The city & the city, de China Miéville

L’auteur anglais China Miéville est précédé d’une excellente réputation. Tous ses romans ont été encensés pour ses univers inventifs et originaux, réinventant une nouvelle forme de fantasy, Miéville se trouvant du même coup propulsé en chef de file du genre appelé « new weird ». Mais un reproche récurrent demandait à être corrigé : le romancier a toujours eu un peu tendance à prendre son temps, temps sans doute nécessaire pour déployer son univers et ses intrigues mais gonflant parfois à l’excès la pagination de ses oeuvres. « The city & the city » marque un tournant : le roman compte mois de 400 pages, et Miéville laisse de côté la fantasy pour se tourner vers le polar. Résultat : une avalanche de prix (British science fiction 2009, Hugo 2010, Locus 2010, World fantasy 2010, Arthur C. Clarke 2010, Grand prix de l’imaginaire 2012, Elbakin 2012). Voilà qui force le respect…

 

Quatrième de couverture :

Les habitants de Besźel et d’Ul Qoma, villes doubles partageant un même territoire, ont interdiction absolue d’entrer en contact avec leurs voisins. La moindre infraction à cette règle déclenche l’intervention de la Rupture, une force de police secrète dont tous redoutent l’efficacité impitoyable. Quand le cadavre d’une inconnue est découvert dans un terrain vague de Besźel, l’inspecteur Tyador Borlù comprend vite que ses ennuis ne font que commencer. Non seulement la jeune femme, étudiante en archéologie, a été tuée à Ul Qoma, mais ses recherches inquiétaient jusqu’aux plus hautes sphères. Et menaçaient de mettre en danger l’équilibre précaire entre les deux villes…

 

Enchevêtrement urbain

« The city & the city » est donc un pur polar. Difficile de coller de plus près au genre : les protagonistes sont soit des policiers, soit des personnes impliquées de plus ou moins près à l’affaire de meurtre dont on découvre le cadavre dès la première page. Et jamais China Miéville ne déviera de cette enquête, d’où un roman plus ramassé que ses précédents écrits, sans circonvolutions parasites.

Il en résulte un récit maîtrisé, à la narration nerveuse. Mais malgré tout, j’aurais aimé, à titre personnel, un peu plus d’épaisseur concernant les personnages. L’enquêteur que nous suivons, Tyador Borlù, reste finalement assez plat et creux. On ne connaît rien de lui hormis son métier de policier. C’est peut-être toute sa vie, mais tout de même !

En revanche, là où China Miéville est inattaquable, c’est sur la construction de son « monde », de son décor. Les deux villes imbriquées l’une dans l’autre, Besźel et Ul Quoma, sont réellement fascinantes. Fascinantes par leur existence même (et d’ailleurs le romancier se permet même de leur donner une réelle consistance à travers des allusions historiques, un contexte politique et économique, etc…), et fascinantes par le mode de vie qu’elles imposent à leurs habitants. Ceux-ci ont en effet interdiction d’interagir avec les personnes et tout autre être vivant ou edifice de l’autre ville. Je vous laisse imaginer les problèmes posés par la circulation routière… Imaginez également que différents appartements d’un même immeuble peuvent appartenir à l’une ou l’autre ville. Un habitant de Besźel qui souhaite rencontrer son voisin de palier qui lui habite à Ul Quoma devra d’abord se rendre à l’Unicipe, bâtiment officiel faisant office de passe-frontière avant de retourner voir ce voisin. Et pour revenir chez lui, même parcours en sens inverse !

C’est franchement barré, et pourtant… Car malgré un début de roman un peu délicat dû au fait qu’on ne saisit pas encore bien le fonctionnement de ces deux entités, et qu’au fond on a bien du mal à y croire, le décorum supplémentaire fourni par l’auteur (le contexte géopolitique dont j’ai parlé plus haut par exemple) finit par faire son office et peu à peu je me suis senti happé par le récit et je n’ai plus fait attention à ce contexte assez casse-gueule au départ, contexte qui est vraiment le gros point fort du roman.

Car côté intrigue, je suis moins convaincu. Oh bien sûr, pas d’ennui à l’horizon, simplement j’ai trouvé que l’auteur ne donnait pas assez de clés permettant au lecteur de se faire sa propre idée sur le dénouement. Du coup, j’ai par moment eu un peu de mal à suivre (ou bien mon cerveau s’est ramolli, et là c’est mon ego qui en prend un coup…^^), notamment sur la fin, trop vite expédiée, et qui vire carrément à la démonstration par un inspecteur Borlù qui a tout compris, et finit par tout expliquer lors d’un face à face un peu trop « facile » pour l’auteur.

Alors oui, clairement, China Miéville semble être un grand créateur d’univers, à l’imagination fertile. De mon côté, n’étant pas un féru de polars, il m’a semblé que « The city & the city » est un roman plus porté par son contexte fascinant que par son intrigue, et la conclusion de celle-ci me laisse un peu circonspect. J’avoue donc ne pas être pleinement convaincu sur ce coup là, mais il ne fait aucun doute que je reviendrai sur d’autres romans de China Miéville dans un genre qui me sied mieux et qui, s’ils bénéficient d’une aussi belle inventivité, ne manqueront pas de me plaire. Ça tombe, bien, ils sont dans ma PAL !

 

Lire aussi chez Guillaume, Efelle, Gromovar, Lune, Nébal, Alias, Cédric Jeanneret, Philémont, Maëlig.

  
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