Dune, première partie, de Denis Villeneuve

Le voilà, le messie du cinéma de SF. Après pas mal d’aléas dûs à la crise sanitaire, le « Dune » de Denis Villeneuve, adapté du fameux roman de Frank Herbert, débarque enfin sur les écrans. Pas partout pour le moment puisque nous avons la chance en France de pouvoir voir le film plus d’un mois avant les Américains. La chance (ou pas…) de voir le succès du film et d’ainsi entretenir l’espoir de voir se tourner la deuxième partie d’un long film qui, à l’évidence, ne pourra être jugé pleinement qu’à l’aune des deux parties réunies. Que cela ne nous empêche pas malgré tout de porter un oeil critique sur ce que nous offre Denis Villeneuve avec ce film.

 

 

 

Alors, par où commencer ? Sans doute par ce qui mettra tout le monde d’accord ou presque : visuellement le film est absolument somptueux. Ça n’a de nos jours plus grand sens de préciser ce genre de choses pour un blockbuster hollywoodien tant on sait que la technique est arrivée à un niveau tel que tout ou presque est possible. Oui, mais Denis Villeneuve a une patte. Ses films ont toujours un petit quelque chose de contemplatif (« Premier contact », « Blade runner 2049 »), dans la beauté de ses plans, dans les points de vue qu’ils offrent, etc… « Dune » n’échappe pas à la règle, et c’est heureux tant il est évident que le désert d’Arrakis se prête bien à cet exercice. En plus d’une zone de tournage qui sonne comme une évidence (la Jordanie, sans aucun doute le lieu idéal pour Arrakis mais Stadlandet en Norvège pour Caladan ne l’est pas moins), le réalisateur canadien a souhaité donné une touche réaliste à son film, et si les effets spéciaux se voient puisque le visuel du film l’exige (les énormes vaisseaux spatiaux, des plans dans l’espace, les vers des sables bien sûr…), ils ne sont pas tape-à-l’oeil mais plutôt sobres (d’ailleurs seules deux scènes ont été tournées sur fond vert) tout en étant impressionnants à la fois, mais loin des exubérances colorées et des festivals pyrotechniques des films Marvel par exemple. En bref, « Dune » est somptueux. On n’en attendait pas moins mais l’extase visuelle mérite d’être soulignée.

 

   

 

Le casting est globalement excellent. Timothée Chalamet est convaincant en Paul Atréides, jeune héritier hésitant commençant à peine à se transformer en potentiel leader messianique, Rebecca Ferguson est absolument impeccable en Dame Jessica, Oscar Isaac incarne à merveille la droiture du Duc Leto. Les autres sont dans eux aussi au niveau, malgré des rôles plus ou moins limités : Josh Brolin en Gurney Halleck, Jason Momoa en Duncan Idaho, etc…, je ne vais pas tous les faire. Je mettrais un léger bémol sur Javier Bardem en Stilgar qui m’a moins convaincu, alors qu’au contraire j’ai adoré ce que Sharon Duncan-Brewster fait du personnage de Liet Kynes (un homme dans le roman). Certes, le changement de genre du personnage n’apporte pas grand chose (et son lien de parenté avec Chani semble avoir disparu, ou en tout cas il n’est pas mentionné) mais la prestation de l’actrice est parfaite ainsi.

 

 

Venons-en au coeur du film, là où l’adaptation fait son office : l’intrigue et l’univers du roman. « Dune » est complexe, dense, les lecteurs le savent bien : le début du roman nécessite d’apprendre de nombreuses informations, de nombreux néologismes. Il est « facile » d’expliquer les choses posément dans un roman, c’est nettement plus délicat dans un film, média qui supporte difficilement les trop longues scènes didactiques. Alors il faut être concentré. Les renseignements fusent, parfois au détour d’un simple phrase (le fonctionnement des boucliers, la Missionaria Protectiva mentionnée mais pas nommée, etc…). J’ai eu la preuve à mes côtés qu’un non-lecteur du roman aura du mal à tout intégrer. Mais ce ne sera pas forcément un obstacle pour apprécier le film puisque le coeur de l’intrigue reste finalement assez simple. Denis Villeneuve a pratiqué une forme d’épure narrative pour ne pas noyer les spectateurs non-connaisseurs (ce qui nuit à certains éléments, comme la caractérisation défaillante du Docteur Yueh, l’absence de mention des mentats, pourtant présents), mais la réussite ne me semble pas parfaite sur ce point. Mais cela était-il seulement faisable ? Chacun jugera.

 

   

 

Le roman de Frank Herbert est connu pour sa richesse thématique, abordant la politique, la religion, l’écologie, le colonialisme et bien d’autres choses sur le mode du roman d’apprentissage. Le film de Villeneuve, n’étant pour le moment qu’un grande introduction, peine à être aussi dense sur ce plan, même si on sent que les possibilités sont là, à travers les visions de Paul, à travers le discours de Liet Kynes ainsi que d’autres éléments. Mais il faudra aller plus loin pour convaincre. Gageons que le deuxième film, s’il se fait, saura mettre l’accent sur ces éléments qui font la saveur du roman d’Herbert.

 

 

 

En revanche, le conflit intérieur de Paul Atréides est parfaitement clair, l’émotion de Jessica est bien là également (bien plus que dans le roman, et c’est tant mieux), on s’aperçoit donc vite que Denis Villeneuve, plutôt que de s’appesantir sur un univers complexe à expliquer par le menu, a préféré le simplifier (du moins pour le moment, en dehors de discrètes allusions que seul le connaisseur relèvera) pour s’intéresser à ses personnages. Et sur ce point c’est une réussite, même s’il est impossible de se départir d’une certaine froideur, déjà largement présente dans le texte de Frank Herbert. Cela n’empêche pas l’émotion de monter (quand Paul retrouve la bague de son père par exemple) mais ces moments restent sans doute un peu trop rares.

 

   

 

Sans défaut, ce « Dune » ? Sans doute pas donc, mais à l’évidence Denis Villeneuve a assuré l’essentiel : transposer sur grand écran une oeuvre colossale. Doté d’une beauté formelle époustouflante (et de belles trouvailles esthétiques comme ces superbes ornithoptères), porté par des acteurs convaincants, soutenu par la musique d’un Hans Zimmer des grands jours, et sachant se faire tout à tour contemplatif tout autant que rythmé par d’impressionnantes scènes d’action qu’Herbert plaçait pourtant au second plan, le film du canadien (long de 2h35 que je n’ai pas vu passer !) replace enfin « Dune » à sa juste place sur l’échiquier de la SF : au centre de l’attention. Au public d’accomplir ce qu’il faut pour que la possibilité de voir la deuxième partie nous soit donnée (et Denis Villeneuve en a largement gardé sous le coude : pas de trace jusqu’ici de l’Empereur, de la Princesse Irulan…), alors que l’évidence est là : ce film DOIT être vu dans une salle de cinéma.

 

 

Critique écrite dans le cadre du challenge « Summer Star Wars – The Mandalorian » de Lhisbei.

 

  
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