haut de ma PAL ce livre.
Il est excellent : il m’a fait pensé à ces excellent Twilight Zone (comme celui avec le prisonnier seul sur une planète et à qui on donne une femme artificielle)
J’apprécie particulièrement le regard que Ray Bradurry pose sur une humanité qui doute, qui a peur d’elle même.
A ton le droit de prendre ? Peux t’on refaire sa vie et sa civilisation ailleurs différemment ?
Vraiment un bon livre !
On est bien d’accord : c’est un grand livre. Un lecture marquante. Il mérite bien son statut de chez d’oeuvre de la SF, et même de chef d’oeuvre tout court ! A lire par tout le monde.
Comme toi, une super lecture, à laquelle je n’avais pourtant pas accroché il y a 10 ans, comme quoi les goûts évoluent !!
Hey,
Je viens de tomber sur cette chronique grâce aux petits « appels » vers d’autres billets sous ton billet d’aujourd’hui. J’ai adoré ce livre (même si je ne l’ai pas chroniqué sur mon blog à l’époque et que j’en ai donc un souvenir bien flou). Sais-tu que le titre d’origine était « The Silver Locusts »? C’était une manière d’appeler les vaisseaux humains, les sauterelles d’argent… Ça m’a beaucoup marquée.
Un très bon souvenir de lecture pour moi aussi. je ne connaissais pas le titre VO qui est en effet très évocateur, merci du renseignement. 😉
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