Le dieu monstrueux de Mamurth, de Edmond Hamilton
Quatrième de couverture :
Un volume destiné aux fans de l’âge d’or de la S.F. et pour la faire découvrir ou redécouvrir aux autres.
Edmond Hamilton, né en 1904 et mort en 1977, a été un des géants de l’âge d’or de la S.F. américaine. Il publia sa première nouvelle à l’âge de vingt-deux ans et cessa dès lors toute activité salariée. Il ne cessa d’écrire jusqu’à la fin de sa vie et son œuvre représente un volume considérable dans lequel tout n’est pas de valeur égale. Pourtant son grand talent lui a permis de s’élever à des sommets : « Les rois des étoiles » est certainement l’un des plus beaux space opera qui aient jamais été écrits et nombre de ses nouvelles, comme celles réunies dans le présent volume, sont des chefs-d’œuvre. Il avait épousé Leigh Brackett, qui était elle-même un des auteurs les plus prestigieux de la S.F. américaine.
Oui vraiment, Edmond Hamilton était un grand
Mon intérêt pour Edmond Hamilton a été quelque peu décuplé avec la parution du Bifrost qui lui a été consacré. Auteur incontournable de la SF américaine, notamment dans le domaine du space-opera, ce Bifrost avait aussi montré un Hamilton moins « spectaculaire », plus humain, à travers des nouvelles qui donnent moins dans le feu d’artifice mais s’intéressent plus à une personne en particulier, ou du moins un petit groupe de personnes, sans forcément faire le tour du système solaire ou de l’univers. « Comment c’est là-haut ? » (1952) l’avait montré de manière éclatante, toujours dans le même numéro. C’est d’ailleurs ce récit qui ouvre ce recueil (titré ici« Comment est-ce là-haut ? » dans la traduction de Luc Terrier que Pierre-Paul Durastanti révisera plus tard), je n’y reviens donc pas ici et vous enjoins plutôt à lire mon article sur le Bifrost spécial Hamilton (et bien sûr cet excellent récit)..
Le recueil fait ensuite place à trois récits de jeunesse. Le premier, « L’île de déraison » (1933),voit le protagoniste envoyé sur une île suite à un « crime de déraison », en compagnie de ce qu’il faut bien appelé d’autres prisonniers. Mais cette société soit-disant parfaite et qui ne tolère aucun écart de pensée ne serait-elle pas l’enfer comparée à ce paradis de liberté que représente cette île de déraison ? Récit sans surprise qui a pris un coup de vieux, il reste sympathique à lire mais le grand Hamilton ne se trouve pas ici. Vient ensuite « Le dieu monstrueux de Mamurth » qui donne son nom au recueil. Récit purement lovecraftien jusque dans sa mécanique narrative (un homme aux portes de la mort et témoin d’un évènement extraordinaire raconte son périple à deux autres voyageurs au coeur du désert), il ne parvient pourtant à produire le même effet dans la tête du lecteur. Ça se lit toujours très bien, et cette incursion d’Hamilton dans le domaine du fantastique ne manque pas d’intérêt mais toujours rien de très marquant ici. « Les graines d’ailleurs » (1937), court récit sur un homme qui découvre deux graines extraterrestres dans son jardin, illustre l’universalité des sentiments, par delà l’espace et les cultures, mais ne va guère au-delà. Qu’on se rassure, le meilleur est à venir…
« Requiem » (1962) hausse le niveau avec un récit de fin du monde, littéralement, avec au passage une critique des médias sensationnalistes. Mélancolique comme Hamilton savait l’être, c’est un joli texte. « La planète morte » (1946) est un texte relevant plutôt de ce que faisait aussi Arthur C. Clarke mélangé à un peu de Lovecraft : une équipe d’explorateurs en perdition se crashe sur une planète inconnue. L’exploration de celle-ci permettra à l’équipage de mettre à jour une étrange citée enfouie. La texte aurait pu rester assez classique mais la fin relève le niveau. « Matériel