Polaris – Point Nemo, de Philippe Tessier

Aaaaah, la mer… Certains la voient danser le long des golfes clairs, d’autres l’imaginent comme le dernier refuge d’une humanité confrontée à une série de catastrophes ayant rendu la surface inhabitable et menant à une élévation du niveau des eaux de 200 mètres. Et la mer, elle est peut-être belle, mais elle recèle aussi mille dangers.

 

Quatrième de couverture :

Six cents ans après la chute de l’Empire des Généticiens, terrassé par le rêve éphémère de l’Alliance Azure, des nations moribondes se disputent les ressources du dernier refuge de l’humanité : l’océan.

Dans les ténèbres des profondeurs s’étendent des cités fantastiques issues de sciences défiant l’imagination, mais aussi des amas de structures et de modules vieillissants dans lesquels les populations tentent de survivre à un univers qui leur est totalement hostile.

Perdue en plein milieu du pôle maritime d’inaccessibilité du Gyre du Pacifique Sud, la Station Internationale Nemo est une oasis de lumière dans les abysses insondables de l’océan que l’Organisation des États Sous-Marins a décidé de démanteler. Mais ce qui devait être une mission de routine s’avère beaucoup plus périlleux que prévu.

Entre les installations délabrées qui menacent de s’effondrer à tout moment sous l’effet de la pression, le manque de ressources vitales et l’absence de plus en plus inquiétante de tout navire de ravitaillement, l’équipe envoyée sur place se retrouve contrainte de lutter pour survivre… sans se douter que, dans l’obscurité des abîmes, se tapissent bien d’autres dangers.

 

C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme…

Certains connaissent peut-être déjà « Polaris » avec le jeu de rôles créé par Philippe Tessier sorti en 1997 (pour la première édition). Car tout part de là : un jeu de rôles, des extensions, un joli succès, à tel point que l’auteur finit par sortir des romans permettant de densifier l’univers et d’en faire avancer la chronologie. Six romans sortent au fil des ans, parfois remaniés et regroupés en intégrales, et puis c’est un long black-out qui nous amène jusqu’à ce mois de juin 2021 qui voit l’apparition d’un nouveau roman chez les éditions Leha, annonçant la reprise des parutions dans cet univers si particulier.

En tout cas, particulier sur la forme. La Terre, suite à de multiples catastrophes (pas vraiment décrites, mais cela fait partie des nombreux mystères de cet univers), est devenue inhabitable et l’humanité s’est retrouvée contrainte, avec l’aide des Généticiens (dont on sait bien peu de choses également) d’aller vivre sous la mer. Les Généticiens ont « régné » pendant mille ans avant que l’Homme, étant ce qu’il est, ne fasse sa révolution sous la bannière de l’Alliance Azure. A nouveau 250 ans de paix, avant que la guerre ne frappe à nouveau et que de multiples états ne fasse surface (haha), chacun avec leurs spécificités. On reconnaît bien là le jeu de rôles avec ses différents factions : l’Hégémonie guerrière, la Ligue Rouge commerçante, l’Union Méditerranéenne hyper-technologique, l’Alliance Polaire et ses cyborgs, la République du Corail apparemment pacifique et au milieu de tout ça la cité d’Equinoxe, neutre et lieu de diplomatie mondiale, siège de l’OESM (l’Organisation des Etats Sous-Marins, l’ONU de cet univers).

Rien de bien original me direz-vous, on a déjà vu tout cela dans de multiples space-operas avec une humanité dispersée qui se fait la guerre pour de multiples raisons, avec des stations spatiales aussi bien dangereuses que fragiles (le fond de la mer et l’espace sont tout aussi inhospitaliers l’un que l’autre, et la moindre brèche peut s’avérer fatale). Et vous avez raison. Sauf qu’ici, tout se passe des milliers de mètres sous l’eau. Et ça change tout. Ou rien, selon la façon dont vous allez aborder cet univers. Et aussi peut-être en fonction de votre rapport avec les fonds marins. Moi ça me fascine : ces grands fonds obscurs et inconnus, finalement moins explorés que la planète Mars, c’est un truc qui m’émerveille. D’autant que j’ai de grands souvenirs en jouant à des jeux vidéo se passant sous l’eau (le brillant « Archimedean Dynasty » dans les années 90, à l’époque où les simulations d’engins de tous types (avions, engins spatiaux, chars d’assaut, sous-marins…) avaient la cote !) ou bien avec des séries télé (la médiocre « Seaquest » dans les années 90 là encore, sorte de « Star Trek » sous-marin, que je ne pouvais m’empêcher de regarder). Et puis évidemment « Abyss », « 20 000 lieus sous les mers », etc… Bref, je trouve ça fascinant.

Alors c’est vrai que si le contexte est original, le fond l’est un peu moins. Comme je le signale au-dessus, on est sur un post-apo sous-marin dans lequel l’humanité s’est dispersée en plusieurs états qui se font concurrence (commerciale, diplomatique, militaire…). Mais reposant sur un socle assez dense avec son background étoffé et travaillé depuis bientôt 30 ans, c’est un univers malgré tout très riche qui s’offre au lecteur. Et ce sans avoir besoin de le connaître au préalable puisque le « Point Nemo » dont il est question ici est tout à fait adapté à un lecteur qui découvre l’univers pour la première fois (c’est mon cas car à ma grande surprise je suis totalement passé à travers ce jeu de rôles que je ne connaissais pas). Philippe Tessier a en effet l’intelligence de faire de son récit un huis clos dans une petite station spatiale sur le point d’être démantelée, et dont le personnel n’a plus eu de contact avec l’extérieur depuis deux ans. Une manière d’aborder l’univers par petites touches avec ce que sait l’équipage et qui sera mis à jour avec les évènements qui vont inévitablement frapper la station.

Parce que deux ans sans contact, c’est long, et les réserves s’affaiblissent. Il faut donc aller chercher des secours, et bien sûr tout ne va pas se passer comme prévu, avec notamment l’arrivée de pirates/contrebandiers aux intentions inconnues et qui semblent s’être attirés les foudres d’organisations bien plus puissantes qu’eux… Et le lecteur découvre donc au fil de la narration les tenants et les aboutissants de cet univers particulier (du moins ceux qui sont nécessaires à la compréhension du récit dans un premier temps), avec ses factions, sa technologie (utilisation de la supercavitation pour les déplacements (sous-marins et armes), hybrides, matériaux, navires…), etc, pour mieux y plonger quand l’action est lancée.

Et de ce côté-là,  on n’est pas déçu tant le roman s’avère être un texte nerveux qui fait la part belle à l’action, surtout dans son dernier tiers. Peut-être même un peu trop, mais il faut bien avouer que Philippe Tessier sait gérer les scènes d’action et que le roman est difficile à lâcher. Relativement court (moins de 300 pages), « Polaris – Point Nemo » se lit d’une traite et donne très envie de découvrir la suite, puisqu’il s’agit bien ici d’une trilogie qui se charge de relancer la machine éditoriale de cet univers (les éditions Leha vont d’ailleurs rééditer les romans précédents). Une suite qui devra nécessairement élargir son cadre pour profiter pleinement de ce contexte terriblement attirant, et faire quelque chose du MacGuffin du roman.

« Polaris – Point Nemo » ne révolutionne donc pas le petit monde de la SF, mais il a suffisamment d’atouts dans sa poche (notamment avec son background et son contexte rarement mis en scène) pour séduire un lectorat à la recherche d’un roman vif et nerveux. Un roman d’aventures très séduisant, parfait pour une lecture estivale, mais pas que. 😉

 

Lire aussi les avis de Carolivre, Bernie.

 

  
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