Lignes de vie, de Graham Joyce
Quatrième de couverture :
À Coventry, après la Seconde Guerre mondiale et le bombardement ravageur de novembre 1940, chacun essaye de retrouver une vie normale, notamment Martha Vine, matriarche aussi charismatique qu’elle est tendre et attentionnée avec ses sept filles. Mais c’est compter sans Cassie, la plus fragile et instable d’entre elles : ayant mis au monde un bébé, un garçon, Frank, elle ne peut se résoudre à l’abandonner. Il va donc falloir, pour la famille Vine, apprendre à vivre avec ce jeune enfant et ses talents particuliers.
Histoire(s) de famille
Une intrigue étoffée n’est pas une condition sine qua non pour faire un roman réussi, « Lignes de vie » en est la preuve éclatante. Car il ne fait que retracer une histoire familiale, étalée sur plusieurs années. C’est le seul et unique fil directeur. Mais ce roman est un régal.
L’histoire de cette famille composée d’une mère, Martha Vine, et de ses sept filles peut difficilement laisser de marbre. Tout en finesse (et on saluera bien sûr l’impeccable traduction de Mélanie Fazi qui a su retransmettre à la perfection la sensibilité de Graham Joyce), l’auteur parvient en effet à mettre en scène des personnages particulièrement attachants. Elle est là la grande force du roman. De Martha, cette mère pas commode au premier abord et un brin manipulatrice mais avec toujours à l’esprit le bonheur de sa tribu, à Cassie, jeune fille a priori assez instable voire même dotée de certains pouvoirs (tout l’aspect fantastique du roman se situe ici, et il est d’ailleurs tout à fait possible d’imaginer que ce fantastique n’est rien de plus que le résultat de l’excentricité de certains personnages), pouvoirs qu’elle semble avoir transmis à son fils Franck, en passant par Ina et Evelyn qui s’adonnent au spiritisme ou Beatie qui rêve de transformer la société et s’installe dans une communauté aux moeurs assez libre (et donc forcément scandaleuses pour l’époque), ces personnages ont tous leur propre caractère, très humain et tout à fait crédible.
A travers ce roman, c’est toute la société anglaise d’après guerre qui nous est présentée, une société soumise à de profond changements : il faut reconstruire le pays, les femmes demandent à avoir leur part dans les décisions importantes, elles qui ont tant donné pour l’effort de guerre, la société est sur le point de se transformer sous l’impulsion de certains courants sociaux d’avant-garde, la guerre a bien sûr laissé de grand traumatismes, etc… En donnant tour à tour un rôle de premier plan à chacune des soeurs et leurs conjoints, avec leurs joies et leurs déconvenues, leurs difficultés, ainsi qu’à Martha et son petit fils Franck qui, du fait de la relative étrange instabilité de sa mère Cassie, va se voir « placer » chez chacune d’elle (et aura la chance de vivre mille choses différentes), Graham Joyce nous offre une jolie douceur littéraire, avec en plus comme une sorte de vision cathartique du fameux et terrible bombardement de Coventry qui tranche assez radicalement avec le reste du récit, ce qui lui donne une tonalité encore plus particulière.
Gardant toujours une approche très minimaliste du fantastique, ce roman n’est évidemment pas à conseiller aux férus d’action et de rebondissements à chaque page. Mais dans le genre fantastique léger, c’est un vrai petit bonbon en forme de livre et c’est à regret que le lecteur quittera cette famille si attachante après une très jolie conclusion, finalement très logique. Plein d’humanité, d’humour également, « Ligne de vie » est un vrai bonheur de lecture.
Lire aussi les avis de Lhisbei, Vert, Lune, Lelf, Tortoise, Ptitetrolle, La tête dans les livres, Melisande, Papillon, Nelcie, Epikt, Nick, Culture SF.
Ça a l’air bien sympa même s’il y a un petit côté « littérature pour filles » dans le résumé. Je le note.
Je ne sais pas si c’est potentiellement plus orienté « filles », mais en tout cas ça se lit très bien.
