Star Trek Discovery, saison 2

Posted on 26 avril 2019

Le lancement d’une nouvelle série Star Trek, douze ans après la dernière saison de la série « Enterprise » fut un évènement majeur du monde de la SF à la télévision. « Star Trek Discovery » était donc un pari, à la fois « safe » et osé. Osé car relancer la franchise à la télévision après une telle coupure c’était un peu se lancer dans le vide sans savoir si le public allait suivre une saga qui par certains aspects pouvait avoir vieilli pour le public d’aujourd’hui, et « safe » car les récents films au cinéma, s’ils n’ont pas eu le succès attendu (compte-tenu de l’investissement qu’ils ont nécessité), ont tout de même montré que le succès n’était pas hors de portée.

 

    

    

 

Encore fallait-il ne pas se planter. Et ce n’était pas gagné en plaçant la série si proche chronologiquement de la série originale des années 60 (c’est à dire une dizaine d’années avant celle-ci). Problèmes de cohérence, de continuité, d’évolutions technologiques des effets spéciaux, la chose n’était pas simple à gérer. Il faut ajouter à tout ça la volonté de la production de se différencier sur le plan du design. Ainsi, le showrunner désigné pour lancer cette nouvelle série, Bryan Fuller, avait des idées bien arrêtées. Il a tenu absolument à relooker les Klingons (physiquement mais aussi architecturalement comme en témoignent leurs vaisseaux très différents de ce nous connaissions), au mépris de tout ce qui avait été fait dans les séries précédentes, y compris en termes de justification pour les différents changements de design. Concernant les vaisseaux de la Fédération, il tenait absolument à exclure les nacelles rondes, ce qui là encore va à l’encontre du design des vaisseaux de l’époque (même si au fond ce n’est pas très important). Mais après tout pourquoi pas ? Sauf que Bryan Fuller a quitté la production en octobre 2016, trop tard pour remanier ce qui avait déjà été programmé. Il fut remplacé par un duo, Gretchen J. Berg et Aaron Harberts, épaulés par Akiva Goldsman et Alex Kurtzman en tant que producteurs exécutifs (ce dernier ayant travaillé sur les récents films « Star Trek » de 2009 et « Star Trek Into Darkness » de 2013). Goldsman n’est pas revenu pour cette deuxième saison suite  à un clash avec les scénaristes durant la production de la première, puis Berg et Harberts se sont faits virés en cours de production de la deuxième saison pour de gros dépassements de budget et des comportements inappropriés envers le staff des scénaristes. Résultat ? Alex Kurtzman s’est retrouvé seul à la barre, à la fois en tant que producteur mais aussi en tant que patron des scénaristes de la série.

 

    

    

 

** Attention, à partir d’ici, je spoile A MORT !! **

Difficile dans de telles conditions d’instaurer une réelle identité. Et c’est bien ce qui arrive à cette deuxième saison après la bonne surprise que fut la première malgré les difficultés signalées au-dessus dues à son positionnement chronologique très proche de la série originale. Car elle donne un peu l’impression de vouloir revenir sur certains choix des créateurs qui ne sont aujourd’hui plus de la partie. Ainsi les Klingons redeviennent plus proches de ceux que les séries précédentes avaient présentés, avec un détail capillaire justifié de manière sans doute un peu capillotractée justement… Le nouveau design de leur vaisseau est abandonné sous l’égide de leur nouvelle chancelière L’Rell pour revenir vers un design plus classique avec notamment l’instauration du croiseur D7 (remis au goût du jour comme il se doit, à la manière de l’Enterprise qui apparaît à la fin de la première saison) comme ossature de la flotte. Certains personnages semblent aussi revenir sur leurs choix qui pouvaient paraître étranges, je pense notamment à Ash Tyler et son souhait de partir avec L’Rell sur Qonos, et même dans le cas le plus extrême la production donne l’impression de revenir sur une erreur (la mort de Hugh Culber). Bref, tout ça sent un peu la remise sur le droit chemin, parfois un peu aux forceps.

