Histoire de la science-fiction, de Xavier Dollo et Djibril Morissette-Phan

Paru fin 2020, croulant sous les éloges, j’ai pourtant attendu les Utopiales 2021 pour me procurer cet album en profitant de la présence sur le festival de Xavier Dollo himself (avec dédicace à la clé bien sûr, l’occasion de constater qu’il a bien fait de ne pas endosser le rôle du dessinateur pour cet album ! 😀 ). Avec un auteur que j’adore et dont je connais l’érudition sur un sujet pourtant très vaste et pas évident à coucher sur un album de BD à première vue, j’avoue que je partais confiant. Et bingo, c’est de l’excellent travail !

 

Quatrième de couverture :

Aujourd’hui, la science-fiction est présente partout, plus seulement en littérature, mais aussi au cinéma, dans les jeux vidéo et même dans la vie quotidienne.

Qui a inventé le mot science-fiction ? Et le mot robot ? Qui sont les grands auteurs du genre ? Quels livres indispensables faut-il avoir lus ?

Un spécialiste répond à toutes les questions dans ce livre de référence, raconté en bande-dessinée. Tout apprenti lecteur pourra désormais s’y retrouver dans la jungle des créateurs visionnaires qui, d’Asimov à Zelazny, ont compté dans l’histoire de la science-fiction.

Préface de Pierre Bordage.

 

Une bible !

Quel projet ambitieux ! Résumer toute l’histoire de la SF, depuis ses origines (et on parle bien là des premiers récits merveilleux, depuis « L’épopée de Gilgamesh ») jusqu’à la SF moderne, le tout dans un album de BD (dans lequel on ne peut pas placer autant de renseignements que dans un essai purement littéraire) d’un peu plus de 200 pages, c’est osé. Nécessité de synthétiser les choses, d’aller à l’essentiel sans toutefois trop simplifier pour ne pas éluder toutes sortes de « petites » informations qui font tout le sel de l’histoire du genre, l’exercice est délicat. Mais Xavier Dollo, qui est une encyclopédie vivante de la SF, a parfaitement négocié l’obstacle, et son alliance avec Djibril Morissette-Phan, dont les dessins faussement simplistes sont bardés de références et parviennent judicieusement à s’effacer devant le propos qu’ils illustrent, fonctionne à merveille.

Sur un mode classiquement chronologique, les deux acolytes nous présentent donc une histoire de la science-fiction souvent mise en scène par les auteurs eux-mêmes, ou via des saynètes tirées de leurs oeuvres. Le procédé est efficace et rend l’exposé très vivant, prenant très souvent des tons de discussions, voire de débats.

Et ainsi, alors que Jules Verne se présente lui-même (l’équivalent d’une narration à la première personne) puis qu’on nous expose les oeuvres de H.G. Wells et d’autres illustres auteurs de cette époque, on en arrive à l’époque des pulps, avec quelques focus sur des auteurs et éditeurs importants.

Puis on bifurque sur la « proto-SF » française (ou francophone) et le merveilleux-scientifique de la fin du XXe / début du XXe siècle, présenté par deux figures du genre : J.H. Rosny aîné et Maurice Renard. C’est un peu ma marotte actuelle, et c’est là qu’une autre facette de cet album m’a sauté aux yeux : le nombre de références et de pistes de lecture abondent ! Prise de note presque obligatoire tant on trouve nombre de références à chaque page. Ne vous y trompez pas, tout cela n’a rien de fouillis, c’est dense c’est vrai (l’album ne se lit pas en cinq minutes, bien au contraire), mais c’est passionnant et surtout toujours clair.

L’âge d’or de la SF américaine nous est présenté par un diner organisé par John W. Campbell qui reçoit Isaac Asimov, Robert Heinlein, Alfred Van Vogt et Theodore Sturgeon. C’en est presque émouvant de les voir discuter devant nous. Ce chapitre est un gros morceau de l’album (un peu trop peut-être par rapport au reste, même si l’importance capitale de cette époque pour le genre SF n’est pas à discuter), passionnant à plus d’un titre là encore de par les pistes de lecture qu’il offre et le nombre d’informations qu’un lecteur intéressé ne manquera pas de creuser plus profondément via d’autres ouvrages ou études.

L’Angleterre et la new wave ont aussi droit à leur chapitre, avec quelques stars, notamment Michael Moorcock présentant cette période à un H.G. Wells ressuscité au sein de la maison biscornue de Robert Heinlein (une illustration des innombrables clins d’oeil qui peuplent l’album). Huxley, Ballard, Clarke, Orwell et bien d’autres sont abordés dans cette joyeuse ménagerie propre à émerveiller n’importe quel lecteur connaisseur du genre et clairement présenter les auteurs incontournables pour un novice.

Puis on retourne du côté des USA, avant de s’intéresser, via la voix de Judith Merrill, à la SF féminine. Place ensuite au cyberpunk et à la SF française moderne, mais aussi, rapidement, au reste du monde.

On pourra toujours trouver que telle ou telle partie prend trop de place, ou au contraire aurait mérité d’être plus développée (la SF contemporaine est réduite à peau de chagrin, mais peut-être n’a-t-on pas encore assez de recul pour déterminer ce qui fait partie de l’Histoire ?), en fonction des centres d’intérêt de chacun. Sur un tel sujet, difficile de contenter tout le monde à 100%. Mais en l’état, soyons honnête, le travail de Xavier Dollo et Djibril Morissette-Phan est absolument remarquable et tout à fait digne d’éloges. On peut même dire, au vu des nombreuses traductions étrangères de l’ouvrage, prévues ou déjà disponibles, que c’est un album qui fera date et s’inscrira de lui-même dans l’histoire du genre qu’il illustre. Indispensable !

 

Lire aussi les avis de Gromovar, Lune, Feyd-Rautha, Célindanaé, Stéphanie Chaptal, Soleil Vert, Alias, Phooka, Yuyine.

 

  
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