humain » (1954) est sans doute le petit bijou du recueil. Sur Europe, satellite de Jupiter, une équipe d’astronautes fait face à un certain nombre de problèmes techniques désastreux, à cause d’une intense activité sismique. Sur Terre, les secours s’organisent, d’autant qu’une autre équipe d’astronautes sur Ganymède est disponible pour leur porter secours. Mais la politique s’en mêle… Terriblement pragmatique, voire crûment réaliste, ce texte est à la fois dramatique et toujours d’actualité malheureusement, quelle que soit la situation. Ou quand les calculs politiciens font la pluie et le beau temps… « Quand on est du métier » (1964) est une autre petite perle, sur un homme écrivain de science-fiction qui se demande si son métier n’a pas incité son fils, jeune astronaute, à se retrouver embarqué dans une aventure très risquée (à savoir : le premier voyage vers la Lune, la date d’écriture du texte, en pleine course vers la Lune, ne doit bien sûr rien au hasard). Loin de tout spectaculaire, ce texte aborde de manière subtile et pleine de sensibilité des thèmes tels que la filiation, le libre-arbitre, la destinée, le « rôle » d’un écrivain de science-fiction (ce qui rapproche ce texte, en moins « organisé/structuré » sur le fond, de ce qu’écrit Michael Rheyss avec son cycle des « Ingénieurs cosmiques », déjà abordé dans les Bifrost 90 et 94) et surtout tout simplement l’amour d’un père pour son fils. Superbe !
Les deux derniers textes sont moins marquants mais restent sympathiques. « Dans l’abîme du passé » (1958), un peu à la manière de « L’île de déraison » citée plus haut, met en scène un homme qui a fauté aux yeux de la justice. Le sentence est assez particulière, avec un vrai sens de la mise en scène. Le problème est qu’il risque de ne jamais totalement s’en remettre… Enfin, « L’auberge hors du monde » (1945) joue avec le name-dropping : un homme politique vient quérir des conseils d’autres « élus » dans un lieu hors du monde (d’où le titre) mais aussi hors du temps (ça aurait aussi pu faire un titre). Ainsi, on y trouve des dirigeants du passé mais aussi du futur (qui ne sont donc pas encore, du moins pour nous, des personnes connues). Réunir en un même lieu des personnages issus de différentes époques n’a maintenant rien de très original (Philip José Farmer l’a bien sûr fait depuis dans « Le fleuve de l’éternité » (merci Li-An ! 😉 ) mais aussi Jack Vance dans « La grande bamboche », et sans doute d’autres auteurs également), mais le texte fonctionne toujours.
En conclusion, si certains textes souffrent un peu du passage du temps (sans doute plus sur la forme que sur le fond cela dit), bon nombre d’entre eux restent encore tout à fait lisibles, voire même hautement recommandables (« Comment c’est là-haut ? », « Matériel humain », « Quand on est du métier », « Requiem »). Après tout, il s’agit essentiellement de récit centrés sur quelques personnages, abordés avec justesse et sensibilité. Des thèmes éternels. Et la confirmation, pour ceux qui en doutaient encore, qu’Edmond Hamilton fait partie des grands auteurs de SF. En un sens, nous avons de la chance, il nous reste encore, à nous francophones, de très nombreux textes à découvrir puisque très peu ont été traduits. A condition qu’un éditeur bienveillant veuille bien s’y pencher. Au hasard, « He that hath wings » me dirait bien…
Critique écrite dans le cadre des challenges « Summer Star Wars – Solo » de Lhisbei et « Summer Short Stories of SFFF, saison 5 » de Lutin82.
Pour le rassemblement de personnalités de toutes époque, Le fleuve de l’éternité de José Farmer me semble la référence.
Argh, bon sang mais c’est évident ! Je savais bien que je ratais une référence pourtant immanquable, merci ! 😉
Je corrige l’article tout de suite. 😉