Le Messie de Dune, de Frank Herbert

Voilà, le film tant attendu de Denis Villeneuve est en salles, l’adaptation du célèbre roman de Frank Herbert est donc livrée au public alors que la suite de la saga littéraire arrive en version collector. Coïncidence ? Je ne crois pas… 😉 Toujours est-il que je me suis lancé avec avidité dans cette suite, celle qui explicite le message de Frank Herbert, celle qui casse son jouet, celle qui clôt la vie et l’oeuvre de Paul Atréides.

 

Quatrième de couverture :

Paul Atréides a triomphé de ses ennemis. En douze ans de guerre sainte, ses Fremen ont conquis l’univers. II est devenu l’empereur Muad’Dib. Presque un dieu, puisqu’il voit l’avenir. Ses ennemis, il les connaît. II sait quand et comment ils frapperont. Ils vont essayer de lui reprendre l’épice qui donne la prescience et peut-être de percer le secret de son pouvoir. Il peut déjouer leurs plans, mais voit plus loin encore. II sait que tous les futurs possibles mènent au désastre et est hanté par la vision de sa propre mort. Peut-être n’y a-t-il pas d’autre liberté pour le prescient que celle du sacrifice…

 

La vraie conclusion de « Dune »

Paul Atréides, ce héros !… Vengeur de son père, meneur de la révolte des Fremen contre leurs oppresseurs, homme voyant l’avenir, passant d’héritier à monarque puis carrément à dieu vivant, Paul est tout cela. Mais s’arrêter à ça serait une erreur, car ce n’est pas ce qu’a voulu montrer Frank Herbert. Le romancier avait pour but de mettre en garde ses lecteurs, de leur dire de ne pas faire aveuglément confiance à leurs leaders, aussi charismatiques soient-ils. Que la religion, dès lors qu’elle se mêle à la politique, est une arme qui mène irrémédiablement (oui, il y a diable dans ce mot) à la catastrophe. L’enfer est pavé de bonnes intentions n’est-ce pas ? Et Paul le sait mieux que quiconque, lui qui voit l’avenir, tous les avenirs, et qui tente autant que faire se peut de faire « le moindre mal ».

Il a vu le jihad, il a vu la guerre sainte menée en son nom, il a vu les drames, les milliards de morts, et il a accompli son destin. Mais où est donc le libre-arbitre quand on voit l’avenir ? Paul a-t-il la plus petite possibilité de choisir sa voie, ou la voie de l’humanité ? Et à quel prix ? Tout cela est bien plus encore est abordé dans « Le Messie de Dune », roman qui se déroule 12 ans après le précédent, dont la taille (250 pages) tranche avec l’épaisseur du premier volume (600 pages) et qui fait figure de véritable conclusion à « Dune ». Car c’est en effet ici que se termine l’histoire de Paul Muad’Dib, c’est ici que sa vie, et celle de l’Imperium avec lui, prend un tournant radical. Des milliards de morts ? Paul serait-il donc devenu un tyran sanguinaire ? C’est évidemment plus complexe que cela (même si Paul lui-même se compare à Gengis Khan et Hitler), le manichéisme (qui n’en est pas un) que l’on aurait pu discerner dans le roman précédent s’effaçant ici totalement devant les questions qui se pose à celui qui est devenu un dieu vivant et qui a causé un holocauste galactique.

Il n’y a d’ailleurs pas que le manichéisme qui s’efface dans ce roman, véritable pièce de théâtre tragique. L’action à laquelle « cédait » « Dune » n’est plus présente, tout ou presque se passe dans des salles ou des couloirs de palais, tout passe par des dialogues ou des monologues intérieurs. En toute objectivité, il ne se passe pas grand chose dans « Le Messie de Dune » et pourtant le roman est d’une étonnante richesse et parsemé de passages magnifiques (Alia et la vie qu’elle aurait souhaité, ou bien Farok, ce Fremen qui a fait le jihad simplement pour voir la mer…). Et même si certains aspects du roman précédent passent au second plan (Arrakis elle-même, du moins l’aspect écologique de la planète, son écosystème, n’est plus au centre de l’attention même si tout s’y déroule et que sa transformation verte poursuit son chemin), c’est pour mieux en faire émerger d’autres, avec de nouveaux personnages, ou bien d’autres bien connus, sous une autre forme.

Ainsi Duncan Idaho, qui revient sous la forme d’un ghola nommé Hayt, un clone à la mémoire vide. Vide, mais pas tout à fait, et le personnage va se débattre avec cette mémoire qui le fuit, celle qui définit son humanité en somme. Mais Duncan est un cadeau empoisonné du Bene Tleilax, organisation scientifique spécialisée en génétique qui fait partie d’une conspiration visant à faire tomber Muad’Dib, conspiration qui comprend également le Bene Gesserit qui cherche un moyen de reprendre la main sur la lignée génétique qu’il surveille depuis de nombreuses générations, la Guilde des Navigateurs avec Edric, capable grâce à ses pouvoirs prescients de masquer la conspiration à Muad’Dib, et la Princesse Irulan, l’épouse de Paul. Mais vous connaissez la chanson, « les plans dans les plans », et tout ne s’arrête pas à cette « simple » conspiration…

Alia revient également. Sainte Alia du Couteau, révérée elle aussi comme une déesse, qui possède un temple dédié à son culte. Une Alia dont il y aurait également tant à dire, elle qui fut privée de jeunesse, presciente comme son frère Paul et qui, dès avant la naissance, a eu accès à la mémoire des Révérendes Mères (dont sa propre mère…) qui l’ont précédée… Personnage tragique, qui ne voulait pourtant qu’une vie normale, Alia est fascinante à plus d’un titre.

« Le Messie de Dune » est donc la conclusion du cycle de Paul Atréides, un homme devenu messie, puis dieu, puis tyran, avant de redevenir un homme dans le désert. « Dune » ne peut être lu, ni être compris, sans avoir lu « Le Messie de Dune ». Bénéficiant, comme le roman précédent, d’une révision de la traduction effectuée par L’épaule d’Orion et Fabien Le Roy, présentant un prologue inédit (et particulièrement intéressant puisqu’il s’agit du compte-rendu de l’interrogatoire d’un historien par un prêtre, et finalement tout le propos de Frank Herbert est contenu dans ce prologue !), et agrémentée (pour cette version collector) d’une préface de Laurent Genefort et d’une postface de Nicolas Martin (et accrochez-vous, elle sont toutes les deux de haute volée !), cette édition, en plus d’être de toute beauté, est un indispensable pour tout amateur de l’univers dunien.

 

Lire aussi les avis de L’épaule d’Orion, Nebal, le Chroniqueur

Critique écrite dans le cadre du challenge « Summer Star Wars – The Mandalorian » de Lhisbei.

 

  
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