Zona Cero, de Gilberto Villaroel
Quatrième de couverture :
Un tremblement de terre déclenche une épidémie d’origine inconnue qui transforme la ville de Santiago en paysage apocalyptique. Un journaliste doit entrer dans la ville pour sauver son épouse, qui vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Mais la capitale est assiégée. Des troupes étrangères interdisent l’accès à la « Zona Cero », où règne le chaos depuis que ses habitants se sont transformés en créatures meurtrières et destructrices.
Avec l’aide d’un militaire américain et d’un groupe de mineurs en grève, il traversera les rues de Santiago, infestées de monstres. Sa mission : sauver un curé déchu qui a la clé pour affronter le mal légendaire qui les menace.
La « Zona Cero » était l’endroit où se retrouvèrent manifestations et mouvements sociaux pendant les grèves de 2019 à Santiago, au Chili. Gilberto Villarroel construit un récit qui se nourrit d’une force collective insoumise, et présente ce moment de l’histoire chilienne sous un angle unique. Allégorie sombre d’un pays qui a le visage de la démocratie, mais qui n’a pas chassé les restes de la dictature qui l’a asservi, Zona Cero est un roman fantastique et politique : un miroir tendu à notre monde.
Suceurs de sang allégoriques
Un tremblement de terre semble avoir dévoilé un endroit qui aurait mieux fait de rester caché, et le journaliste Gabriel Martinez, pressé de retrouver sa femme coincée dans un des plus grands buildings de la ville, va se retrouver confronté à une mise sous cloche totale de Santiago par l’armée américaine avant de finalement se faire embarquer par celle-ci dans une traversée pour récupérer un soi-disant VIP et, accessoirement (du moins pour certains), sa femme…
Et carte à l’appui (proposée au début du livre), le lecteur va suivre cette expédition, rendue plus vraie que nature par les nombreux détails apportés par le vécu de l’auteur, qu’ils soient culinaires, culturels ou liés au mode de vie chilienne. Plus que ça, et c’est une habitude dans un récit post-apo « zombiesque » qui cherche à aller un petit peu plus loin qu’un simple road-trip dans une ville dévastée, Gilberto Villaroel y ajoute un vrai fond politique, dénonçant tour à tour les petites affaires sordides de l’église catholique, la faim dévorante du capitalisme débridé (incarné par ces suceurs de sang qui sucent la moelle du pays), les petits arrangements des hommes politiques et des éternels gouvernements « de transition » du pays qui ne manquent jamais de surfer sur l’héritage de la dictature de Pinochet, les privilèges des ultra-riches, l’interventionnisme décomplexé des États-Unis, le racisme ambiant envers les Mapuches, peuple autochtone du Chili.
Il y a tout ça dans ce roman et c’est incontestablement ce qui fait sa force. Mais pour ma part, je n’ai jamais été véritablement passionné par les récits catastrophes de morts-vivants et autres monstres mangeant du cerveau (ou buvant du sang comme ici), du moins pas dans un texte à grande échelle qui se résume bien souvent à une course-poursuite à travers les vestiges de la civilisation. Je les ai même tout particulièrement évités à l’époque où ils étaient à la mode. Et on aura beau y mettre un niveau supplémentaire et métaphorique sur les maux de notre société, ça ne suffit généralement pas à m’enthousiasmer.
C’est malheureusement ce qui s’est produit avec « Zona Cero » qui a pourtant pour lui de proposer un contexte original débouchant sur une « balade touristique » à Santiago, des personnages intéressants car incarnant les différentes strates de la société chilienne (très différents donc mais contraints d’aller tous dans le même sens pour s’en sortir, là encore une métaphore de ce que devrait faire la société chilienne pour avancer dans la bonne direction), en plus d’avoir une signification profonde sur l’histoire politique et sociale du Chili, derrière laquelle transparait toute l’indignation et même la colère de Gilberto Villaroel devant ce que son pays est devenu. Mais j’ai trouvé le tout un peu trop long, alors qu’une novella aurait potentiellement suffit (sans doute au prix d’un voyage écourté, mais peut-être plus percutant encore ?). Dommage, mais le roman n’est ceci dit pas du tout désagréable et mérite la lecture, ne serait-ce que pour constater ce qu’il dénonce. Je sais en reconnaître toutes les qualités, mais je n’ai pas pleinement accroché, ça arrive…
Lire aussi les avis de Gromovar, Tigger Lilly, Anudar, Lhisbei, Anne-Laure, Cédric, Fantastinet, Stéphanie Chaptal,
« je n’ai jamais été véritablement passionné par les récits catastrophes de morts-vivants » : j’hésitais un peu avec ce roman, Lhisbei me l’avait bien vendu, mais comme je suis dans le même cas que toi, j’ai peur que l’aspect sociétal ne suffise pas non plus. =/
C’est évidemment une approche très personnelle, mais j’ai en effet beaucoup de mal avec ce genre de récit… Reste à savoir si pour toi le fond pourrait être supérieur à la forme. Et pour le savoir, il n’y a pas vraiment d’autre solution que d’essayer… 😀
Tiens, ça rappelle un peu le départ d’une novella signée Jack Vance où un tremblement de Terre fait surgir un peuple vivant sous Terre. Mais, du coup, le message tournait autour du concept de réfugié, toujours d’actualité malheureusement.
Ah oui, c’est bien vu, la nouvelle s’appelle « Personnes déplacées » et j’en parlais ici : https://www.lorhkan.com/2013/04/08/baroudeur-de-jack-vance/
Je ne m’en souvenais plus (bravo pour ta mémoire !) mais c’est en effet un excellent texte.
Facile pour moi de me rappeler les histoires de Vance. Et je lis beaucoup moins que toi.