 

    

    

 

Continuant sur le schéma feuilletonesque de la saison précédente (chose inhabituelle pour une série Star Trek mais devenu quasi obligatoire pour une série moderne), « Discovery » part malgré tout ici sur une nouvelle intrigue, avec l’insistance de la production sur le fait que tous les problèmes de continuité et les mystères non résolus le seraient à l’issue de cette saison (parmi les principaux : pourquoi le mode de déplacement surpuissant du vaisseau Discovery n’existe plus dans les séries se déroulant chronologiquement après celle-ci, et pourquoi Spock ne fait jamais mention de sa demi-soeur Michael Burnham là encore dans les séries consécutives). Et… c’est bien le cas. Est-ce réalisé de manière satisfaisante ? C’est moins sûr, mais l’essentiel est fait malgré tout, et sans doute ne faut-il pas y regarder de trop près sous peine de trouver de multiples failles à cette justification disons… douteuse.

 

    

    

 

Mais revenons au début de cette nouvelle saison. On nous annonce donc des mystères résolus, une continuité sauvegardée et justifiée, et cela passe bien sûr par des personnages communs à « Discovery » et la série originale (communément abrégée par l’acronyme « TOS » pour « The Original Series »). Et donc, badaboum, on ne peut pas y échapper : Spock. Qui prend son temps pour se montrer. Un peu trop sans doute, la série tirant vraiment sur la corde en lui faisant la chasse pendant de trop nombreux épisodes (il n’arrive que dans le septième, la saison en comportant 14…). La série ayant de plus une volonté de mettre énormément de choses dans ses épisodes, elle donne trop souvent l’impression de s’éparpiller en n’approfondissant pas ses thématiques et en allant souvent trop vite pour tout faire tenir dans les 45-50 minutes que dure un épisode (bon sang que les personnages parlent vite !). Mais heureusement, ici ou là, survit un fond typiquement trekien, malheureusement trop rare dans cette série : la découverte de mondes inconnus. Ainsi l’épisode 2 (« New Eden ») avec enfin une vraie « away team » pour découvrir une planète, ou bien l’épisode 6 (« The sound of thunder ») qui nous entraîne sur le monde natal de Saru (épisode qui par ailleurs est très clairement connecté au troisième Short Trek « The brightest star », tout comme l’est le Short Trek « Runaway » avec l’épisode 13 « Such sweet sorrow, part 1 »).

 

    

    

 

Ceci dit, si la « mécanique Star Trek » semble avoir vécu, ça ne fait pas de « Discovery » une mauvaise série, bien au contraire. Car elle capitalise tout de même sur son immense univers développé par les séries et les films, et se permet même de faire du fan-service efficace. Avec Spock bien sûr, même s’il n’est pas le principal concerné par ces appels du pied vers « TOS » (car le Spock de « Discovery » est encore bien différent de celui de « TOS », le basculement se faisant en fin de saison). Car c’est le capitaine Pike qui vole la vedette à tous les autres personnages. J’avais beaucoup aimé le capitaine Lorca de la première saison, très différent (et pour cause…) des autres capitaines bien connus (Kirk, Picard, Sisko, Janeway, Archer…). Mais là, clairement, Pike c’est autre chose. Christopher Pike c’est une présence et un charisme high-level ! Pike, c’est une autorité douce, un pote-capitaine mais pas trop quand même, juste ce qu’il faut pour qu’il suscite le respect, l’amitié, la confiance et l’admiration. Il était brièvement cité dans la première saison comme l’un des meilleurs capitaines de Starfleet, cette deuxième saison le prouve de manière éclatante. On connait bien sûr son destin dans « TOS », mais il n’avait en fait que très peu de présence à l’écran (uniquement dans le vrai-faux pilote (censé, lui, se dérouler avant « Discovery ») et dans le double épisode « The menagerie »). Cette fois, il est sur le devant de la scène et l’acteur Anson Mount lui donne corps de la plus belle des manières. Et côté fan-service, on est servi puisque les références à « TOS » sont bel et bien là, de manière parfois vibrantes (la déjà fameuse scène du « time crystal »… qui est en même temps une possible incohérence puisque le futur vu par Pike étant défini comme inéluctable, il est évident que le conflit en cours se finira de manière positive, à moins de considérer que son destin ne se joue avant la fin de la guerre. Question de point de vue). Une réussite évidente qui a même mené à une pétition demandant à la chaîne CBS (propriétaire de la franchise à la télé) de développer une série annexe axée sur Pike. Je ne serais pas contre du tout…

