L’enfance attribuée, de David Marusek

Posted on 23 mars 2020
« Une heure-lumière », encore et toujours, histoire d’être à peu près à jour sur les sorties de la collection (encore qu’avec le confinement, la dernière sortie en date au moment où j’écris ces lignes, à savoir « Le temps fût » de Ian McDonald, attendra un peu, d’autant que j’ai du coup un peu l’esprit ailleurs…), avec un autre auteur peu connu en francophonie, Dave Marusek.

 

Quatrième de couverture :

« Le 30 mars 2092, le ministère de la Santé et des Affaires sociales nous délivra un permis, à Eleanor et moi. Le sous-secrétaire d’État à la Population nous fit part de la nouvelle avec les félicitations officielles. Nous étions abasourdis par tant de bonne fortune. Le sous-secrétaire nous invita à contacter l’Orphelinat National. Dans un tiroir se trouvait un bébé à notre nom. Nous étions fous de joie. »
En cette fin de siècle surpeuplée, quand les traitements anti-vieillissements rendent chaque individu virtuellement immortel, avoir un enfant relève du luxe le plus extrême. Sam Harger, artiste spécialisé en design intérieur, ne s’attendait pas à tant de bonne fortune lorsqu’il rencontra l’ambitieuse Eleanor Starke. Couler le parfait amour, puis obtenir l’autorisation d’avoir un bébé… une chance inouïe pour le couple, qui ne cache pas son bonheur. Mais dans ce monde surveillé à l’extrême, dominé par l’informatique et les intelligences artificielles, est-on jamais à l’abri des bugs ?

 

Grandeur et décadence…

David Marusek n’est pas publié ici pour la première fois en France puisque cette novella, déjà publiée chez le Bélial’ dans le millénaire précédent (en 1999), est donc une réédition (la première de la collection « Une heure-lumière »). En sus, il avait déjà bénéficié de la publication de deux de ses nouvelles dans les revues « Etoiles vives » et « Fiction », et d’un roman, « Un paradis d’enfer », aux Presses de la Cité, roman dont « L’enfance attribuée » dont il est question ici est en fait l’introduction.

Et donc, « L’enfance attribuée » nous présente un futur fin de 21e siècle où l’humanité a pour ainsi dire atteint l’immortalité et donc a drastiquement restreint les naissances. Ce futur, richement doté en hautes technologies avec les applications qui vont avec (assistant personnel très évolués dotés de proto-personnalité (pour une novella écrite en 1995, on admirera l’aspect visionnaire avec ce vers quoi tendent les Siri, Alexa, Cortana et consorts…), hologrammes permettant d’assister à distance à n’importe quel évènement ou bien un simple dîner entre amoureux, bases lunaires, clones génériques chargés des « basses besognes », etc…), est bien décrit, d’une manière très positive à travers le couple au centre de l’histoire, Sam Harger et Eleanor Starke, l’un artiste designer bien implanté dans la jet-set, l’autre politicienne en pleine ascension, deux personnages qui ont l’heureuse surprise de se voir attribués, sans l’avoir demandé, un bébé. Don du ciel ou cadeau  empoisonné ?

Car quand la machine s’emballe, après une longue introduction nous montrant la rencontre des deux personnages, leur mise en couple malgré leurs emplois du temps bien remplis et des vies finalement assez différentes, David Marusek nous montre l’envers du décor et l’implacable rouleur compresseur d’une société faite pour les plus riches et qui, pour ceux qui s’écartent du droit chemin, quelle qu’en soit la raison, avérée ou non, ne fait preuve d’aucune clémence, méprisant même les droits les plus basiques.

Oui la première partie de « L’enfance attribuée », disons quasiment les deux premiers tiers, est un peu plan-plan et longuette, certes loin d’être inintéressante dans ce qu’elle présente de cette société du futur, mais laisse un peu à désirer sur le plan de l’intrigue. Mais tout cela sert en fait à mieux mettre en relief le dernier tiers (ou peut-être est-ce l’inverse…) qui brise le rêve et cette douce langueur qui s’était installée auparavant. Le choc est violent, pour le lecteur comme pour les protagonistes.

Et même si David Marusek se garde bien de tout révéler, notamment sur les causes et les personnes derrière les évènements touchants Sam et Eleanor (mais dont les réponses existent dans la « version longue », à savoir le roman « Un paradis d’enfer » ? Je ne saurais dire…), il n’en reste pas moins que le texte est, ça commence à devenir rengaine, une nouvelle belle réussite dans la collection. Sans doute pas un chef d’oeuvre mais incontestablement un texte qu’on lit avec un grand plaisir.

 

Lire aussi l’avis de Gromovar, Vert, Fantastinet, Célindanaé, Yogo, Le chien critique, Aelinel, Boudicca, PatiVore, Yossarian, Un bouquin sinon rien

Critique écrite dans le cadre du challenge « Le Projet Maki » de Yogo.

 

  
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