LoveStar, de Andri Snaer Magnason
Quatrième de couverture :
« Peu de temps après que les mouches à miel eurent colonisé Chicago, les papillons monarques furent saisis d’un étrange comportement. […] Au lieu d’aller vers le sud rejoindre leurs quartiers d’hiver, ils se dirigèrent vers le nord. » C’est ainsi que s’ouvre le roman, fable imaginative et pourtant étrangement familière, tenant à la fois de Calvino et des Monty Python.
Face à la soudaine déroute de toutes sortes d’espèces volantes, le génial LoveStar, vibrionnant et énigmatique fondateur de l’entreprise du même nom, invente un mode de transmission des données inspiré des ondes des oiseaux, libérant d’un coup l’humanité, pour son plus grand bonheur, de l’universelle emprise de l’électronique. Et développant au passage quelques applications aussi consuméristes que liberticides… Avec des hommes et des femmes ultra connectés payés pour brailler des publicités à des passants ciblés, le système ReGret, qui permet « d’apurer le passé », ou le rembobinage des enfants qui filent un mauvais coton. Autre innovation, et pas des moindres, en faveur du bonheur humain : les âmes sœurs sont désormais identifiées en toute objectivité par simple calcul de leurs ondes respectives.
Quand Indriði et Sigríður, jeunes gens par trop naïfs et sûrs de leur amour, se retrouvent « calculés », ils tombent des nues : leur moitié est ailleurs. Les voilà partis, Roméo et Juliette postmodernes contrariés par la fatalité, pour une série de mésaventures cocasses et pathétiques, jusqu’à ce que leur route croise celle de LoveStar lui-même, en quête de son ultime invention…
Un grain de folie venu du froid
Ce roman est un peu fou ! Et dans tous les sens du terme. C’est à dire qu’il est un peu fou dans ses idées, émanant sans complexe d’une vraie SF d’anticipation, mais aussi un peu fou dans sa construction, à tel point qu’on pourrait le croire mal édité !… Car il faut bien avouer qu’il est un peu bordélique : ça part dans tous les sens, l’intrigue du roman prend son temps avant de réellement s’installer, l’auteur passant régulièrement du coq à l’âne, délaissant ce qu’il avait mis en place sur de longues périodes… Ainsi, il faut quasiment attendre la moitié du récit avant de vraiment mettre l’intrigue au premier plan. Et pourtant, pas d’ennui, et un intérêt certes un peu fluctuant mais toujours suffisant pour que le lecteur veuille en savoir plus sur ce futur un peu bizarre imaginé par l’auteur. Alors oui c’est foutraque, oui on se dit (à tort) qu’il n’y a pas eu de travail d’édition, et pourtant ça fonctionne.
« LoveStar » est une dystopie, et comme souvent elle commence comme une belle utopie. Imaginez que dans le monde de « LoveStar », le fil n’existe plus puisque la science a permis la communication à distance entre les hommes sans aucun support matériel. Oubliez les modems, les routeurs, les téléphones, etc… Tout se passe dans notre cerveau ! Un monde idéal ? Pas sûr, car toutes les communications sont possibles, même celles qu’on ne désire pas, telles les publicités ou autres intrusions de grandes marques souhaitant imposer leurs produits. L’entreprise LoveStar (du nom de son créateur), qui a inventé cette communication devient un empire qui monnaie même la mort (avec LoveMort), et l’amour (avec InLove).
Et l’amour justement, il en est question à travers les jeunes Indriði et Sigríður, amoureux jusqu’au bout des ongles. Jusqu’à ce qu’ils se retrouvent calculés par le programme InLove, censé déterminer leur moitié idéale. Il se trouve que, d’après InLove, ils ne sont pas faits l’un pour l’autre. Pourtant ils s’aiment. Mais tout va se compliquer quand tout semble se mettre en marche pour leur démontrer, parfois à la dure, qu’InLove a toujours raison…
Il faut bien avouer que Andri Snaer Magnason a eu du nez. Il a bien senti l’évolution de notre société dans ce roman écrit en 2002, une époque déjà lointaine (!!) où internet n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui. Société ultra connectée, dérives publicitaires, orientation des goûts et loisirs au sein d’une même famille pour multiplier les achats, « rembobinage » d’un enfant « mal » éduqué (ou en tout cas pas comme le souhaitaient les parents), etc… Les idées fusent ! Tout un tas de dérives perturbantes voire glaçantes issues de ce que l’on pourrait au départ considérer comme une bonne chose, le tout décrit sur un ton léger mais qui finit par s’assombrir quelque peu à mesure que l’intrigue avance vers une issue inexorable.
