Cantique pour les étoiles, de Simon Jimenez
Quatrième de couverture :
L’humanité a quitté la Terre, devenue inhabitable, voilà mille ans. Elle vit aujourd’hui dans d’immenses stations spatiales, conçues et gérées par des multinationales, et se déplace entre les étoiles par la Poche, une contraction de l’espace et du temps. Quelques semaines dans la Poche se traduisent par des années, voire des décennies en temps réel, condamnant ceux qui y transitent à une vie de solitude. C’est le cas de Nia Imani, capitaine d’un cargo assurant la liaison entre Umbai-V et la station Pélican. Un jour, une capsule d’origine inconnue s’écrase à la surface d’Umbai-V. À son bord, un enfant, indemne mais muet, que Nia accepte de ramener aux autorités compétentes. Au fil de leur voyage, et malgré le silence, un lien très fort se tisse entre la femme et le garçon. Pourtant, le mystère demeure : qui est-il ? D’où vient-il ? Ne risque-t-elle pas de commettre une terrible erreur en le livrant à ses employeurs ?
Simon Jimenez est américain, auteur de plusieurs nouvelles remarquées. « Cantique pour les étoiles », sur lequel planent les ombres de David Mitchell et de Gabriel García Márquez, est son premier roman.
Cartographie des étoiles
On comprend rapidement que « Cantique pour les étoiles » n’a rien d’un roman classique. Le magnifique premier chapitre nous raconte la vie de Kaeda sur la planète Umbai-V, rythmée par l’apparition tous les quinze ans d’un navire de transport chargé de ramener la production de la planète sur une station spatiale éloignée. Quinze ans pour Kaeda, mais seulement quelques mois pour le vaisseau qui navigue dans la « Poche » (disons que c’est l’hyperespace du roman, on est donc là en plein dans la relativité du temps chère à Einstein) et son équipage engagé pour effectuer plusieurs rotations. Et la capitaine, Nia Imani, qui entretient une liaison avec Kaeda, va donc voir vieillir ce dernier. Rapidement. Superbe premier chapitre, qui oscille entre poésie, mélancolie, désillusion et affection, entre Nia et Kaeda bien sûr mais aussi entre Kaeda et un jeune garçon qui a étrangement et sans explication atterri sur la planète, seul et nu.
Le second chapitre prend une toute autre direction, mais j’avoue que je n’ai pas envie d’en dire plus, le plaisir de la découverte de ce que le roman a à présenter étant essentiel, tout autant que la manière dont il le présente. Car de la même façon, le chapitre 3 rompt encore avec ce qui a été fait avant, en changeant totalement de personnage et d’époque. Cela peut paraître risqué, et ça l’est assurément mais force est de constater que Simon Jimenez n’a rien laissé au hasard. Ses chapitres, même apparemment détachés (même si ce n’est pas le cas à chaque fois, heureusement) forment un tout cohérent, qui s’exprime parfaitement de cette manière chorale et éclatée.
Sur le fond du roman, là encore vous me permettrez d’être discret pour ne pas déflorer le sujet. On note quand même qu’une fois que l’intrigue se met en place (assez doucement), l’auteur en profite, toujours en usant de chapitres presque indépendants (si ce n’est par les personnages, au moins pas leur contexte), pour approcher plusieurs thématiques (le tourisme de masse, le culte de la beauté, l’ultra capitalisme…) et développer les relations entre les personnages les plus importants de son récit, entre confiance, complicité, bienveillance, voire relation maternelle et/ou fusionnelle.
Avec cette manière de faire, entre récits détachés et narration chorale, il faut bien admettre que la référence à David Mitchell, que j’estimais au début, je l’avoue, plus commerciale qu’autre chose, se révèle donc justifiée, et on peut même aller plus loin en disant que « Cantique pour les étoiles » tient autant de David Mitchell que des soeurs Wachowski avec le film « Cloud atlas » (qui se révèle être une adaptation d’un roman de David Mitchell, ce n’est pas un hasard), notamment grâce à une certaine musicalité dans la narration (soutenue par une BO mémorable pour le film), surtout vers la fin (et ce magnifique chapitre 13 (sur 14) qui entremêle les destins de deux personnages dans une valse à travers l’espace, de plus en plus serrée jusqu’à la rencontre, comme deux astres gravitationnellement liés qui se tournent autour jusqu’à la collision), ou bien la série « Sense8 » et sa narration éclatée géographiquement qui pourtant relate une seule et même histoire.
Les choses se sont alors déjà singulièrement assombries depuis quelques chapitres, et la poésie et la bienveillance qui se dégageaient du roman jusqu’ici ont fait place à quelque chose de beaucoup plus dur, de plus cruel. Le changement de ton n’en est que plus marquant, et si toute la dernière partie du roman semble aller vers une inéluctable obscurité (et de manière assez osée, assez radicale, il faut le souligner), c’est peut-être pour mieux faire apparaître la lumière.