 

    

    

 

Le reste du casting, désormais bien installé (hormis Spock donc, tout récent ici), fait le job même s’il est toujours regrettable d’avoir si peu de « tranches de vie » de l’équipage, le personnel de navigation-communication étant trop peu mis en avant (à un exception près, le cyborg Airiam qui est un peu plus développé durant un épisode… avant de mourir à la fin de celui-ci, mais c’est un laps de temps trop court pour susciter l’émotion. Installer une vrai complicité entre le spectateur et les personnages annexes prend du temps, la mort d’Airiam est donc marquante bien sûr mais pas déchirante). C’est sans doute un point qui mériterait d’être développé, mais qui demande du temps (et l’aspect feuilletonesque de la série n’aide pas à prendre ce temps qui demanderait des épisodes centrés sur différents personnages, par exemple comment Detmer a accepté ses implants craniens et oculaires suite à la bataille du début de la première saison…) . Et « Discovery », malgré ses seulement 14 épisodes par saison (à comparer aux 24 épisodes saisonniers de « The next generation » et ses 7 saisons), serait pourtant bien avisée d’en accorder un peu. Et d’ailleurs, les DetmerOwosekunRhysBryce (auxquels on peut ajouter les plus développés mais eux aussi systématiquement présents sur le pont ou presque PikeSaruBurnhamTilly et Stamets côté ingénierie) sont sur le pont H24 ? Les équipes doivent pourtant tourner, ce que montrait très bien là encore la série « The next generation » avec des enseignes régulièrement différentes à la navigation par exemple. Signalons également l’arrivée cette saison de Jett Reno, une ingénieure qui a une manière de s’exprimer bien à elle (la réponse qu’elle donne  à Saru dans le dernier épisode, j’adore !). J’aime beaucoup l’humour qu’elle apporte, entre cynisme et réponses cinglantes, apportant un contrepoint efficace à l’univers parfois un peu aseptisé de la série, de manière un peu moins pesante que celui de Tilly, trop omniprésent en début de saison. Et donc Spock bien sûr. C’était casse-gueule mais Ethan Peck s’en sort bien, aidé par un personnage qui n’est pas encore le Spock de « TOS » auquel il peut donc, de manière malgré tout très vulcaine, lui apporter sa touche personnelle. Son évolution est bien menée, et la fin de la saison, avec ses adieux à sa soeur, ouvre de belle façon sur sa curiosité naturelle envers ce qui est/sera son opposé. C’est un doigt pointé vers le James T. Kirk de « TOS » ou je ne m’y connais pas…

 

    

    

    

 

Côté réalisation, la série fait partie du top du genre. CBS a ouvert son portefeuille, et ça se voit (on parle de 8.5 millions de dollars par épisode en moyenne, soit un budget de 100 millions pour une saison, à comparer aux 90 millions de la saison 8 de « Game of thrones » qui ne comprend que 6 épisodes, on est donc clairement dans une des séries les plus chères de l’histoire). Tout est léché, visuellement impressionnant, le summum étant atteint avec le tout dernier épisode, épique comme jamais Star Trek ne l’a été. Un pur bonheur visuel.