Alors certes l’écrivain n’a pas vu venir les réseaux sociaux, une « faille » qui donnerait un roman sans doute bien différent aujourd’hui, mais cela n’affaiblit guère l’impact de ce récit étrange mais prenant, foutraque mais inquiétant, barré et pourtant visionnaire. Un roman sans doute pas fait pour tout le monde, qui peut surprendre et dérouter, mais un roman qu’il serait dommage de rater. Tentez le coup, si ça marche, vous ne le regretterez pas !
Lire aussi les avis de Cachou, Sandrine, Virginie, Mior, Micmelo, la Librairie Générale, Cécile.
Critique écrite dans le cadre du challenge « Dystopie » de Val.
Effectivement de très bonnes idées dans ce roman, mais que je me suis fais chier 😀
Entre la construction bordélique et le côté loufoque poussé à l’extrême, j’ai lutté pour arriver au bout.
Les deux perso principaux sont tellement chiant je trouve -_-
Nan et puis la scène de sexe dans le ventre du loup… :-/
Vraiment pas pour moi ^^
Ah oui, c’est bordélique, c’est sûr. Et le côté loufoque me fait penser à Boris Vian. Tout le monde n’adhère pas, forcément.
Je ne suis pourtant pas spécialement fleur bleue, mais je n’ai pas trouvé les persos chiants. Gentiment amoureux plutôt, de manière assez naïve mais plutôt touchante finalement.
C’est sans doute ce qu’on appelle un roman « clivant ». 😀
huhu, moi qui suis pourtant fleur bleue, c’est vraiment pas passé ^^
Je crois que clivant est le mot. Pour le Prix une autre Terre, dans le jury t’avais ceux qui l’ont beaucoup aimé et le trouvait extra et les autres qui ont eus du mal à aller au bout, c’était très tranché. 😀
Ça ne m’étonne pas, c’est assez éloigné de ce qu’on peut considérer comme classique aussi bien sur le fond que sur la forme, donc forcément ça divise…
J’ai déjà eu envie de lire ce livre. Peut-être un jour le ferais-je.
Faut savoir dans quoi on met les pieds mais je ne regrette pas le voyage. 😉
Les avis sont assez divergents concernant ce livre. Je suis d’un côté tentée car tu le « vends » bien et d’un autre, je me dis qu’attendre la moitié d’un bouquin avant de pour voir être embarquée dans l’histoire, cela ne m’inspire pas….
Alors c’est un maybe
Les avis divergent en effet, et c’est normal, le roman est tellement atypique que tout le monde ne peut pas être emporté.
Difficile de conseiller ce livre en étant sûr qu’il va plaire, disons qu’il ne faut pas être fermé à quelque chose de vraiment différent. L’idéal reste de tenter le coup via une bibliothèque pour éviter les mauvaises surprises (c’est ce que j’ai fait). Reste l’objet livre qui, Zulma oblige, fait son petit effet (si on adhère aux couvertures de l’éditeur).
J’adore ce « ça décoiffe un brin ! » Ce livre me confirme que j’aime bien les dystopies justement, et je vais vite aller voir des idées sur ce challenge 🙂
Si tu n’as pas peur de t’embarquer dans quelque chose d’un peu fou, alors vas-y, lance-toi !
Oui c’est vrai, c’est foutraque, mais ça fait quand même du bien d’être de temps en temps poussé hors de nos formats anglo-saxons si rassurants et finalement attendus. Quel punch ce Magnason !
Ah c’est sûr que ça change ! Je serais bien partant pour un autre roman de l’auteur (qui, pour la petite histoire, a fini troisième de l’élection présidentielle avec un joli 14,26%), tant celui-ci possède un petit (gros ?) grain de folie qui n’est pas pour me déplaire. 😉
Le côté bordélique est un peu foutraque, ça ne me surprend chez Zulma, ils éditent toujours des romans un peu comme ça 🙂 Bref le roman a l’air intéressant mais je doute que ça me plaise 🙂
Si tu ne le sens pas, ce n’est pas peut-être pas la peine de se donner la peine…
J’aime bien le côté foutraque, et j’ai un autre Zulma sur ma PAL, ça me tente. 😉
A tenter. En l’empruntant à la bibli peut-être, pour éviter de claquer 20 balles dans un livre « risqué ».
Yep, c’est exactement ce que j’ai fait. Les bibliothèques, c’est l’assurance tout risque. 😀
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