Une rose pour l’ecclésiaste, de Roger Zelazny

Mes lectures de Zelazny commencent à devenir conséquentes, et elles se sont toujours au moins révélées agréables. Ses réflexions sur les mythes sont notamment d’un grand intérêt. L’étape suivante était pour moi de voir ce que valait l’auteur américain en tant que novelliste. Réponse avec ce recueil de quatre nouvelles, et première incursion dans le challenge JLNN de Lune.

 

Quatrième de couverture :

Des récits où se mêlent la poésie et l’extrapolation scientifique, le baroque et le suspense le plus haletant…

Ainsi dans Les portes de son visage, les lampes de sa bouche…, où un homme et une femme, trop orgueilleux pour s’avouer leur amour, rivalisent de témérité dans la capture d’un monstre des mers vénusiennes : montagne de chair écailleuse, regard de serpent…

Ainsi dans Une rose pour l’Ecclésiaste où, sur la planète rouge, les hommes sont morts, frappés de stérilité. Seules quelques Martiennes survivent. Gallinger, le Terrien, vient à elles — armé seulement d’une rose et du Grand Livre. Parmi ces femmes, il y a Braxa, la jeune danseuse sacrée…

 

Le Zelazny novelliste

Et donc quatre nouvelles dans ce recueil, nouvelles d’une taille respectable (trois d’entre elles font cinquante pages, la plus longue quatre-vingt).

La première d’entre elles, « Les furies », nous conte la traque menée par trois hommes dotés de capacités exceptionnelles, répondant au (doux ?) nom de Sandor Sandor, Benedick Benedict et Lynx Links. Ils sont chargés de retrouver un criminel, Victor Corgo, qui a sombré dans le terrorisme suite aux exactions qu’il a commis et qui lui ont fait détester l’humanité. Ceux qui ont lu « Le sérum de la déesse bleue » y verront certaines similitudes. Il y a en effet du Heidel von Hymack dans cet homme qui s’est retourné contre une humanité qui le dégoûte, alors que les quasi-surhommes qui le poursuivent font penser à des « morceaux » de Francis Sandow. Cette nouvelle a d’ailleurs été écrite bien avant le roman… Mais en tout cas, au delà de ce qui pourrait ressembler à du recyclage, force est de constater que cette nouvelle est redoutablement bien écrite. Menée tambour battant, on est accroché du début à la fin ! Fin d’ailleurs sans doute un peu trop vite expédiée, mais qui ne manque pas d’intérêt, malgré un parallèle mythologique (avec Zelazny, forcément…) intéressant mais un peu trop « cheveu sur la soupe »…  Voilà une très belle entame de recueil !

La deuxième nouvelle, « Le coeur funéraire », la plus longue des quatre, est sans doute la plus désabusée. Décrivant les affres de riches citoyens cherchant à se rapprocher de l’immortalité, ne vivant plus qu’une journée de temps en temps (le reste du temps en cryogénisation), en se perdant dans des fêtes coupées du réel, et se retrouvant finalement totalement décalés par rapport à une société future qu’ils ne peuvent pas comprendre, cette nouvelle est encore une fois bien écrite, avec des personnages profonds, et un final poignant. Plus posée, et peut-être un peu moins prenante que la première, elle n’en reste pas moins une nouvelle réussie !

La troisième, « Les portes de son visage, les lampes de sa bouche », est celle qui m’a le moins plu. Elle reste tout à fait plaisante à lire, mais ne m’a pas captivé comme les deux précédentes. Narrant une rivalité entre un homme et une femme cherchant à capturer une immense créature aquatique sur Vénus (!!), avec à la clé un récit rythmé et de belles images (si on accepte la présence d’océans sur Vénus…), je n’ai pas trouvé l’émotion à laquelle je m’attendais. Une demi-réussite.

Et enfin, la dernière nouvelle qui donne son nom au recueil, « Une rose pour l’ecclésiaste » pour les deux du fond qui ne suivent pas, prend place sur Mars. Nous y suivons un poète humain particulièrement désagréable car imbus de lui-même, Gallinger, chargé d’étudier la civilisation martienne sur le point de disparaître car composée uniquement de femmes. Sans en dire plus, là encore Zelazny se réapproprie un mythe bien connu : le mythe prométhéen. En accompagnant le tout d’une belle réflexion sur l’importance et le poids des croyances, d’une histoire d’amour (hélas un peu convenue), et surtout d’un final poignant et très marquant, on a là un excellent récit. La finesse de son écriture m’a d’ailleurs fait penser à plusieurs reprises aux « Chroniques martiennes » de Ray Bradbury. Sacrée référence !

Ce recueil est donc constitué de quatre nouvelles de fort belle tenue. Toutes ne sont pas exceptionnelles, mais il est bien difficile de s’en détacher. Jouant comme à son habitude avec les mythes, l’immortalité, les surhommes, c’est une belle preuve que Roger Zelazny semblait être tout aussi talentueux en tant que novelliste qu’en tant que romancier. Malheureusement, les nouvelles de l’auteur sont assez rares en France. En dehors de ce recueil, il n’y a guère que son « Livre d’or », bien difficile à trouver aujourd’hui, plus quelques autres, disséminées ici ou là… De quoi se lamenter sur l’annulation de l’intégrale raisonnée prévue chez Denoël/Lunes d’encre…

Lire aussi chez Nébal.

Chronique écrite dans le cadre du challenge « JLNN » de Lune.

  
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