 

    

    

 

Scénaristiquement, comme je l’ai dit plus haut, la série veut trop en faire, du moins en première moitié de saison avec en plus cette malheureuse manie de ne pas prendre en compte les conséquences (ou de ne pas s’y intéresser) des évènements « annexes » d’un épisode à l’autre (dans l’épisode 5, le Discovery voit sa coque rongée dans le monde multicolore des champignons du spore drive puis dans l’épisode suivant le vaisseau se porte comme un charme, ou bien dans l’épisode 6 les actes de l’équipage bouleversent totalement une société planétaire (monde natal de Saru qui plus est, pas n’importe lequel donc…) sans plus d’informations sur les conséquences que cela si ce n’est une légère référence dans le tout dernier épisode…). Mais une fois que les différentes intrigues se regroupent ou que certaines sont closes, le scénario se resserre pour offrir une deuxième moitié de saison haletante. On pourrait toujours trouver quelques incohérences de ci de là mais le fait est qu’on se laisse facilement emporté dans le flot des évènements jusqu’à un final grandiose, jouant ouvertement (et efficacement là encore) du fan service pour nous sortir du grand spectacle. Tout est regroupé pour un grand feu d’artifice à faire frissonner les fans de la franchise. Et même si le dernier épisode ne parvient pas lui non plus à éviter quelques incohérences (le but de faire partir Burnham en emmenant le Discovery dans le futur (très bel effet visuel d’ailleurs, cette manière d’altérer l’espace au voisinage d’un trou de ver était très réussi) était de mettre la sphère hors de portée de Control, mais Control est « mort » avant le départ du vaisseau. Peut-être on aurait pu se calmer un peu et réfléchir à l’intérêt d’un tel acte si l’ennemi n’est plus (ok, il reste le « problème » de la sphère…) ? D’ailleurs, une IA comme Control se trouve intégrée dans un seul et même personnage ? On aurait pu penser qu’une IA de ce type est plutôt du genre « distribuée »… Quant aux sept signaux qui ont lancés la saison, les sept qui sont arrivés en même temps dans l’épisode 1, on n’en parle plus ?), ni à faire le lien de manière totalement satisfaisante avec « TOS » (cette façon de poser un voile sous peine de trahison tout ce qui concerne la « time suit » ou le Discovery est un peu forcée, même si on peut sans doute féliciter la production de ne pas avoir cédé à une altération de la ligne temporelle à la manière déjà faite dans l’excellent épisode « Yesterday’s Enterprise » de « The next generation », ce qui aurait purement et simplement effacé ce qui a été fait depuis deux ans… Quant au fait que Spock ne parlera jamais de sa demie-soeur, n’oublions pas qu’il a fait de même avec son demi-frère Sybok, et il ne peut de toutes façons, de fait, plus se permettre de dire qu’elle a disparu avec le Discovery, donc motus…) force est de constater que la continuité est bel et bien celle que l’on connait, la fin de l’ultime épisode donnant clairement les clés à Pike et à l’Enterprise pour aller là où personne n’est jamais allé… du moins au 23ème siècle !

 

    

    

 

Car pour ce qui est du Discovery, on peut dire qu’il aura donc fallu deux ans à la production pour s’apercevoir que s’intégrer juste avant une série qui a lancé la franchise, c’est quelque chose de complexe, pesant et délicat à gérer. Du coup, on envoie tout ce petit monde au 32ème siècle (tiens tiens, ça ne vous rappelle un certain Short Trek ?), et on a les mains libres pour faire à peu près ce qu’on veut. La troisième saison de « Discovery » sera donc celle qui se passera chronologiquement la plus loin dans le futur. C’est plutôt excitant, le vaisseau Discovery sera donc un nouveau Voyager, non plus géographiquement mais temporellement (sans désir de retourner d’où il vient cette fois, sauf peut-être pour Georgiou qui est partie avec le vaisseau mais qui aura droit à sa propre série sur la Section 31. Mais à quelle époque ?). Et plus que tout, il ne pourra qu’y être question de découverte et d’exploration dans une époque totalement inconnue. Un renouveau complet de la série mais totalement adapté à la philosophie Star Trek, avec des possibilités à peu près illimitées. Et le vaisseau Discovery n’aura du même coup jamais aussi bien porté son nom… Bref, rendez-vous est pris pour une troisième saison qui sera forcément pleine de surprises. D’ici là, si tout va bien, la nouvelle série centrée sur Jean-Luc Picard aura déjà commencé…

 

    

    

 

  
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