Mes vrais enfants, de Jo Walton
Quatrième de couverture :
Née en 1926, Patricia Cowan finit ses jours dans une maison de retraite. Très âgée, très confuse, elle se souvient de ses deux vies. Dans l’une de ces existences, elle a épousé Mark, avec qui elle avait partagé une liaison épistolaire et platonique, un homme qui n’a pas tardé à montrer son véritable visage. Dans son autre vie, elle a enchaîné les succès professionnels, a rencontré Béatrice et a vécu heureuse avec cette dernière pendant plusieurs décennies. Dans chacune de ces vies, elle a eu des enfants. Elle les aime tous… Mais lesquels sont ses vrais enfants : ceux de l’âge nucléaire ou ceux de l’âge du progrès? Car Patricia ne se souvient pas seulement de ses vies distinctes, elle se souvient de deux mondes où l’Histoire a bifurqué en même temps que son histoire personnelle.
Un concentré d’émotions
Sous-titré fort justement « Une femme, deux vies, deux univers », « Mes vrais enfants » est un livre rare. Rare car à même de réconcilier les amateurs de littérature de genre et les lecteurs de littérature générale qui ne s’approchent pas de l’imaginaire. Le roman met en scène Patricia Cowan, une vieille dame en maison de retraite et qui se retourne sur sa longue et tumultueuse vie. Ou plutôt sur ses vies. Car elle se souvient parfaitement avoir mené deux vies différentes et parfaitement incompatibles l’une avec l’autre. Deux vies qui se sont séparés lorsque « l’élu de son coeur », à propos de mariage, lui dit « C’est maintenant ou jamais ! ». Dans l’une elle répondra « C’est maintenant ! » et deviendra l’épouse malheureuse de Mark, femme docile et régulièrement rabaissée. Dans l’autre elle répondra « Ce sera jamais ! » et vivra une vie heureuse et épanouie avec Bee. Dans l’une elle a quatre enfants, conçus dans la douleur. Dans l’autre, elle est l’heureuse mère tardive de trois enfants. Dans l’une le monde se dirige enfin vers la paix globale, dans l’autre les armes atomiques ne servent pas qu’à la dissuasion. Mais quelle est donc la vraie vie de Patricia Cowan, et quels sont donc ses vrais enfants ?
« Mes vrais enfants » est un roman profondément touchant qui reprend le thème de l’uchronie, déjà utilisé par Jo Walton dans sa trilogie du « Subtil changement », en le mêlant à une chroniques de deux vies distinctes, avec une écriture pas si éloignée du style qu’elle avait déployé dans « Morwenna » tout en restant plus factuelle. C’est d’ailleurs là une des grosses qualités de ce roman : il sait rester « neutre », sans rajouter aucun pathos pour amener l’émotion. Et pourtant, difficile de ne pas être ému devant ces vies à la fois riches et tragiques, dures et belles. D’autant que le lecteur y trouvera certainement des choses qui feront écho avec sa propre vie, en augmentant d’autant l’effet. L’écriture est donc simple mais totalement au service d’un récit qui fait la part belle aux deux femmes qui n’en sont qu’une, au fil d’une narration chronologique s’intéressant successivement à l’une puis à l’autre. D’un côté cette femme qui subit mais qui a un coeur gros comme ça et qui s’investit dans différents associations, de l’autre cette femme heureuse en amour dans une vie qui pourtant le lui épargne pas les drames alors que le monde se délite autour d’elle. Le bien personnel face au bien du plus grand nombre, c’est sans doute là que se situe le coeur du roman.