Un récit quasi uniquement féminin qui évite l’action et se concentre sur les émotions et le ressenti… Mais bon, je ne l’ai pas lui alors je ferai mieux de me taire 🙂
Gros coup de coeur pour moi ! D’ailleurs, j’ai ensuite lu Comme un conte, que j’ai trouvé beaucoup moins à la hauteur. Mais j’ai La Fée des dents en prévision !
Un livre subtil mettant en scène une majorité de personnages féminins, c’est de la littérature pour filles. Alors que la grosse fantasy bourrine avec des haches et du sang, et du beuarrh c’est pour les hommes les vrais. J’ai bon ? Quelle idée étrange de la littérature, et des êtres humains 😉
Ben la littérature qui montre en couverture une fille en bikini avec un flingue, c’est de la littérature pour mec en général – idem pour l’affiche d’un film avec des voitures qui sautent en l’air, des mecs avec des flingues et des fille en bikini à l’arrière.
L’exemple est très mal choisi parce que la fantasy pour filles, on y est en plein dedans: les rayonnages des librairies regorgent d’ouvrages avec des couvertures qui reprennent les constructions de la collection Arlequin – une jeune fille dans une tenue très seyante aux long cheveux dans le vent qui regarde au loin d’un air inspiré avec au fond un beau brun qui la couve des yeux.
Que des filles trouvent Fast and Furious génial ou que des mecs se précipitent sur les romances fantastiques, ça ne me paraît pas scandaleux. C’est juste que 90 % du public… ben c’est le public visé.
Si vous vous êtes un peu penché sur l’histoire de la SF et de la fantasy, vous vous êtes sûrement rendue compte que les amateurs de Conan, Lovecraft, etc… étaient à 98 % des hommes à l’origine.
Je ne sais pas quel âge vous avez mais nous vivons à une époque où la littérature est majoritairement achetée par des filles/femmes. Les garçons/hommes lisent de moins en moins (et c’est un euphémisme). Les sujets et les collections s’en ressentent et le contraire serait très étonnant.
Pour moi le souci c’est essentiellement la catégorisation dès le départ, je suis profondément anti sexiste mais on nous a appris depuis des générations que les femmes devaient aimer la littérature sensible et les hommes la bourrine, les femmes les romances et les hommes les space op. Ne nous laissons pas enfermer pour commencer.
Sinon j’ai 34 ans dans une semaine ; -)
Je le vois souvent en ce moment sur la blogosphère et je dois dire que je suis très attirée ! Ta jolie chronique ne me donne que plus envie de m’y plonger. 🙂
Il a tourné sur la blogosphère notamment grâce à une lecture commune sur le forum du planète-SF. 😉
Ravi de t’avoir tentée ! 🙂
@lune: il se trouve que je travaille dans l’édition et je sais comment fonctionnent les éditeurs. Eux ne se posent pas la question de sexisme ou pas. Ils ont un coeur de cible et ils y vont gaiement… Avec des auteurs qui suivent de gré ou de force.
Clairement, les éditeurs adorent catégoriser les oeuvres qu’ils éditent. Ça leur permet de viser un lectorat bien spécifique.
Libre à chacun de sortir des ces carcans qui ne sont imposés à personne mais qui sont quand même très « inscrits » dans les mentalités. 🙂
Contente que tu aies aimé, il est très chouette ! Ce qui m’impressionne, c’est de ne pas avoir de « vraie » intrigue, et que ça marche quand même 🙂
Oui, comme quoi, quand on s’y prend bien, ça peut marcher. Il faut dire que les personnages sont très réussis, et se suffisent à eux-mêmes. Leur vie est un roman. 😉
Une chouette découverte et un auteur à garder en tête du coup ^^
Oui, dommage qu’il ne soit plus parmi nous pour nous offrir de nouveaux récits…
Clairement parti trop tôt.
Certaines blogueurs ont trouvé ça bien, sans plus, d’autres ont adoré. Tu ajoutes un peu de poids sur l’un des plateaux de la balance… je crois que je n’ai pas le choix, je vais devoir le lire pour m’en faire un avis 😉