Le roman a donc pour lui d’offrir une sorte d’ascenseur émotionnel au lecteur, lui montrant les plus belles facettes de l’humanité comme les plus sombres. Une sorte de version raccourcie de la vie, tout simplement. C’est sans doute cliché de dire cela mais le roman est à la fois beau et terrible, et c’est ce qui fait sa force, en plus d’offrir de beaux personnages.
J’avoue que je ne m’attendais pas à autant aimer ce roman, la surprise n’en est que plus belle. Le plaisir de la lecture de « Cantique pour les étoiles » est sans cesse renouvelé grâce à cette narration que l’on ne pourra pas qualifier d’originale puisque d’autres sont passés par là d’une manière ou d’une autre mais au moins de rare et surtout très bien maîtrisée. Plus qu’une « simple » belle surprise, on est donc face à un roman qui à tous les atouts pour marquer son public, et il serait très dommage de passer à côté alors que j’ai malheureusement l’impression (mais j’espère me tromper…) qu’il fait assez peu de vagues. Monde cruel… Allez, faites un effort et laissez-vous tenter par ce cantique, il vous offrira un beau voyage dans l’espace, de belles rencontres, sans mettre d’œillères sur la nature humaine. Superbe !
Lire aussi les avis de Yogo, Cédric.
Critique écrite dans le cadre du challenge « Summer Star Wars – The Mandalorian » de Lhisbei.
Bon, je note même si pleure des larmes de sang en voyant cette affreuse franchise commerciale associée à ce qui ressemble à un excellent roman.
Je n’y peux rien, le challenge s’appelle comme ça depuis plus de 10 ans, on ne va pas le changer maintenant, et puis Star Wars c’est fun, c’est l’été, on est là pour s’amuser. 😀
Par contre, tu peux en effet noter le roman, c’est une excellente parution. 😉
Message supprimé à la demande de l’utilisateur.
Rhhaaa, c’est nul. Supprime mon commentaire SVP, c’est vraiment trop lourd.
Non mais il ne s’agit pas d’inventer un nouveau concept ou quoi que ce soit de « créatif » ou « d’artistique », il s’agit juste de nommer un challenge de lecture orienté vers le space-opera en reprenant un titre connu de tous, représentant un archétype du genre, fédérateur, que tout le monde connaît.
Alors oui on pourrait toujours l’appeler le « Voyage spatial estival », mais ça a quand même moins de cachet.
Ceci dit, je comprends fort bien ton problème avec Star Wars et Disney, un problème que l’on pourrait étendre à toute entreprise tentaculaire qui se saisit d’une franchise pour l’essorer jusqu’à la moelle. Star Wars en est un exemple, Marvel et les super-héros en est un autre, et on peut craindre le pire avec l’assouplissement du Tolkien Estate envers l’utilisation de l’oeuvre de J.R.R. Ca n’empêche pas d’au moins aimer l’oeuvre de départ, débarrassée de toute utilisation ultracapitalistique. Et que par ailleurs, certaines de ces utilisations, évidemment faites pour générer toujours plus de cash, ne sont pour autant pas artistiquement/esthétiquement/techniquement (voire scénaristiquement mais là je rêve un peu… 😀 ) désagréables. C’est le cas du Mandalorien.
Mais c’est un sujet sans fond.
Et j’ai effacé ton message, à ta demande. 😉
Hi hi, il est en « waiting moderation » 🙂 Merci.
Je n’aurai qu’un mot : vendu !
Bon, j’ai quand même prévu de lire « Cartographie des nuages » prochainement, et donc avant, j’espère qu’il ne souffrira pas trop de la comparaison.
Chouette !
Bon alors c’est inspiré par Mitchell mais il ne s’agit de faire la même chose non plus, ni de prétendre lui être supérieur hein. 😉
Mais il y a un petit quelque chose de « Mitchellien » quand même, et ça donne au final un excellent roman. 😉
Génial! Tu as trouvé un beau livre, apparemment! Je l’ai mis dans ma liste d’envies. Un jour…
Ah oui, une très belle surprise que je n’attendais pas. Le ressenti n’en est que meilleur. 😉
Bonne lecture alors, un jour. 😆
@Li-An : je voulais le garder en souvenir, mais du coup ça désactive toutes les réponses… 😀
Ça marche bien là. Un jour j’ai supprimé tous les messages d’un auteur sur mon blog à sa demande et je m’en suis mordu les doigts. C’était quand même vachti intéressant ce qu’il racontait (pas comme mon commentaire de gamin pourri).
Ton message n’était pas inintéressant non plus. 😉
Mais par contre c’est vrai que la gestion des messages pourrait être plus pratique…
Un livre atypique et surprenant qui pourrait être clivant mais il serait dommage de passer à côté. Un peu de poésie ne nuit pas ! 😉
Oui, c’est en effet assez différent de ce qui se fait habituellement. C’est peut-être ce qui pourrait le rendre clivant.
Mais moi, je suis dans le camp de ceux qui ont adoré. 😀
Cool, je le note dans ma liste 😉
Le roman le mérite ! 😉
Non mais si tu me le vends à coup de David Mitchell aussi…
C’est pas moi M’dame, c’est écrit sur la quatrième de couverture !… 😆
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