Double uchronie (personnelle et historique), « Mes vrais enfants » déploie quantité de thèmes de réflexion (importance des choix, homosexualité, amour filial, couple, procréation, droits citoyens, féminisme…) qui, au fil du récit et au gré d’une écriture faussement distante, font mouche. Une fois ouvert, il est bien difficile de refermer ce roman avant d’arriver à son terme, terme qu’on atteint à regret. Et même si le roman a le bon goût d’offrir une fin ouverte, c’est avec un pincement au coeur (ou submergé d’émotion, c’est selon) que l’on quitte Patricia Cowan, les deux Patricia Cowan, Patty, Pat, Tricia ou Trish, quelle que soit la manière dont elles se sont faites appelées durant leur vie, et qui l’une comme l’autre, illustration de l’effet papillon, auront fait vibrer même le plus stoïque des lecteurs. « Mes vrais enfants », le chef d’oeuvre de Jo Walton ? Jusqu’ici, aucun doute !
Lire aussi les avis de Lune, Gromovar, Cédric, Olivia Lanchois, Gillen Azkarra, Cunéipage, Aude, Philémont, Nikao.
Critique écrite dans le cadre du challenge « Lunes d’Encre » de A.C. de Haenne.
Oohoo ! Heureusement que je l’ai acheté le jour de sa sortie, je crois que je n’aurais pas résisté à ta chronique 🙂 Je m’y plonge très vite !
Tu ne résisteras pas à ce roman, je te le dis d’avance ! 😉
Il est certain que j’achèterai un bouquin d’elle dès que j’en croiserai un en anglais, vous en dites tous trop de bien.
Et alors elle va à Florence cette héroïne ou pas? (Rapport à la couverture…)
Jo Walton ne m’a pas déçu jusqu’ici, et son sommet est incontestablement « Mes vrais enfants ».
Ha, on reconnaît l’italienne ! 😉 Oui le Duomo de la couverture n’est pas là pour rien, Florence a une grande importance. Et si tu connais un peu la ville, les références te parleront (je n’y suis allé qu’une fois, mais ça fait plaisir de « revoir » dans ma tête le musée des Offices, l’église d’Orsanmichele, le Duomo et le campanile de Giotto, Santa Maria Novella, etc…). 😉
Okkk. Oui je connais hihi: ma famille est de Toscane et pour moitié de Florence en particulier. Je n’y vais pas depuis plusieurs années à cause de problèmes familiaux justement, mais c’est mes origines et trois années de fac; j’ai passé ma licence là-bas. Nostalgie immense d’une ville unique, en bref. 🙂
Ah oui d’accord.
Une ville unique oui, elle m’a vraiment marqué, le centre historique n’est pas très grand mais c’est un musée à ciel ouvert, il y a des oeuvres d’art à tous les coins de rue, c’est assez dingue une telle concentration !
Déjà que j’avais très envie de le lire 🙂
Il ne te reste plus qu’à te laisser aller. 😉
Pas encore lu cet auteur mais là, ça réveille très beaucoup l’intérêt
Il faut lire Jo Walton, c’est vraiment très bien.
Très enthousiaste ta chronique, c’est difficile d’y résister !
Et sûrement un bon moyen de convaincre les résistants de lire de la SFFF
Les réticents, les résistants, même combat
Très enthousiaste car le roman est très enthousiasmant !
C’est un livre lisible par tout le monde, pas seulement les férus de SFFF (d’ailleurs, ce n’est « que » une uchronie », pas de SF ni de fantastique ni de fantasy).
Ah, ce livre me fait très envie ! Cette uchronie, a priori, se rapproche dans l’idée principale de La séparation de Christopher Priest et aussi une nouvelle de Lisa Tuttle (Sans regrets je crois).
Oui il y a un air de ressemblance avec « La séparation » en effet. Avec « L’échange » de Alan Brennert également, même s’il n’y a pas cette notion d’échange de vies.
Super chouette ta critique. J’adore le fait que tu mentionnes que ce soit une double uchronie. J’ai hâte de lire ce roman que je compte entamer cette semaine.
J’avais eu quelques réserves avec Le subtil changement, en appréciant la plume et l’uchronie déposée délicatement par touches légères, parfois pudiques.
J’ai l’impression que cela va diablement me plaire.
Merci, tu me donnes très envie de m’y jeter dessus!
