Dans la dèche au Royaume Enchanté, de Cory Doctorow

Posted on 16 mars 2012

Cory Doctorow, « blogueur influent », co-auteur du blog « Boing Boing », et auteur de plusieurs romans et nouvelles parues sous licence « Creative Commons » et donc librement téléchargeables (en langue anglaise bien sûr, la traduction étant, elle, soumise aux droits d’auteur). Un homme qui fait parler de lui, grand connaisseur du web et des nouvelles technologies de l’information associées. « Dans la dèche au Royaume Enchanté » est un roman d’anticipation décryptant cette culture web de manière intéressante, mais malheureusement pas sans défaut…

 

Quatrième de couverture :

 » J’ai vécu assez longtemps pour voir le remède à la mort, assister à l’ascension de la Société Bitchun, apprendre dix langues étrangères, composer trois symphonies, réaliser mon rêve d’enfance d’habiter à Disney World et assister non seulement à la disparition du lieu de travail, mais du travail lui-même « . Ainsi débute l’histoire de Julius, un jeune homme d’environ cent cinquante ans. Il a tout pour être heureux dans ce meilleur des mondes possibles, pourtant, sa vie va basculer, et l’utopie se transformer en enfer…

Avec ce premier roman, Cory Doctorow fait preuve d’un grand talent et se révèle comme l’un des auteurs de science-fiction à suivre ces prochaines années. « Dans la dèche au Royaume Enchanté » est de ces œuvres denses et novatrices qui nous font prendre conscience que le futur, c’est déjà demain.

 

Le whuffie c’est la vie

La société décrite dans ce roman diffère radicalement de la nôtre sur plusieurs points. Les avancées technologiques ont changé notre mode de vie : des implants permettent aux citoyens d’être connectés au réseau 24/24 directement via le cerveau, l’arrivée de l’Energie Libre (gratuite et illimitée) permet à tout un chacun de vivre tout à fait correctement sans avoir besoin de travailler, et enfin la mort n’est qu’un lointain souvenir, chaque individu pouvant librement se sauvegarder pour être ensuite recharger dans un nouveau corps cloné. Dès lors, tous peuvent laisser libre court à leurs loisirs, passions et autres centres d’intérêt.

L’argent n’est plus, le « whuffie » l’a supplanté. Le « whuffie », c’est une mesure de la popularité de chacun, en temps réel. Elle augmente ou diminue en fonction des faits et gestes des citoyens. Celui qui fait des choses jugées bonnes voit son whuffie grimper en flèche. Celui qui au contraire ne fait rien de ses journées, ou bien ne cesse d’être désobligeant aura un whuffie au ras des pâquerettes. Tout le monde peut visualiser le whuffie des autres (grâce aux implants sus-mentionnés et à la connexion permanente au réseau). Et comme tout se paie en whuffie, ceux qui aident au bien être de la société auront accès plus facilement à toutes les commodités possibles. Une sorte de méritocratie du loisir.

Les citoyens se regroupent en « ad-hocs », c’est à dire par centres d’intérêt, au sein desquelles le moindre changement est soumis au vote de la communauté. Chacun a droit à la parole, les changements étant parfois longs à se dessiner, les accords difficiles à trouver.

Alors bien sûr, cela saute aux yeux, ce roman est un belle métaphore de notre culture web, agrandie à l’échelle de la société mondiale. Rien de ce que nous connaissons aujourd’hui n’a court, tout est basé sur la culture web, notamment à travers le whuffie, qui reprend la notion de réputation sur internet (les « j’aime » de Facebook, le nombre de clics sur un site ou blog, etc…), et les « ad-hocs » faisant irrémédiablement penser aux forums, ou aux pages Facebook. C’est déstabilisant, car cette société reste difficile à imaginer, mais c’est en même temps très stimulant.

Le héros du roman, Julius, a 150 ans. Il est déjà mort plusieurs fois, mais grâce à sa sauvegarde, est toujours frais et dispo. Son plaisir c’est de « travailler » dans le parc Disney World, au sein de l’ad-hoc chargée du maintien de l’attraction de la Maison Hantée. Il est amoureux, et tout semble aller bien pour lui. Pourtant, un grain de sable va enrayer la machine : Julius est assassiné… Pourquoi, alors que la mort n’existe plus ? Ne serait-ce pas en vue d’une sorte d’OPA de l’ad-hoc voisine qui souhaiterait prendre en charge cette attraction ?

C’est là que le bât blesse. L’histoire. Autant les structures sociales mises en place par l’auteur sont vraiment intéressantes en décryptant et analysant les travers de notre culture web au travers de cette société du loisir, en situant l’action justement dans un parc d’attraction, autant l’histoire du roman ne m’a pas embarqué. C’est assez léger, manquant d’envergure et pas vraiment passionnant (même si le choix du parc d’attraction est on ne peut plus cohérent). Pourtant, les personnages sont assez consistants, mais la mayonnaise n’a pas vraiment pris.

Un livre court, intéressant pour la métaphore qu’il développe plus que par son histoire. C’est dommage, car la combinaison des deux aurait vraiment pu être remarquable. A lire néanmoins, pour les plus geeks d’entre vous !

 

Chroniques à lire également chez Gromovar, Efelle, Yozone, Nébal, Octopedia, les chemins de Khatovar.

  
FacebooktwitterpinterestmailFacebooktwitterpinterestmail