Feuillets de cuivre, de Fabien Clavel
Quatrième de couverture :
À la croisée des feuilletons du XIXe et des séries télévisées modernes, Feuillets de cuivre nous entraîne dans des Mystères de Paris steampunk où le mal le dispute au pervers, avec parfois l’éclaircie d’un esprit bienveillant… vite terni. Si une bibliothèque est une âme de cuir et de papier, Feuillets de cuivre est sans aucun doute une œuvre d’encre et de sang.
La littérature est la clé de tout
Nous voici donc face à un steampunk « léger ». Si je dis léger, c’est parce qu’il n’est pas question ici de la débauche de babioles habituelles du genre. Pas de machines à vapeur extravagantes, pas de mécanismes et de boulons à tous les coins de rues. Et pourtant, le steampunk étant un genre assez vaste, ce roman y appartient de plein droit.
Paris, fin du XIXème siècle. Un Paris tel qu’il a existé. Ou presque. À l’Histoire telle que nous la connaissons (l’affaire Dreyfus, la mort dans des circonstances « gênantes » de Félix Faure, entre autres événements marquants) s’ajoutent quelques éléments particuliers (respectant donc l’appartenance du steampunk au genre uchronique) : paranormal, matière exotique aux propriétés spéciales, magie (on pourrait penser que cela contredit ce que je viens de dire au-dessus, mais ces éléments restent somme toute assez discrets malgré leur importance dans les intrigues)… C’est dans ce contexte que nous suivons l’inspecteur Ragon, un policier obèse chargé d’enquêter au fil des chapitres (chacun d’eux s’intéressant à une enquête en particulier, mais j’y reviendrai) sur des meurtres, la plupart du temps particulièrement glauques. Ragon est un féru de littérature, et sa méthode est de faire confiance à cette dernière : elle est la clé de tout, permet de résoudre toutes les affaires, à travers les possessions littéraires des victimes, leur rangement, leur qualité. Et quand la littérature n’entre pas en jeu, il assène :
Et quand bien même on pourrait penser que certaines affaires ne font pas intervenir les livres, Ragon se charge bien de les trouver là où on ne les attend pas, comme sur la peau tatouée d’un supplicié…
Comme dans toute oeuvre steampunk qui se respecte, « Feuillets de cuivre » est très référencé, en littérature comme dans d’autres domaines. Les auteurs infusant ce livre sont nombreux, seulement cités ou bien carrément personnages actifs : Maupassant, Flaubert, Verne, Goncourt, etc… A contrario, le personnage de Sherlock Holmes n’est pas explicitement cité (mais il lui est fait allusion à travers une célèbre citation), alors que Ragon a tout du Holmes à la française : intelligent, observateur, doté d’une redoutable science de la déduction. Il est l’héritier direct des grandes figures d’enquêteurs policiers littéraires : Holmes donc, mais aussi Hercule Poirot. De plus, autre point commun, il hérite au fil des pages d’un némésis, à la manière de Moriarty pour Sherlock Holmes ou Herlock Sholmès pour Arsène Lupin.
« Feuillets de cuivre » tient donc autant du roman que du fix-up de nouvelles, et il est bien difficile de trancher sur ce point. Au premier abord ouvertement fix-up, voire même carrément recueil de nouvelles indépendantes (les enquêtes ne semblant pas être liées entre elles), la deuxième partie prend une toute autre tournure avec un fil rouge qui devient prégnant et reprend ce qui a pu être lu précédemment. Une construction qui, comme l’indique la postface, relève ouvertement du procédé proposé par les séries télé : des épisodes « loners » en début de saison puis l’intrigue globale se dévoile et prend définitivement le pas sur le reste en fin de saison, en remettant en perspective tout ce qui a précédé.
À aucun moment l’ennui ne pointe son nez, la narration est dynamique, les réflexions de Ragon nous font suivre son redoutable cheminement de pensée, et sans temps mort il est bien difficile de s’arrêter en cours de route avant la résolution. Et l’envie de repartir sur une nouvelle enquête se fait souvent bien pressante, d’autant qu’elle sont toutes très réussies (avec une petite préférence pour l’excellente énigme en chambre close du chapitre « Tourbillon aux Trois Ponts d’Or »).
Pour les amateurs de steampunk, c’est donc du pain béni (même si encore une fois, l’attirail du genre reste au second plan). Pour les autres, pour peu qu’ils n’aient pas peur de se frotter à quelques meurtres particulièrement sordides, c’est un joli polar sombre dans un Paris fin XIXème/début XXème fantasmé qui s’offre à eux. Pari réussi pour Fabien Clavel qui, sous des abords de littérature populaire, nous donne un roman plus construit qu’il n’y parait.
Et pour finir il faut noter, une fois n’est pas coutume, la présence à leur juste place (chose devenue malheureusement trop rare) d’une préface et d’une postface toutes deux intéressantes et éclairantes.
Lire aussi l’avis de Gromovar.
Chronique écrite dans le cadre des challenges « Francofou 3 » de Doris et « CRAAA » de Cornwall.