La double uchronie est fondamentale, et l’opposition entre une vie heureuse dans un monde en déliquescence et vice versa est importante (mais si l’uchronie « historique » reste légère).
Laisse-toi tenter, tu m’en diras des nouvelles, même si on s’éloigne quand même assez du genre SFFF « pur ».
Je l’ai commencé dimanche soir et je le dévore… c’est un livre envoûtant ! 😀
Complètement !
J’attends ton avis, mais je pense que je le connais déjà. 😉
Une chose est sûre : ça fait bien envie tout ça !
Une chose est sûre : tu devrais déjà être en train de le lire ! 😛
J’ai hâte de le lire celui-là. Ca va être l’exception au régime de PàL de début d’année ^^.
Ah oui, je pense que celui-là faut pas le rater. 😉
Je veux le lire celui-là mais je vais attendre que la hype soit passée et que j’ai oublié ce que j’ai lu sur les blogs :p
C’est vrai que les chroniques abondent pour ce roman.
Il est très attendu, pas mal de SP ont été distribués, ceci explique cela.
Mais le plus important, c’est qu’il faut lire ce roman ! 😉
Je crois que tu m’as convaincu également ! Les critiques portant sur Morwenna ne m’avaient pas emballé et j’avais donc préféré ne pas m’y risquer. Mais ce bouquin me semble être le bon pour franchir le pas et découvrir Jo Walton ! Merci pour ton article
J’ai beaucoup aimé « Morwenna », mais c’est vrai qu’après un gros buzz au début, les critiques se sont faites moins enthousiastes… Espérons que ce ne soit pas la même chose ici. Mais je ne le pense pas car on est encore un niveau au-dessus de « Morwenna ». 😉
Je me réjouis de me dire qu’il me reste Morwenna à lire ainsi que sa trilogie, miam ! Mais j’ai la sensation que du coup la barre est haute ! 😛
Ah oui, tu commences pas le sommet ! 😀
Mais le reste est aussi très bon, tu as sans doute de quoi trouver ton bonheur. 😉
J’avais vraiment adoré Morwenna, et ta chronique me tente beaucoup! Je le rajoute dans ma wishlist, dès que ma PàL a un peu baissé, il sera mien *_*
Bonne idée, je pense que tu ne seras pas déçue. 😉
En termes d’écriture, je le trouve assez différent de Morwenna (mais le souvenir est déjà un peu éloigné au final).
En tout cas, Mes vrais enfants est vraiment top 🙂
J’y ai trouvé quelques ressemblances.
Mais peu importe, l’essentiel c’est qu’on se retrouve sur la qualité du roman. 😉
J’ai vraiment adoré ce livre. Je l’ai trouvé fort émouvant et touchant; et tu vises juste en disant que Walton garde une certaine neutralité. Je trouvais aussi que ça ne tombait jamais dans le pathos, et t’as mis le doigt sur le pourquoi 🙂
Très belle chronique.
[…] Cédric, Lune, Gromovar, Nikao, Lorhkan, […]
[…] géomètres, mais aussi Sénéchal et Mes vrais enfants, dont Lorhkan dit le plus grand bien juste ici. Ne comptons pas la quantité, mais gageons que ces lectures seront intenses et inoubliables […]
[…] un deuxième avis sur ce roman, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Lorhkan, celle […]
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[…] d’Apophis) ; Célindanaé (Au Pays des Cave Trolls) ; Gromovar (Quoi de Neuf sur ma Pile ?) ; Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres) ; Lune (Un Papillon dans la Lune) ; Philémont (Les Lectures de Philémont) ; Siku (Reflets de mes […]
[…] – Au pays des cavetrolls – Dionysos (Le bibliocosme) –Lorhkan – Lune – Xapur – Gromovar […]
[…] (Bizz et Miel), Baroona (233°C), Carole (My inner shelf), Cornwall (La prophétie des ânes), Lorhkan et les mauvais genres, Les lectures de Xapur, Lutin82 (Albédo), Marie Juliet (Books & me), Nevertwhere, Roz (Dans ma […]
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