Vers Mars, de Mary Robinette Kowal

« Vers Mars » est en quelque sorte la seconde partie d’un gros roman dont la première moitié aurait été « Vers les étoiles ». Les contingences éditoriales étant ce qu’elles sont, ce gros roman de Mary Robinette Kowal s’est donc transformé en deux récits qui se font suite, à quelques années d’intervalle. Après le premier vol vers la Lune, place à la conquête martienne.

 

Quatrième de couverture :

Alors qu’une sonde robotisée se pose sur Mars, prélude à une première mission habitée vers la planète rouge, Elma York embarque à bord de la navette qui la ramènera sur Terre après une affectation de trois mois sur la Lune. Mais le retour ne se passe pas comme prévu : un groupe de terroristes appartenant au mouvement Earth First profite de l’atterrissage en catastrophe du vaisseau pour prendre l’ensemble des passagers en otage. Leurs revendications sont simples : l’arrêt de la conquête spatiale et la réaffectation du budget à la survie sur Terre.

La Lady Astronaute parviendra-t-elle à leur faire entendre raison et, surtout, réalisera-t-elle son rêve : fouler, un jour, le sol martien ?

« Vers Mars » forme avec « Vers les étoiles » un diptyque haletant, en prise directe avec le monde contemporain : le récit d’une lutte pour les droits des femmes et des minorités et d’une conquête spatiale digne de « L’Étoffe des héros ».

 

Mars : à l’attaque !

On avait laissé Elma York dans « Vers les étoiles » en plein vol vers la Lune, dans ce qui constituait alors pour cette histoire uchronique le summum de ce que l’humanité était capable de faire sur le plan technologique (avec une bonne dizaine d’années d’avance sur notre propre Histoire, rappelons-le), dans un but humanitaire puisque la Terre, frappée par la chute d’une météorite, deviendra inhabitable quelques dizaines d’années plus tard à cause de l’emballement de l’effet de serre. Trois années ont passé depuis « Vers les étoiles », la base lunaire existe (nommée Artemis, tiens tiens…) et Elma York revient d’un séjour de trois mois sur la Lune, elle qui a déjà effectué une douzaine de voyages Terre-Lune. Sauf que l’atterrissage, limite catastrophique, ne sera pas de tout repos et virera même purement et simplement en prise d’otages par des membres du groupe Earth First dont les intentions sont claires : redistribuer le budget pharaonique du programme spatial, qu’ils jugent inutile puisque incapable de sauver l’ensemble de l’humanité, auprès des populations qui sont encore dans le besoin plus d’une dizaine d’années après la chute de la météorite.

Soyons clairs dès le début : on reste avec ce roman en terrain connu et déjà exploré dans « Vers les étoiles ». Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : « Vers Mars » déplace son contexte de la Lune (ou en tout cas le programme spatial vers la Lune) à Mars et le fait de telle manière que ce roman est autant un page-turner que son prédécesseur. Les préoccupations restent identiques (sociales, féministes), enveloppées dans un habit technologiquement excitant : le voyage vers Mars. Et si, là encore comme dans le roman précédent, le coeur du texte reste centré sur l’humain (au plus près des personnages, mais aussi, comme on le voit avec la prise d’otages, à une échelle plus grande, voire sociétale avec l’allocation des finances publiques ou l’enquête du FBI très orientée sur les « personnes de couleur »…), il propose ici une vraie aventure spatiale puisque le voyage en lui-même constitue plus de la moitié du texte (en huis clos donc).

Et bien évidemment, pour un voyage spatial d’une durée de neuf mois (rien que pour l’aller) avec une technologie certes légèrement en avance sur la nôtre (quoique pas vraiment, l’avance du programme spatial décrit dans le roman sur celui que nous avons connu ne vient en fait que d’un « simple » effort de volonté, si on met de côté l’urgence liée à la survie de l’humanité, le tout sans tenir compte des contraintes budgétaires qui passent forcément au second plan devant une telle nécessité), rien ne sera facile. Deux vaisseaux habités (sept personnes dans chacun, pour ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier…) accompagnés d’un cargo constituent le convoi martien, pour une aventure au long cours dont les risques sont nombreux. On les connait bien ces risques, ils sont documentés depuis longtemps : risque médical, risque technologique, risque psychologique.

Et Mary Robinette Kowal a décidé, en recyclant ses thèmes fétiches pour mieux les insérer dans cette mini-communauté (oui les astronautes sont pour la plupart des gens bien, mais ils ont aussi certains biais, qu’ils soient idéologiques ou hérités de la société qui les a « formés ». Le racisme est l’un de ceux-là, le sexisme en est un autre), d’appliquer tous ces risques pour rendre son périple martien dangereux et donc palpitant (et mortel…). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fonctionne diablement bien. Le côté technologique de son récit est à la fois au centre du jeu (et comment peut-il en être autrement ?) tout autant qu’il est en retrait puisque l’autrice ne s’y appesantit pas. Les relations entre les différents protagonistes sont travaillées et crédibles, et certains parmi eux évoluent de belle manière (je pense notamment au gros macho du premier roman, Stetson Parker, qui prend ici un tournant surprenant), Kowal se gardant par ailleurs bien de faire d’Elma York une super-héroïne à qui tous les honneurs reviendraient. Car n’oublions pas qu’elle est certes une icône du programme spatial, c’est en partie pourquoi elle est sélectionnée pour le voyage martien (l’occasion d’insister sur l’importance de la stratégie de communication auprès de la population dans un programme comme celui-là, mais aussi sur les inimitiés que cela peut provoquer au sein même de la communauté des astronautes), mais elle n’est ni la première femme dans l’espace ni la première à poser le pied sur notre satellite. L’équilibre entre tous les éléments du roman est plutôt bien géré, même si on pourra pester dans un sens ou dans l’autre qu’il y a un peu trop de ceci ou pas assez de cela (mais encore une fois, pour une aventure spatiale centrée sur le côté techno, limite manuel de vol hard-SF, il faut se tourner vers la trilogie dite « de la NASA » de Stephen Baxter).

Pas de surprise donc, après un sympathique recueil et un excellent premier roman, le cycle de la « Lady Astronaute » poursuit sur sa lancée et nous offre à nouveau ici un récit qui atteint sa cible, à la fois palpitant, militant, documenté (on s’amusera à trouver ici ou là quelques références au véritable programme spatial, comme la courte apparition de Gus Grissom) et finalement vraiment efficace. Pas de doute, on en redemande. Et ça tombe bien puisque le tome suivant, « Sur la Lune », nommé pour le Prix Planète SF 2023, est déjà là, devant moi… 😉

 

Lire aussi l’avis de Yogo, Anne-Laure, Tigger Lilly, Boudicca, L’Épaule d’Orion, Lianne, Alias, Zoé, Célindanaé, Aelinel, l’Ours Inculte

Chronique réalisée dans le cadre du challenge « Summer Star Wars – Andor » de Lhisbei.

 

  
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