La patrouille du temps, de Poul Anderson
Quatrième de couverture :
Le Voyage dans le Temps, c’est très bien. En particulier pour les touristes, les historiens et les archéologues.
Mais il y a aussi quelques illuminés qui entendent en profiter pour modifier le cours de l’Histoire. Assassiner un fondateur de religion, changer l’issue d’une bataille, et pourquoi pas ? amputer le nez de Cléopâtre, voire se tailler un empire personnel en important de l’avenir des armes prohibées.
C’est déjà inquiétant pour l’humain ordinaire, encore qu’il ne s’apercevrait jamais de cette réécriture de l’Histoire, surtout s’il y disparaissait.
Mais c’est carrément intolérable pour les Danelliens de l’avenir lointain, plus d’un million d’années, les surhommes de l’avenir, qui n’ont aucune envie d’être éradiqués.
Ils ont donc créé la Patrouille du Temps chargée de maintenir l’Histoire dans son droit fil. Qui mène à eux.
Nom de Zeus !
Dans le top des auteurs « classiques » de la SF américaine injustement boudés et méconnus en France, Poul Anderson occupait certainement un bonne place il y a encore quelques années. Et puis, parfois, un éditeur décide de pratiquer une vraie politique d’auteur, politique qui finit par porter ses fruits puisque les éditions du Bélial, après la parution d’une dizaine d’ouvrages de l’auteur, semblent pouvoir se targuer de l’avoir réhabiliter (et il faut dire qu’il aurait été bien dommage de se passer de « Tau Zéro » par exemple).
« La patrouille du temps », dont il est question ici, est le premier volume (sur quatre) consacré à un cycle sur lequel Anderson a longtemps travaillé. Constitué de cinq nouvelles ayant toutes pour personnage principal le même homme, Manse Everard, il met en scène une sorte de police temporelle chargée de s’assurer, sous l’égide des Danelliens, inventeurs du voyage dans le temps plusieurs milliers d’années dans le futur, que la trame de l’histoire reste inchangée (sous peine de ne pas voir la civilisation des Danelliens apparaître, ce que ces derniers veulent bien sûr éviter). C’est avec cette riche idée que va jouer Poul Anderson pour nous proposer plusieurs récits riches en rebondissements et parfois aussi en « prise de tête » (forcément, dès qu’on parle voyage dans le temps).
La grande réussite de ce recueil est de nous proposer des récits variés. Ainsi la première nouvelle, « La patrouille du temps », nous présente cette fameuse patrouille, dès lors que Manse Everard se trouvera engagée par elle. On y découvre les principes qui sous-tendent le cycle (la trame de l’histoire a toujours tendance à revenir à ce que l’on connaît, une modification mineure ne bouleversera pas le cours du temps, ce qui laisse une certaine latitude à l’auteur pour jouer avec l’histoire, ou bien l’édiction du principe de discontinuité : si un agent revient dans le passé pour tuer son père avant sa naissance, il ne disparaîtra pas pour autant puisqu’il aura vécu avant l’inflexion des événements), et un Manse Everard déjà contraint de jouer avec les règles de la patrouille. Intéressante approche du voyage dans le temps, mais le récit peine tout de même à convaincre complètement.
Le deuxième en revanche, « Le grand roi », dans lequel Everard s’aperçoit qu’un de ses amis a pris la place, un peu contraint et forcé, de Cyrus le Grand est une réussite à tout point de vue. Un récit très astucieux, dans lequel Anderson joue avec les points de vue et les concours de circonstances pour montrer que l’histoire se joue à peu de choses. Avec ce texte, l’auteur montre par ailleurs qu’il est particulièrement à l’aise dans les récits historiques.
Le troisième texte, le plus court, « Les chutes de Gibraltar », nous place quelques millions d’années avant notre ère, au moment de la formation de la Méditerranée. Un récit étrange, qui tranche un peu avec le reste des textes du recueil de par son ambiance et son style différent, mais qui joue à nouveau finement avec les effets du temps tout en proposant quelques scènes grandioses. Mais là encore, le texte m’a paru perfectible.
Et à nouveau après un texte pas pleinement réussi, Anderson nous propose une petite perle avec « Échec aux Mongols ». Ici, Everard et son collègue indien John Sandoval doivent enquêter sur une incursion mongole en Amérique du temps de Kubilai Khan (petit-fils de Genghis Khan), soit bien avant la découverte du continent par Christophe Colomb. Il y a là un gros risque de déraillement temporel. Et pourtant, en y réfléchissant bien, cette incursion mongole ne pourrait-elle pas déboucher sur un avenir bien meilleur pour les autochtones amérindiens ? Récit passionnant et diablement intelligent (la patrouille du temps agit-elle pour le mieux de l’humanité ou pour le seul bien que quelques-uns ?), « Échec aux Mongols » pose de vraies questions en plus de mettre un pied dans l’uchronie. Le meilleur texte du recueil.
