Le Livre d’Or de Philip José Farmer
Nouvelle lecture d’un volume de la vénérable et renommée collection des « Livres d’Or de la science-fiction » avec cette fois un arrêt du côté de Philip José Farmer, un auteur qui m’intéresse depuis longtemps sans que je ne me sois jusqu’ici penché sur ses écrits. Mais ce « Livre d’Or » ne restera pas bien longtemps mon unique lecture de l’auteur puisque j’ai prévu de lire très prochainement l’un de ses cycles incontournables, « Le monde du fleuve », mais nous en reparlerons.
Quatrième de couverture :
Philip José Farmer, né en 1918, devint célèbre d’un seul coup, en 1952, par la publication des « Amants étrangers ». Cette nouvelle introduisait le souffle de l’érotisme au sein de la science-fiction américaine, traditionnellement pudibonde. Un érotisme fortement teinté de poésie et de préoccupations éthiques : le héros « farmérien » part à la découverte de lui-même, il traverse des épreuves et en sort grandi. Partout sont associées les préoccupations sexuelles et religieuses : l’oeuvre de Farmer est un hymne à la libération des corps, une rupture — parfois douloureuse — avec l’enfance puritaine de l’auteur. Ses romans — dont certains sont écrits un peu vite — contrastent avec ses nouvelles, souvent éblouissantes, comme en témoignent les textes ici rassemblés.
Une belle découverte
Composé de dix nouvelles présentées dans l’ordre chronologique de parution en VO (de 1954 à 1973), ce recueil s’ouvre d’abord sur une remarquable préface rédigée par le regretté Jacques Chambon. Cinquante pages pour présenter l’homme, ses thèmes de prédilection, et analyser son oeuvre. C’est complet et passionnant.
Concernant les nouvelles présentées, chacune d’elles fort bien introduite par un paragraphe succinct de Jacques Chambon également, je ne vais pas en faire une chronique complète, simplement présenter les plus intéressantes à mes yeux. Tout n’est pas en effet à tomber par terre, mais on trouve tout de même un belle majorité de très bons textes. Quant aux récits plus « mineurs » (je pense à « Totem et tabou », amusante mais oubliable, « L’homme des allées » qui malgré un récit intéressant et bien mené m’a un peu dérangé par son côté « violence normale » notamment sur les femmes, « La voix du sonar dans mon appendice vermiforme », loufoque et barré mais c’est à peu près tout), ils se lisent malgré tout sans déplaisir.
Le reste va donc du bon au très bon, voire à l’excellent.
Ainsi « Prométhée » revisite de façon évidente le mythe du même nom en plaçant un prêtre chargé d’établir si oui ou non une espèce de créatures extraterrestres, les horowitzs, sont doués d’intelligence et capables de penser. S’en suit un long chemin fait d’apprentissage et de réflexions sur la pensée, la conscience, la religion et le concept de divinité. Un remarquable texte.
« L’ombre de l’espace » démontre que Farmer savait jouer du concept de « sense of wonder » cher aux lecteurs de SF avec ce texte dans lequel un vaisseau spatial, suite à une avarie, se retrouve à errer dans ce qui semble se trouver hors-univers et hors-temps… Un mini space-opera presque hard-SF, très agréable.
« Du fond de la chauffe » vous fera voir les disputes de voisinage d’un autre oeil, car il semble bien que rien ne soit dû au hasard, de même pour certains grands événements historiques. Manipulation ? Destinée ? A la fois sérieux, amusant, très étrange aussi et surtout d’une grande ampleur science-fictionesque, ce texte (qui souffre d’un début un peu incompréhensible) va crescendo jusqu’à une fin réussie.
« Chassé-croisé dans le monde du mardi » est une nouvelle à chute, sur le thème d’un amour impossible dans une société qui voit ses citoyens ne vivre qu’un seul jour par semaine, le reste du temps étant passé en « hibernation ». Mais quand un habitant du mardi tombe amoureux d’une femme vivant le mercredi, un problème se pose… Une courte mais très efficace nouvelle.
Plus courte encore, « Papa travaille » nous montre que Philip José Farmer savait aussi faire dans l’horrifique avec ce texte mettant en scène un écrivain qui a décidé de finir son texte coûte que coûte. Pas le meilleur texte du recueil mais plutôt efficace dans son genre.
