Un hiver avec Fermi, de Ugo Bellagamba

Posted on 1 juin 2020
Astronomie toujours, plongée dans mes vieilles revues de « Ciel & Espace » également ! Après la construction d’un vaisseau interstellaire, on s’intéresse à la présence ou non des extraterrestres dans l’univers. Sommes-nous seuls ? C’est, en partie, ce à quoi s’intéresse Ugo Bellagamba avec cette vision à long terme du futur de l’humanité, un texte paru dans le hors-série numéro 19 de juillet 2012 (consacré aux extraterrestres) de la revue « Ciel & Espace » et réédité en 2017 (en numérique seulement) aux éditions ActuSF au sein du recueil « Le petit répertoire des légendes rationnelles ».

 

Quatrième de couverture :

Y en n’a pas !

 

L’Humanité à l’heure pour le premier réveillon de l’Univers

« Un hiver avec Fermi » est un relativement court texte de quatre pages qui propose une vaste vision de futur de l’humanité, avec bien sûr en toile de fond le fameux paradoxe de Fermi. Narré par une sorte de conscience omnisciente et désincarnée dont l’origine et l’état restent bien mystérieux (elle semble liée d’une certaine manière au trou noir supermassif au centre de notre galaxie) et tenant le rôle d’archiviste de l’histoire de l’humanité (et créé par elle ?), le texte est un récit de notre futur, depuis la découverte des premières exoplanètes jusqu’à un avenir très lointain.

* A partir d’ici, soyez prévenus, je vais spoiler !! Que ceux qui ne veulent rien savoir du contenu de la nouvelle passent directement au dernier paragraphe ! *

La vie extraterrestre a rapidement été découverte (algues, organismes multicellulaires…), mais pas de trace de vie intelligente, ce qui va amener l’humanité, elle qui semble tirer son évolution du conflit, à « collapser » puis à se relever sous l’impulsion des « Fictionnistes », des penseurs réutilisant les écrits des auteurs et autrices de SF pour relancer le Merveilleux et le Mythe de la Frontière, amenant de nouveau une grande période de prospérité et d’extension autour du XXIIIème siècle.

Puis le temps se dilate, et les dates retenues ne font plus appel au calendrier classique mais à un temps « contracté » dans lequel le Big Bang s’est produit à minuit le 1er janvier, tandis que le système solaire s’est formé le 13 septembre de cette même année et que l’Homme lui-même n’est apparu que dans l’après-midi du 31 décembre. Une manière de replacer l’humanité à son échelle par rapport à l’univers : nous sommes bien peu de choses.

Et l’histoire se poursuit : le 2 janvier de l’an universel 2 (je me suis amusé à faire le calcul, on est sur une échelle d’un peu plus de 37 millions de nos années pour chaque jour de l’an universel…), nouvelle crise. La civilisation humaine s’est tellement étendue que malgré une espérance de vie décuplée, elle avait atteint un maximum au-delà duquel il n’était plus physiquement possible d’aller. D’autant que les moyens de communication n’atteignirent jamais une hypothétique instantanéité (références explicites à l’ansible d’Ursula Le Guin et l’épice de Frank Herbert), la suite ne put être qu’une nouvelle crise. Nouveau repli, certaines zones de l’espace colonisé perdirent le contact.

Des guerres éclatèrent le 4 janvier en début d’après-midi (souvenons-nous : 37 millions d’années par jour…), qui ne durèrent que 3,5 secondes universelles (j’ai fait le calcul pour vous : à peu près 1500 ans !), avec la destruction de mondes entiers, jusqu’à l’inéluctable disparition de l’humanité, quelques minutes universelles plus tard…

Mais l’histoire de l’univers se poursuit, et avec elle la réponse au paradoxe de Fermi, donnée par le narrateur, ce qui l’amène à s’interroger sur son propre rôle au sein d’un univers mort. Mais restera-t-il mort éternellement ?…

J’en raconte beaucoup (trop) sur ce texte, trahissant même un peu son esprit poétique en remettant son échelle temporelle sur des bases qui nous correspondent plus (alors que justement le texte s’évertue à nous montrer que l’histoire de l’humanité n’est qu’un instant fugace à l’échelle de l’univers), mais c’est trahir pour mieux dire que j’ai énormément apprécié ce texte qui au fond n’est ni le premier ni le dernier à imaginer le vaste futur de notre espèce et de l’univers (pensez à Ken Liu par exemple tout récemment) mais qui le fait bien, sur un mode assez sombre mais pourtant très poétique grâce notamment à la très belle plume de Ugo Bellagamba, ce qui n’a rien d’étonnant quand on connaît l’auteur. C’est court, ce n’est pas foncièrement très optimisme (quoique, si on y pense, le 4 janvier universel, ça nous amène à un paquet de millions d’années dans le futur, pas si mal pour une civilisation qu’on prédit souvent au bord de l’extinction), mais pourtant c’est beau.

 

Critique écrite dans le cadre des challenges « Le Projet Maki » de Yogo.

 

  
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