Le dernier texte, « L’autre univers », relève, lui, à 100% de l’uchronie. Manse Everard et un collègue, souhaitant prendre du bon temps, se retrouvent dans un New-York de 1955 totalement bouleversé, à tel point qu’ils ne reconnaissent pas le moins du monde l’univers dans lequel ils sont tombés. Qu’a-t-il donc bien pu se produire pour en arriver là ? Modèle parfait d’uchronie (avec point de divergence majeur entraînant des bouleversements historiques), c’est à nouveau l’occasion de se poser la question de l’éthique de la patrouille du temps alors que les agents, pour faire revenir l’histoire à l’état « normal », risquent bien de se retrouver génocidaires… La thématique est assez proche du texte précédent, mais l’exécution est différente, et les conséquences bien plus dérangeantes.
Au final, malgré deux textes en retrait, c’est un bien bon recueil que nous avons là, plein d’aventures et qui offre en sus une belle dose de réflexions, magnifié par trois superbes réussites, et si les trois tomes suivants se révèlent de la même eau, nul doute qu’il y a de quoi y trouver du plaisir. Espérons que le bibliographie de Poul Anderson recèle d’autres pépites, car il est toujours temps de redécouvrir un grand auteur, plus de 13 ans après sa mort…
Lire aussi les avis de Nebal, le Tigre, Lordius, Philémont, Daidin, Julien…
Chronique écrite dans le cadre du challenge « RVLF » de Lune, et du challenge « Morwenna’s list » de Cornwall.
Cela fait bien 1 an et demi que je passe régulièrement devant à la bibliothèque et que je me dis « bon, la prochaine fois, je le prends ». À priori, ça serait une bonne idée, je suis sûr que ça va arriver un jour. ^^
J’étais un peu comme toi : j’ai souvent lorgné sur cette série, mais toujours en la laissant finalement de côté. Je ne regrette pas de m’y être finalement mis.
Donc oui, ce serait une bonne idée. C’est une belle illustration, avec des situations variées, du voyage dans le temps.
Tous les tomes sont très bien (Le patrouilleur, La Rançon et le Bouclier). Et ils sont en poche…
Exact, donc aucune raison de s’arrêter là en effet. 😉
Surtout que les tomes suivants sont excellents voire meilleurs que celui ci. 😉
Raison de plus pour poursuivre. Peut-être avec la future édition définitive du Bélial… 😉
C’est au programme chez moi mais la dernière fois tous les volumes étaient empruntés à la bibliothèque hélas.
C’est signe que c’est une série qui fonctionne bien. Ils reviendront, ne les rate pas !
J’ai lu le premier tome il y a longtemps et j’en ai plutôt un bon souvenir. Ce n’est pas trop daté, comme style ?
Non pas daté, en tout cas pas à l’excès. On sent bien que ce n’est pas de première jeunesse, mais l’auteur sait écrire de l’historique et de l’uchronique, donc ça reste vraiment très plaisant.
La patrouille du temps c’est surtout de l’anti-uchronie (enfin quand elle fait bien son travail). Je connais les premières nouvelles et je ne me suis jamais plongé dans les textes traduits plus récemment. Cette chronique me donne envie! Et dans le genre, il faut lire les textes où intervient la patrouille du temps dans la série Bob Morane
C’est quoi l’anti-uchronie ? 🙂
Un croisement Patrouille du temps-Bob Morane, ça doit faire des étincelles ! 😀 Tu peux te pencher sur le reste du cycle, il n’y a de raisons pour que ça ne te plaise pas (à moins que l’auteur ait vraiment raté la suite, mais au vu des critiques, je le pense pas).
Je vais attendre la sortie en deux volumes de l’intégrale de la Patrouille du temps dans la collection Ksasar. Mais je n’ai pas trouvé de date ni sur le site du Bélial ni dans le Bifrost consacré à Poul ANDERSON. Patience donc. ^^
Exact, j’ai vu passé cette info il y a quelques jours ou semaines. Cette intégrale « définitive » promet d’être très tentante…
Je n’ai pas vu de date non plus, mais je parierais sur la fin de l’année 2015. 😉
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