Ça a l’air sympatoche^^
Ça l’est. 🙂
Je suis en plein dedans et c’est très plaisant ! Je n’ai pas encore atteint cette deuxième partie… mais ça ne tardera pas. Si le côté Steampunk comme on le connait n’est pas vraiment présent, ça n’en est pas moins un livre original et bien construit.
Tout à fait.
Oui ce n’est pas du steampunk « tape à l’oeil », mais j’aime autant en fait. Ça assombrit le récit. S’il y avait eu des trucs fous à toutes les pages, je crois que l’impact de l’intrigue en aurait pâti.
Bien, bien, bien… cela me donne envie 🙂
C’est parfois sordide, mais c’est bon. 🙂
Voui mais c’est chiant. On passe son temps à se demander ce qu’on va raconter sur le bouquin et le postfacier fait le commentaire de texte. Grumf !!!
On va manifester comme les taxis pour ne pas être court-circuités par les postfaciers.
Ha, c’est vrai que le travail est un peu pré-mâché. 😀
Mais ça fait quand même plaisir de voir une belle analyse de l’oeuvre en postface et non pas en préface avec moults spoilers (et la préface du roman, elle aussi justement placée, introduit bien le texte en le replaçant dans le mouvement steampunk).
Bien d’accord. C’est une critique complète qu’elle nous fait. Ok, elle est magnifique, mais est-ce sa place ?
C’est plus une analyse qu’une critique. Elle a tout à fait sa place en postface je trouve.
Mais dans toute bonne critique, l’analyse prend une place certaine. Pour moi, ça se recoupe. Je ne dis pas non plus que c’est horrible d’avoir à lire cette postface, ça enrichit de belle façon l’ensemble, mais je me questionne quand même. 🙂
Dans toute bonne critique il y a de l’analyse en effet, mais l’inverse n’est pas forcément vrai.
Il n’y a pas vraiment dans cette postface de volonté de juger le roman (en terme de bon et de mauvais).
Du coup, je l’ai trouvé très pertinente (et bien placée, j’insiste sur ce point ^^).
Argg, tu m’as devancé (toi et quelques autres^^). Je l’ai terminé la semaine passée, mais il faut que je fignole la critique. Un coup de cœur quasi total pour ma part (en bon fan de l’auteur, il faut quand même reconnaître que voir les liens souterrains au sein de son œuvre est jouissif).
Je ne connais pas assez l’oeuvre de Fabien Clavel pour y voir des liens souterrains, mais pour les connaisseurs ça doit ajouter une petite dimension supplémentaire tout à fait intéressante.
Ma prochaine lecture ! 🙂 Merci pour ta critique, ça me rend encore plus impatiente de découvrir le roman.
Mais de rien, j’espère que ça te plaira. 😉
Tiens, un steampunk qui pourrait m’intéresser ? « Fix Up » est un terme d’une laideur assez extraordinaire et en plus dans le contexte du livre, ça donne envie de s’évanouir.
C’est vrai qu’il faudrait trouver un équivalent plus joli à l’oreille que fix-up. Les débats sont ouverts…
Le steampunk est vraiment léger et d’ailleurs ce n’est pas la partie la plus intéressante du livre. Le livre y a une belle place! Bref une lecture que j’ai également appréciée.
Content d’apprendre que tu as aussi apprécié le roman, il le mérite. 🙂
Sordide et steampunk subtil comme il faut ? Ça m’a l’air pas mal du tout en effet… ^^
Les meurtres sont parfois assez « marquants, c’est le moins que l’on puisse dire. Le steampunk est bien là, mais à la marge, tout en offrant une indéniable atmosphère au roman.
[…] Gromovar, Lorhkan, […]
[…] critiques : Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres) ; Thomas Riquet […]
[…] Gromovar, Dionysos, Lorhkan, […]
[…] ce qu’il était ; La geste du sixième royaume ; A vos souhaits => 40 points Lorhkan : Feuillets de Cuivre ; Ianos, singularité nue => 20 points Ptitelfe : Les enfants de Peakwood => 5 points […]
[…] critiques : Dionysos (LeBibliocosme) ; Gromovar (Quoi de Neuf sur ma Pile ?) ; La Magie des Mots ; Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres) ; Thomas Riquet […]
[…] d’autres avis, voir les chroniques de Cédric Jeanneret, Lorhkan et […]
[…] (Dionysos) – Gromovar – La Magie des Mots – Les Lectures du Maki – Lorhkan – Marie Juliet – Naufragés Volontaires – Un Papillon dans la Lune – […]
[…] Les lectures du Maki – Dionysos – Un papillon dans la lune – Boudicca – Lorkhan – Gromovar – vous […]
[…] lectures du Maki – Dionysos – Un papillon dans la lune – Boudicca – Lorkhan – Gromovar – […]
[…] Trolls) ; Gromovar (Quoi de Neuf sur ma Pile ?) ; Jean-Luc Rivera (ActuSF) ; La Magie des Mots ; Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres) ; Ombrebones (Chroniques de l’imaginaire) ; Sometimes a Book ; Thomas Riquet (Mythologica) ; […]