« Après la chute de King Kong », récit dans lequel le fameux film de 1933 n’est en fait qu’une réécriture d’un événement réel comme sait si bien le faire Hollywood encore aujourd’hui, s’inscrit pleinement dans la démarche de mythographe de Farmer, démarche soulignée par Jacques Chambon dans la préface (Farmer a ainsi repris dans d’autres récits les personnages de Tarzan, Sherlock Holmes, Phileas Fogg, etc…, les faisant passer pour réels et se rencontrant parfois, et les histoires « officielles » de Burroughs, Conan Doyle, Verne, etc… n’étant que des biographies plus ou moins véridiques). Reprenant à son compte le mythe du grand singe, il conte, à travers les yeux d’un témoin de l’époque, la vraie histoire et ce qui se passa après la chute de Kong de l’Empire State Building. Pour ceux qui apprécient les réécritures de mythes, qu’ils soient des légendes antiques, des mythes fondateurs tel Arthur et les Chevaliers de la Table Ronde ou comme ici des personnages issus de la culture populaire, ce récit ressemble bien à un indispensable !
Et enfin, « Fragments sauvés des ruines de mon esprit » clôt le recueil en beauté. Un objet extraterrestre est apparu dans l’espace au dessus de la Terre et le lendemain, l’humanité se réveille en ayant perdu le souvenir des quatre derniers jours. A nouveau le surlendemain, ce sont quatre nouveaux jours qui disparaissent… Ce texte est étonnant car il cumule à la fois ce qui ressemble fort à des incohérences à mes yeux (comment avec de simples prises de notes, se réveiller chaque matin sans aucun souvenir de ce qui a conduit les hommes à cet état et se remettre sur pied, comment continuer à faire tourner la machine économique, les services de sécurité, et monter des projets internationaux), faisant sauter la suspension d’incrédulité, et parvient tout de même à se montrer intéressant, voire même passionnant, captivant. C’est étrange, car c’est peut-être le plus bancal des textes du recueil mais aussi le plus beau, le plus réussi. Récit sur la mémoire, le temps qui passe, les souvenirs, la vie, le désespoir, les regrets, les erreurs, l’écriture vecteur de souvenirs, souvent touchant, parfois bouleversant, une réussite majeure malgré ses défauts.
Au final, un long article pour en arriver à la conclusion que ce « Livre d’Or » s’avère donc être un excellent recueil avec une majorité de très bons textes, 33 ans après sa parution, preuve que cette collection reste plus que jamais une collection essentielle de l’édition francophone de science-fiction. Et surtout, c’est pour moi la découverte d’un auteur passionnant, que je ne manquerai pas de découvrir plus avant.
Chronique écrite dans le cadre du challenge « JLNN » de Lune et du challenge « Summer Star Wars, épisode 1 » de Lhisbei :
Je comprends que ce genre de recueil ne soit absolument pas vendeur, mais je regrette un peu qu’il n’existe presque plus aucun équivalent, les quelques livres d’or (et grand temple de la SF pour la version Pocket) sont vraiment des recueils de qualité pour découvrir un auteur…
Bon j’espère qu’on va se faire Le monde du fleuve le mois prochain 😀
Bien d’accord avec toi, ces recueils sont très intéressants, aussi bien pour le panorama qu’ils offrent sur un auteur particulier via les récits présentés que par les préfaces conséquentes et détaillés.
Pas vendeur certes, mais j’ai presque envie de dire essentiel.
Pour « Le monde du fleuve », ça a l’air bien parti, on verra bien. 😉
Tiens c’est marrant j’ai ressorti l’autre jour les 4-5 Livres d’or que j’ai à la maison (ainsi que les recueil « univers » chez J’ai Lu), en regrettant que ce genre de bouquins n’existent plus…
Quant à P.J. Farmer, je ne le connais que de nom, il va falloir que je m’y intéresse de près !
J’ai bien l’intention de m’en procurer quelques autres, je trouve cette collection et la démarche qu’elle sous-tend très intéressante.
P.J. Farmer, une vraie belle découverte pour moi !
J’avoue que le Fleuve m’a assez ennuyé. J’avais un faible pour son polar X pour le délire qu’il introduisait mais il faudrait le relire.
« Le monde du fleuve » est prévu pour bientôt. Je place de grands espoirs en lui, on verra !
Pour ses romans tirant sur le X, j’avais entendu parlé d’une scène assez surréaliste avec un combat entre Tarzan et je ne sais plus qui, les deux combattants étant atteints d’une érection titanesque !… Ça laisse sans voix ! 😀
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