MacBeth, Roi d’Écosse – Première partie : Le livre des sorcières, de Thomas Day et Guillaume Sorel
Quatrième de couverture :
Maintenant écoute, MacBeth.
Pour les hauts faits de ce jour, Duncan te nommera mormaer.
Plus tard, la dame aux mains rouges tu épouseras.
Et enfin, tu seras roi.
Bruit, fureur, sang et prophétie
Que dire qui n’ait pas déjà été dit concernant la fameuse pièce de Shakespeare ? Avec de multiples reprises ou adaptations théâtrales ou cinématographiques, plus au moins respectueuses, plus ou moins audacieuses, on pourrait penser que se pencher à nouveau sur cette oeuvre c’est prendre le risque de faire de la redite, sans offrir de parti pris qui inciterait les lecteurs à aller au-delà de la pièce. C’est pourtant un risque qu’ont pris Thomas Day (au scénario) et Guillaume Sorel (aux illustrations). Et bien que je ne puisse évidemment juger de l’originalité de leur adaptation (n’ayant pas vu toutes les innombrables autres), force est de constater que celle-ci fonctionne à merveille.
Faisant de Lady MacBeth le personnage central du récit (pas le plus présent mais celui par qui tout arrive, et qui va même plus loin que dans la pièce puisqu’elle n’est pas seulement incitatrice mais carrément actrice des évènements tragiques), Day et Sorel offrent une autre vision que celle de Shakespeare. Tout d’abord en se nourrissant de l’oeuvre du dramaturge anglais, en s’en inspirant pour mieux s’en éloigner, pour mieux la transformer, reprenant autant l’Histoire (avec un grand H, du moins ce qu’on en sait, notamment sur Lady MacBeth elle-même, calquée sur Gruoch d’Écosse, ou bien sur les évènements, ô combien importants, conduisant MacBeth à épouser celle qui deviendra la fameuse Lady) que la légende (les sorcières, la prophétie). C’est fait de manière adroite : les éléments célèbres de la pièce de Shakespeare sont présents mais de manière détournée (Banquo ne s’appelle plus Banquo) ou bien situés à des moments différents du récit (la vision des mains sanglantes de Lady MacBeth), le tout restant parfaitement cohérent et compréhensible.
Et donc, tout le récit tourne autour de la fameuse Lady, rendant le personnage de MacBeth encore plus faible que ne le faisait la pièce de théâtre puisque s’il reste ambitieux, il sait rester à sa place sans regret et ne se décidera donc pas à forcer le destin. C’est bel et bien Lady MacBeth qui va prendre les choses en main, quitte à le faire de manière sanglante, faisant de son mari un misérable incapable d’endosser le rôle qu’il prétend incarner. Un changement de paradigme en somme, car même si l’essentiel derrière tout cela était déjà dans la pièce, le fait de faire de Lady MacBeth plus qu’une tentatrice est un pas de côté (ou un pas en avant dans l’air du temps…) intéressant, alors que les sorcières indiquent :
Côté scénario, Thomas Day nous offre une belle montée en tension, qui va crescendo jusqu’à ce fameux acte sanglant qui scelle le destin d’un couple (et de ses nombreuses victimes). La folie est palpable, le mal est présent dans les têtes, sans que personne ne s’en rende encore vraiment compte. La narration est donc parfaitement maîtrisée, les évènements se mettent en place de manière implacable, tout en s’appuyant sur le texte de Shakespeare (dans la traduction de François-Victor Hugo), sans toutefois y coller de manière trop rigide. Thomas Day sait se donner de la liberté et de l’air là où il le faut, à bon escient, et le tout fonctionne parfaitement.
Pour ce qui est des dessins, avec Guillaume Sorel aux pinceaux, personne ne sera surpris d’apprendre que c’est remarquable. Une Écosse entre grisaille et lumière, des intérieurs chaleureux mais aux recoins sombres, des personnages qui ne sont pas de « belles gueules », tout cela donne du caractère aux illustrations. Une mise en image sublime, agrémentée d’une mise en scène dynamique avec un découpage parfois classique parfois moderne, toujours au bénéfice des illustrations mais sans altérer le propos.
À l’issue de la lecture enthousiasmante de ce premier tome, le mal est donc fait, la montée en puissance des personnages est arrivée à son point culminant, place maintenant à la déchéance, la tragédie, le mal absolu. Le tome 2, sans nul doute plein de bruit et de fureur (mais pas raconté par des idiots et qui signifiera beaucoup… 😉 ), risque de sacrément se faire désirer.
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J’ai lu l’interview de Thomas Day chez Gromovar et je pense que ce ne serait pas du tout à mon goût, mais je note que tu en dis du bien. On ne sait jamais, je la lirai peut-être si mon copain la ramène de la librairie pour la lire, lui.
Pas du tout à ton goût ? Qu’est-ce qui te fais dire ça, si ce n’est pas indiscret ?
Cette adaptation est bien dans le ton de la pièce de Shakespeare, sombre, dramatique, inéluctable, écossaise… 😉 Mais j’adore MacBeth, je ne suis pas impartial… 😉
C’est difficile à expliquer mais je trouve le dessin à la fois flou et trop fouillé pour être bien compréhensible (c’est totalement contradictoire, je sais), avec quelque chose d’assez opprimant, limite érotico-gore… En plus je ne connais rien à Shakespeare, je ne comprendrais pas les références. ^^ En fait avant de lire l’interview je ne savais même pas que McBeth était roi et qu’il avait une femme, tu imagines. Je connaissais juste le passage avec les trois sorcières qui jettent des trucs douteux dans leur chaudron.
Alors sur les dessins, c’est évidemment très subjectif. Perso j’adore le style de Guillaume Sorel, qu’on retrouve bien ici, mais dans une tendance en effet assez sombre et oppressante. Mais c’est tout à fait l’ambiance MacBeth, que ce soit le MacBeth de Day/Sorel ou celui de Shakespeare himself.
La BD peut se lire sans connaître l’oeuvre originelle mais c’est vrai que ça apporte quand même un vrai plus d’avoir les références en tête (et puis pour une fois que je peux un peu me la péter en disant que je connais un classique… 😀 ).
Les dessins ont l’air magnifique en tout cas. Mais il faut d’abord que je lise la pièce qui traîne dans ma PAL avant de me lancer dans une adaptation (même si j’en ai déjà vu une en film) ^^
Oui c’est superbe.
Si tu lis la pièce avant, tu auras forcément moins de surprises sur le déroulé de l’intrigue mais ça te permettra de voir les différences opérées par Day/Sorel et ça donne un vrai plus sur le côté référentiel de la chose (même si je me souviens que tu avais vu et aimé l’adaptation cinématographique avec Michael Fassbender et Marion Cotillard).
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